Drômoise de céréales : cultiver la force d’un petit groupe coopératif
La coopérative drômoise de céréales a tenu son assemblée générale en distanciel le 9 décembre. Son président Lionel Eydant revient sur l’année écoulée, les tendances des marchés, le bio, les projets de la coopérative...

Que retenir de l’exercice 2020-2021 présenté lors de l’assemblée générale du 9 décembre ?
Lionel Eydant : « Nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros, en hausse de 7 % par rapport à l’exercice précédent, ceci grâce à la remontée des cours car dans le même temps nos volumes sont en léger recul (226 000 tonnes contre 243 000 en 2019). Un recul qui s’explique essentiellement par des rendements 2020 pénalisés par les conditions climatiques. Notre nombre d’adhérents reste stable mais nous observons quelques changements dans les surfaces, notamment au sud de notre zone de collecte où les semences, la lavande et autres cultures spécialisées gagnent du terrain, sans oublier l’emprise foncière de l’urbanisation. Côté commercialisation, nous avons travaillé au maximum sur des débouchés locaux : des blés meuniers sous contrat, de l’orge de brasserie avec une demande régionale de plus en plus forte... Nous valorisons aussi 40 % de nos volumes en alimentation animale grâce à nos deux usines Ucab à Crest et Ucabio à Chabeuil. Au final, sur la campagne 2020-2021, nous n’avons rien commercialisé par bateau, les coûts du transport maritime ayant fortement augmenté. »
Comment se présente la production 2021 ? Quelles sont les tendances du marché ?
L.E. : « En 2021, nous avons atteint voire légèrement dépassé nos objectifs de production. Les assolements ont été à peu près identiques à la campagne précédente mais les rendements sont en hausse. Le blé et le maïs restent majoritaires, suivis par le soja, le tournesol, le colza. La qualité, compte-tenu des conditions climatiques, est décevante mais finalement par rapport au reste de la France et de l’Europe, nous nous en tirons plutôt bien. Grâce à notre système de silos nous avons pu alloter. Ce tri au moment de la récolte nous a permis de proposer de très bons lots. C’est d’ailleurs une des forces de notre outil coopératif. Côté marché, nous connaissons une année atypique avec des prix qui ont fortement grimpé en sortie d’été, à des niveaux que nous n’avions pas vu depuis plusieurs années. Nous avons donc vendu pas mal à cette époque, peut-être un peu trop car les prix ont continué de grimper ensuite… Depuis trois semaines cependant, le Covid est de retour et les marchés se cassent la figure. Malgré tout, 2021 sera une bonne année pour les céréaliers, avec des prix et des volumes intéressants. »
Qu’en est-il du développement du bio ?
L.E. : « Sur la campagne 2020-2021, nous avons réalisé un volume de 16 700 tonnes en bio. En 2021, ce volume dépasse les 20 000 tonnes voire les 25 000 si on y ajoute les volumes en deuxième année de conversion. La grosse demande aujourd’hui porte sur le soja bio pour l’alimentation animale. Mais le reste est plutôt saturé. A part le soja et peut-être un petit essor sur le blé dur, très compliqué à produire en bio, nous arrivons cette année à un croisement des courbes : l’offre en bio est désormais supérieure à la demande, ceci alors que l’Europe nous demande de produire bio [l’objectif fixé par l’UE est d’atteindre un taux de culture de 25 % en bio d’ici 2030, ndlr]. Mais on voit bien que le pouvoir d’achat des consommateurs est limité et qu’ils ne peuvent mettre le prix pour ces produits. »
Quelles seront selon vous les orientations à prendre en matière de débouchés dans les prochaines années ?
L.E. : « Au vu des orientations européennes et des attentes sociétales, il nous faudra limiter l’empreinte carbone et donc aller vers des débouchés de plus en plus locaux même si cela ne pourra jamais être à 100 %. Nous nous orientons donc vers davantage de blés contractualisés, tracés. Sur l’orge, nous sommes partenaires de projets brassicoles régionaux mais cela reste une production compliquée. Concernant le maïs et le sorgho, nous essayons de transformer au maximum dans nos usines. Enfin, sur les protéines pour l’alimentation animale, le besoin existe et nécessite d’avoir accès à un outil de trituration. Notre coopérative ne peut pas monter seule une telle usine. C’est pourquoi nous sommes au début d’une réflexion sur ce sujet avec d’autres partenaires. »
Des rapprochements avec d’autres coopératives sont-ils envisagés ?
L.E. : « Un rapprochement avec Natura’pro était à l’ordre du jour en 2021 mais n’a pas abouti à la fusion envisagée. Nous nous étions engagés à commercialiser leurs céréales cette année, ce que nous avons fait. La demande est renouvelée pour 2022 mais le conseil d’administration de la CDC ne s’est pas encore prononcé sur cette question.
Nous sommes une coopérative avec un territoire assez arrêté et des outils de transformation qui apportent de la valeur ajoutée à nos adhérents. C’est aussi un choix du conseil d’administration de ne pas vouloir s’étendre géographiquement. Nous préférons rester assez petits mais assez forts. Une réflexion s’engage tout de même avec notre grand partenaire Valsoleil pour identifier comment nous pourrions travailler en plus étroite collaboration, avec l’objectif d’apporter encore plus à nos adhérents et donner de la visibilité à nos salariés. Un séminaire est programmé sur ces questions le 16 décembre. »
Quel message avez-vous passé aux coopérateurs lors des trois assemblées de section qui se sont tenues en présentiel ?
L.E : « Face à une certaine poussée de l’agriculture verte, à des normes de plus en plus contraignantes, à la hausse des prix des intrants, nous avons un bel outil coopératif pour résister. Mais j’appelle à la remotivation des troupes, à ne pas s’endormir sur nos lauriers. J’ai notamment lancé un appel à candidat pour les postes d’administrateur. Il nous faut des personnes intéressées pour faire vivre cette coopérative, pour la redynamiser. Un conseil d’administration, c’est aussi des gens qui sont là pour apporter des idées, des solutions ».