EARL du Grezou
La vente directe pour récupérer de la plus-value
À la Répara-Auriples, Christian et Anne-Cécile Caillet cherchent à valoriser en direct le maximum de leurs productions, qu’il s’agisse d’œufs ou de pâtes fabriquées à partir de leurs céréales. Ils sont parmi les douze lauréats des Talents Tech&Bio, à retrouver sur le Salon Tech&Bio.
« Je croyais que seuls les jeunes installés pouvaient candidater aux Talents Tech&Bio », plaisante Christian Caillet. Installé en 1990, sur l’exploitation familiale à la Répara-Auriples, il fera pourtant bien partie des lauréats de l’édition 2023 des Talents Tech&Bio. « L’exploitation vit cette année une véritable révolution. Nous avons choisi de privilégier la vente en circuits courts et d’arrêter la production d’œufs bio en intégration », précise l’agriculteur.
La conversion de sa ferme à l’agriculture biologique date de 2005. « Avant cela, j’ai élevé des brebis jusqu’en 1997 et, durant quinze ans, des dindons en intégration dans un bâtiment de 3 000 m². En 2005, j’ai repris un bâtiment pondeuses bio sur un autre site. J’ai alors décidé de ne faire que des poules pondeuses dans mes deux bâtiments, soit 9 000 poules au total », raconte Christian Caillet. Dans le même temps, ses 35 hectares de terres sont convertis à l’agriculture biologique. Aujourd’hui, il y cultive 12 à 15 ha de luzerne fourrage, vendue en direct à un Gaec laitier du Vercors. Le reste est consacré aux céréales dont une partie est transformée à la ferme.
Cinq tonnes de pâtes par an
En 2017, l’exploitation a investi dans un moulin du fabricant drômois Alma, une machine à pâtes et un séchoir. « Nous commercialisons désormais des farines de blé tendre, de petit épeautre, de sarrasin, de seigle. En 2022 par exemple, j’ai récolté 12 tonnes de blé tendre que j’ai transformé en 7 à 8 tonnes de farine », détaille l’exploitant. Anne-Cécile Caillet, conjointe collaboratrice, fabrique également des pâtes sèches de blé dur (dont une partie aux œufs) et autres spécialités* à base de petit épeautre, seigle ou mélange seigle-sarrasin, ainsi qu’une petite quantité de pâtes fraîches sur commande. Ces dernières représentent environ 400 kg par an, tandis que la production de sèches grimpe à cinq tonnes par an. La commercialisation des produits transformés a démarré sur le marché de Crest. « C’est là que nous nous sommes fait connaître. De fil en aiguille, grâce à d’autres producteurs notamment, nous avons commencé à approvisionner des groupes d’achats “La Ruche qui dit oui” sur Pierrelatte, Montélimar, Romans, Valence, Vercheny… Nous sommes aussi présents sur le marché de Dieulefit, sur des petits marchés de producteurs et associés du magasin “A travers champs” à Loriol ou encore dépôt-vendeurs à la Musette de Valentine à Bourg-lès-Valence. »
Vente directe d’œufs
Aux pâtes en vente directe vont désormais s’ajouter les œufs. « J’ai choisi d’arrêter la production en intégration depuis novembre dernier. Pour l’instant, j’ai gardé 250 poules et nous venons de demander l’agrément comme centre de conditionnement et d’investir dans une mireuse », confie Christian Caillet. À terme, il vise un effectif de 600 poules, en deux lots pour proposer des œufs toute l’année à ses clients. Il ne cache pas que l’arrêt de la production en intégration va avoir des conséquences sur la fertilisation de ses terres. « Jusqu’à présent je disposais de 90 tonnes de fientes par an. Je suis donc à la recherche d’éleveurs qui auraient besoin de surfaces pour leur plan d’épandage », annonce l’exploitant. S’il a souhaité retrouver une certaine autonomie sur la commercialisation de ses produits, Christian Caillet mise en revanche sur le collectif pour le matériel. L’exploitation ne compte que deux petits tracteurs. Le reste des équipements, du semis à la récolte, est en cuma.
Sans eau, des craintes pour l’avenir
Aujourd’hui, il s’interroge sur la pertinence de produire à la ferme l’aliment pour ses poules avec, là-aussi, l’idée de réfléchir à un investissement collectif pour le matériel nécessaire. « Monter une filière ultra-locale pour redonner une marge de manœuvre aux producteurs, dans un contexte où les prix du bio se cassent la figure, pourrait avoir du sens », estime-t-il. Reste cependant une inquiétude pour l’avenir de son exploitation et d’autres sur son territoire : l’accès à l’eau. S’il a toujours mené ses cultures en sec, il redoute que les rendements ne soient bientôt fortement pénalisés par le changement climatique. Sans solution pour sécuriser avec un minimum d’irrigation les systèmes agricoles sur ce bassin de production, c’est un pan entier de l’autonomie alimentaire locale qui pourrait être remis en question.
Sophie Sabot
* Seuls les produits à base de blé dur peuvent bénéficier de la dénomination « pâtes ».
Talents Tech&Bio
Lors de chaque édition, les organisateurs du Tech&Bio mettent à l'honneur des agriculteurs qui se démarquent par leur savoir-faire, leurs résultats technico-économiques et socio-environnementaux : ce sont les Talents Tech&Bio de la performance durable.
Pour participer, les candidats doivent se soumettre à un diagnostic de leur exploitation effectué par des étudiants et professeurs de licence professionnelle « Agriculture biologique, conseil et développement » dans différents établissements de l’Hexagone.
Pour faire connaissance avec les douze lauréats de l'édition 2023 du Tech&Bio, rendez-vous ici.