FILIÈRE
Ail drômois : surfer entre changement climatique et difficultés de marché
Le point sur la campagne ail et la récolte 2023 avec Stéphane Boutarin et Adrien Martel, respectivement ex-président et tout nouveau président de l’association des producteurs d’ail de la Drôme (Apad).
« La récolte d’ail en Drôme a été cette année moins quantitative que la précédente mais plus qualitative ». Stéphane Boutarin et Adrien Martel, respectivement ex et nouveau président de l’Apad, dressent le même constat. Le premier est producteur d’ail en agriculture conventionnelle, le second en bio. La campagne a notamment été marquée par des épisodes climatiques extrêmes. « Au moment des plantations [à l’automne 2022, ndlr], nous avons eu un temps très sec puis 300 mm d’eau d’un coup compliquant, comme cette année, l’implantation des cultures. Au printemps, nous avons d’abord eu des conditions très sèches puis en fin de printemps des pluies qui ont déclenché des maladies que nous avons de plus en plus de mal à gérer notamment en bio », rappelle Stéphane Boutarin. Face à la rouille liée aux conditions humides, Adrien Martel explique qu’il a dû récolter très tôt. « En ail violet bio, j’ai attaqué le 28 mai. L’ail n’a donc pas eu le temps de finir son cycle, d’où des têtes plus légères cette année », commente-t-il. Le producteur, installé à Loriol (lire ci-dessous), souligne que les rendements en bio ont été particulièrement pénalisés par cette rouille en fin de cycle. « C’est la moyenne la plus basse jamais enregistrée depuis la mise en place du bio au sein du GIE L’Ail Drômois », précise-t-il.
Ail bio : un marché difficile
Côté commercialisation, Stéphane Boutarin estime que les voyants étaient théoriquement au vert cette année pour les producteurs français en ail conventionnel : des superficies en baisse en Espagne (- 20 %), qui a de plus connu des pertes à la récolte liées aux orages, tout en regagnant des marchés perdus au Brésil ou sur Taïwan. Sans oublier des surfaces moindres et des problèmes de conservation pour l’ail chinois. « Toutes les conditions étaient réunies pour créer un appel d’air sur l’ail français et une augmentation des prix », souligne l’ex-président de l’Apad. Mais, dans un contexte d’inflation pour le consommateur et face à une explosion des coûts de production pour les producteurs, la hausse des prix ne sera pas suffisante pour offrir une vraie bouffée d’oxygène aux exploitations.
En ail bio, la situation est encore plus tendue. Alors que les surfaces en bio ont augmenté ces dernières années, la demande n’a pas suivi. Pire, elle a amorcé une baisse qui semble se poursuivre. « Heureusement les petits volumes de la récolte 2023 ont évité un afflux d’ail bio sur le marché. Mais la situation est très difficile avec des coûts de production élevés en bio liés aux prix des engrais organiques, de la main-d’œuvre et du GNR pour le désherbage… Nous subissons énormément de hausses de charges et on nous demande de baisser les prix », poursuit Adrien Martel. Il estime que les producteurs d’ail bio ont peu de visibilité sur les deux ou trois années à venir. Mais il n’imagine pas que la production puisse fortement reculer. « Les producteurs ont des charges spécifiques sur l’ail (palox, caisson de ventilation, planteuse…) et ne peuvent pas trop baisser les surfaces », souligne-t-il. Quant à la prochaine campagne, il reconnaît que, vu les conditions climatiques, peu d’ail est encore planté. Ce n’est qu’en février, après les levées, que l’on aura une idée du potentiel de production pour 2024.
Sophie Sabot
Adrien Martel, nouveau président de l’Apad
Installé depuis 2019 à Loriol-sur-Drôme sur une exploitation en grandes cultures et ail (10 ha), le tout en bio, Adrien Martel, 32 ans, succède à Stéphane Boutarin à la tête de l’association des producteurs d’ail de la Drôme (Apad). Ce dernier exerçait la fonction de président depuis seize ans et souhaitait « passer le relais à la génération suivante ».
Le jeune producteur commercialise son ail en bio, dont une partie en IGP ail de la Drôme, via le GIE L’Ail Drômois. L’ensemble de son matériel destiné à l’ail est en Cuma : la Cuma du Coteau à Montmeyran pour la planteuse et celle des Gousses à Ourches pour l’arracheuse et la chaîne de déterrage, calibrage et pré-conditionnement.
À la tête de l’Apad, Adrien Martel se donne pour mission de faire perdurer le travail de son prédécesseur, notamment sur l’IGP ail de la Drôme. Il rappelle également que l’association a vocation à surveiller les tendances des marchés, notamment par des relevés de prix en grandes surfaces et par la vérification de l’origine des produits.
La communication sera également un chantier prioritaire, « avec un angle d’attaque IGP », précise-t-il. « Nous devons afficher l’ail de la Drôme comme un produit incontournable avec des spécificités gustatives », insiste aussi Stéphane Boutarin.
Enfin Adrien Martel souhaite « ré-impliquer les producteurs dans l’association pour qu’ils se réapproprient la filière. » Pour rappel, l’Apad réunit l’ensemble des producteurs d’ail du département, quel que soit leur circuit de commercialisation.
S.S.
Mieux valoriser l’ail produit en Drôme
Dans le cadre du plan France Relance, le GIE L’Ail Drômois a pu, via son projet Équit’ail, bénéficier d’un soutien financier pour étendre ses capacités de stockage. Deux nouvelles chambres froides, d’une capacité de 200 tonnes chacune, sont désormais opérationnelles. Celles-ci vont permettre au GIE d’allonger la période de commercialisation de l’ail et ainsi répondre à de nouveaux marchés.
Le GIE a également embauché un responsable « conditionnement » pour gérer les lignes de fabrication et offrir une gamme de produits finis, marketés et conditionnés en petites unités de vente, notamment pour mieux valoriser les produits sous signes de qualité et de l’origine (bio et IGP).
À noter, la campagne 2022-2023 a représenté pour le GIE L’Ail Drômois 756 ha d’ail, dont 415 ha en semences (23 producteurs) et 341 ha en ail de consommation (50 producteurs).