Foncier
À Espenel : Terre de liens et Jaillance concrétisent quatre installations
Terre de liens a fêté ses vingt ans le 9 novembre à la cave Jaillance de Die. Lors de cette soirée, l’association a présenté sa dernière acquisition foncière en Drôme : 13,71 hectares de vignes en AOC clairette de Die situées à Espenel. Ce premier partenariat entre Terre de liens et Jaillance a permis l’installation de quatre jeunes viticulteurs.
Tout commence en 2019, quand trois viticulteurs coopérateurs de Jaillance indiquent à la cave être prêts à transmettre leurs hectares de vignes situées dans l’aire de l’AOC clairette de Die, à Espenel. Au même moment, Hélène Goubet-Ruchon, Clément Bonnet, Clément Delage et Marion Vanel expriment leur souhait de s’installer ou d’agrandir leur exploitation sur ces 13,71 hectares. « Des jeunes voulaient s’installer, du foncier était disponible mais comme souvent on s’est retrouvé face à la difficulté de l’acquisition au vu de la valeur des terres », a résumé Nicolas Fermond, responsable technique de la cave Jaillance, en présentant le projet des vignes de Rourebel. « Historiquement on a souvent accompagné, de façon assez informelle, la transmission des exploitations de cédants coopérateurs de la cave vers des jeunes, a-t-il expliqué. Depuis 2009, plusieurs schémas ont été mis en place car le blocage financier est souvent là : il y a eu des SCI*, des groupements fonciers viticoles, des parcelles mises en fermage… mais on a fini par grever la capacité d’emprunt de la cave. » C’est pourquoi la coopérative de producteurs de clairette de Die s’est tournée vers Terre de liens pour effectuer l’acquisition des terres d’Espenel via leur foncière agricole fondée en 2006. Les terres ont ensuite pu être mises en fermage.
Un achat rapide
De l’instruction de ce dossier, Robert Delage garde un bon souvenir. L’administrateur de Terre de liens admet qu’il est « plus compliqué » d’acheter des vignes tout en soulignant la bonne entente avec la cave Jaillance, prête à apporter ses compétences pour l’acquisition. C’est sur les points techniques que le partenariat entre La foncière Terre de Liens, structure d’investissement solidaire agricole moins habituée à acquérir des terres viticoles, et la coopérative s’est révélé intéressant. Nicolas Fermond est en effet venu en appui à l’achat, qui a été bouclé en un an.
En 2020, les quatre viticulteurs se sont donc installés ou ont pu agrandir leur exploitation, via le fermage. Présents à la soirée d’anniversaire des vingt ans de Terre de liens, ils ont témoigné de leur expérience. « La relation fermier - bailleur est toujours hyper riche », a souligné Clément Delage. Tous les quatre produisent désormais de la clairette de Die en bio. S’ils se connaissaient de vue, ils ont pu aussi devenir collègues lors du processus d’acquisition. Marion Vanel et Clément Delage ont d’ailleurs fondé le Gaec des Trois vrilles avec Simon Serre, le compagnon de la viticultrice. Clément Bonnet, lui, s’est installé seul ainsi que Hélène Goubet-Ruchon. Cette dernière a repris l’exploitation familiale de six hectares et y a ajouté deux hectares, acquis par Terre de liens, en fermage.
Le petit groupe a également lancé la cuma de Cresta, avec d’autres viticulteurs du secteur, pour favoriser une entraide en partageant du matériel agricole. Ils sont sept en tout dans cette coopérative, qui n’est pas une cuma intégrale, mais où chaque adhérent a des parts sociales. La facturation de l’utilisation du matériel se fait soit au forfait à l’année, soit à l’heure. C’est un autre levier pour faire émerger de la solidarité et de l’entraide entre voisins. « C’est vrai que le facteur humain est très important dans ce projet », précise Clément Delage.
Pérenniser son activité
« Le foncier est le nerf de la guerre », expliquent les jeunes installés. Pour Hélène Goubet-Ruchon, son installation agricole correspond aussi avec une transition des terres familiales vers le bio. Mais grâce à cette opération, elle a pu apprendre son métier de viticultrice sereinement. Clément Delage souligne l’importance du maintien de viticulteurs et viticultrices sur le territoire. « On a été quatre jeunes à s’installer en même temps à Espenel, précise-t-il. Et puis, ça nous garantit aussi que ces terres garderont une activité agricole en bio ».
Cette première opération de partenariat a non seulement permis de transmettre des terres en AOC clairette de Die, mais également de pérenniser l’activité de ces jeunes exploitants via le fermage tout en gardant leur coopération avec la cave Jaillance. « 37 % des adhérents de la coopérative ont moins de 45 ans », a indiqué Nicolas Fermond. Un chiffre qui montre l’envie des jeunes de s’installer et de produire de la clairette de Die mais aussi la nécessité de trouver des solutions financières pour l’acquisition de foncier.
Elodie Potente
* SCI : société civile immobilière.
Vingt ans de Terre de liens
Terre de liens compte 19 associations territoriales. L’association Rhône-Alpes rassemble 1 850 adhérents, 170 bénévoles, 5 salariés, 45 agriculteurs et agricultrices installés sur 30 fermes depuis vingt ans.
À l’occasion de son anniversaire, le groupe local de l’association a mis en avant l’histoire de Terre de liens en invitant l’un de ses cofondateurs : Sjoerd Wartena. Installé en 1973 dans la vallée de Quint, et désormais retraité, il a rappelé la naissance du projet en 1999 lors d’une réunion sur le foncier organisée à Die. « Nous étions une bande de copains », a-t-il raconté. Une bande de copains motivés pour changer la donne en matière de foncier agricole. « Les agriculteurs historiques avaient une connaissance de leur coin, connaissaient leur histoire, et c’est pourquoi on s’est dit qu’il fallait adapter leurs cultures aux temps modernes…Terre de liens est directement sorti de cette idée de faire des liens entre aujourd’hui et autrefois », a témoigné Sjoerd Wartena.
Aujourd’hui, Terre de liens s’articule autour de trois entités : l’association, lancée en 2003 ; la foncière créée en 2006 ainsi que la fondation ; et enfin la fédération qui regroupe les associations locales. Pour le co-créateur de Terre de liens, l’avenir devra se faire « en lien avec les partenaires de l’association » et également avec les écoles : « Il faut vraiment que les groupes locaux travaillent avec les écoles, sans ce travail, nous ne trouverons jamais les 500 000 fermiers nécessaires pour le futur, a-t-il expliqué. Chaque école devrait avoir une ferme référente pour faire découvrir le métier. »
E. P.