AGRONOMIE
Agriculture de conservation et couverts végétaux passés à la loupe
Aller vers une agriculture de conservation des sols ? Des experts expliquent comment faire et optimiser ses couverts végétaux.
Tarik Zniber, agronome chargé de mission de l’association Adaf- arbre et sol vivant et Nicolas Courtois, spécialiste de la conservation des sols et des couverts végétaux, ont animé une journée technique le 9 octobre, dans des parcelles situées à Châteauneuf-sur-Isère, Montmeyran et Chabeuil. La rencontre a débuté sur l’une des parcelles de Thierry Biousse, exploitant agricole qui cultive en semis direct depuis vingt ans.
Les bases
Diminution du travail du sol, couverture, rotations des cultures et modes de désherbage : les piliers de ce type de culture. Nicolas Courtois ne mâche pas ses mots face aux participants. « Le ray-grass, ça n’est que le début… Peut-être que vos herbicides fonctionnent encore mais à deux heures au nord d’ici, ils ne fonctionnent déjà quasiment plus », prévient l’expert indépendant comme pour souligner la nécessité de s’orienter vers le semis direct. Labour, technique culturale simplifiée (TCS) entre 15 et 20 centimètres, TCS légère et semis direct sont classés sur un tableau.
« Que se passe-t-il lorsqu’on passe du labour au semis direct ? Que devient le taux de matière organique ? », interrogent les experts. « Il se concentre en surface et il augmente sur l’ensemble du profil du sol grâce aux couverts et à la diminution de l’entrée d’oxygène dans le système », rapporte Tarik Zniber. L’occasion pour lui d’aborder le ratio matière organique (MO)/argile : l’idéal est d’obtenir 17 %.
Pas de baguette magique
Pour connaître la qualité de son sol, Nicolas Courtois utilise la classification de l’état du sol selon la méthode Vess : « un, c’est magnifique, et cinq il y a prise de masse. Selon une étude, la catégorie trois représente le ratio de 17 % ». Pas de baguette magique pour faire augmenter le taux de matière organique, l’animateur reconnaît que « c’est très long ». Voire cela peut ne jamais arriver selon le témoignage d’un agriculteur présent. « Sur vingt ans, j’ai essayé le semis direct mais mon taux MO/argile reste à 35 %… C’est la galère. Mais c’est peut-être aussi parce que je ne faisais pas de couverts végétaux », regrette l’exploitant.
L’état du sol sur la parcelle de Thierry Biousse était de très bonne qualité selon les experts. ©ME-AD26
Pour ceux qui souhaitent se lancer, Nicolas Courtois conseille d’augmenter la matière organique en surface. La première chose, c’est de démarrer avec les rotations, d’éviter les cultures délicates (comme le tournesol) et d’utiliser des céréales en premier. « Et si on ne peut pas faire de rotations ? », demande un participant. « Pas obligé de mettre douze variétés, trois peuvent suffire », le rassurent les intervenants. Autre conseil, ne pas enchaîner deux pailles de suite « car elles favorisent le ray-grass ».
Des commandements à respecter
La première décision selon les experts, c'est « pas de labour et, si possible, pas de déchaumage. La fissuration peut se faire une fois tous les deux à trois ans. Le semoir à dents fait le travail et coûte moins cher ». Conseil : anticiper pour le désherbage et pour la fertilisation car nous perdons 30 unités d’azote en non-labour ou en semis direct. Les essais montrés dans la parcelle de Thierry, une dizaine de variétés de vesces, n’ont pas convaincu les intervenants. Première cause : ils ont été implantés trop tard, début août alors qu’ils auraient dû l’être fin juillet. « Le plus important, c’est de les implanter le plus tôt possible afin qu’ils soient enracinés avant que l’eau n’arrive. Chaque jour compte pour semer un couvert », préviennent les experts. Sur le premier essai, le constat tombe sans attendre : « Nous n’avons pas semé assez profond ». C’est un des commandements pour optimiser ses couverts : semer à cinq centimètres.
Direction Montmeyran et Chabeuil sur les terres d’un autre agriculteur. Les experts énumèrent les commandements importants : le roulage après semis contre les limaces et pour le contact sol/graine, éviter la paille dans le sillon du semis, le bon choix des couverts et une parcelle propre au semis. En travail du sol, deux déchaumages sont nécessaires. Sur les essais montrés à Chabeuil, un déchaumage a favorisé les adventices plus que le couvert. Malgré tout, le reste des essais sur ces parcelles respectaient les principaux commandements de l'agriculture de conservation et les participants ont constaté que les couverts étaient bien développés : pas d’adventices, biomasse importante, près de dix tonnes de matière sèche à l’hectare…
Protéger la qualité de l’eau
Cette rencontre a été organisée par Valence Romans Eau et co-financée par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. Elle entre dans le cadre du programme Eau et agriculture (2024-2027) qui vise à protéger la qualité de l’eau et les captages prioritaires. Sensibles aux pollutions de pesticides et de nitrates, ces captages sont structurants en termes de distribution d’eau potable. Objectif à travers cette formation : « Accompagner les agriculteurs dans l’évolution des pratiques agricoles », résume Mathilde Cyr, animatrice agriculture durable et ressources en eau à Valence Romans Eau.
20 ans en semis direct
Membre d’un groupe d’agriculteurs adeptes des semis simplifiés depuis près de dix ans, Thierry Biousse a accepté de recevoir les essais de couverts végétaux de l’association Adaf. Les avantages de ce mode de culture l’ont convaincu depuis bien longtemps : « Moins de carburant, de matériel et gain de temps… Mes semoirs, mon désherbeur, mon épandeur, et pas d’outils de travail du sol, énumère l’exploitant. Quand j’ai commencé, j’étais tout seul en semis direct. C’était peu connu ». Début août, il a semé une dizaine de variétés de couverts végétaux pour les essais. « Pendant longtemps, je n’ai pas fait de couverts, j’essaie de m’améliorer. Avec les essais, j’espère trouver un couvert adapté aux cultures qui apportera de la matière organique et qui s’enlèvera facilement », déclare-t-il.
Morgane Eymin