TCS et couverts végétaux : où en est-on en bio ?

Le premier constat qui s'impose est que le non-labour n'est pas la panacée en agriculture biologique. Si certains ont réussi à mettre en œuvre ces pratiques, notamment sur les cultures d'hiver, ils ne sont pas nombreux et c'est généralement grâce à une valorisation importante de la céréale sur la ferme (transformation) qui permet d'être moins affecté par les baisses de rendements dues au non-labour.
Le deuxième constat est que l'agriculture biologique reste fortement dépendante des aléas climatiques. Cette difficulté, qui est aussi sa force, oblige à piloter les techniques culturales simplifiées et les couverts végétaux avec beaucoup de souplesse et de flexibilité. Il n'y a pas de solution miracle prête à l'emploi mais, au contraire, une nécessité continue de s'adapter : convertir une culture sale en couvert et vice-versa, ressemer une culture ratée, profiter d'une pluie pour un semis dérobé, faire pâturer des couverts hivernaux épargnés par le gel...
Le troisième et dernier constat est que chaque ferme doit mettre en place une formule adaptée à ses moyens : les matériels spécifiques aux TCS restent très couteux malgré les dispositifs d'aide à l'investissement et ne peuvent s'envisager que lorsqu'ils ont fait leur preuve et si la trésorerie le permet. En attendant, il faut adapter les techniques au matériel disponible sur la ferme, chez les voisins ou en Cuma. De la même manière, les semences de couverts végétaux labellisées AB se vendent au prix fort, ce qui pousse à se questionner sur la production des semences à la ferme.
Mode d'emploi pour questionner ces pratiques
Les techniques culturales simplifiées s'avèrent un outil parmi d'autres pour répondre aux besoins des agriculteurs bio, qui peuvent être très variés. La première étape est donc de connaître ses besoins.
La réponse « plus de labour car ça tue la vie du sol et détruit les champs » n'est pas recevable sous nos latitudes. Si le labour pose problème en milieu tropical, il peut se révéler en revanche salvateur pour un agriculteur bio mais à conditions qu'il ne soit pas systématique avant chaque implantation de cultures et qu'il soit réalisé à une profondeur limitée de 15 cm et dans de bonnes conditions.
Il faut revenir à des fondamentaux agronomiques pour bien distinguer la posture idéologique et les besoins réels imposés par le terrain, parmi lesquels : le contrôle des adventices ; l'amélioration de la structure du sol et la réduction de l'érosion ; l'augmentation de la fertilité des sols ; la diminution des pertes azotées par lixiviation ; la réduction du temps de travail et des coûts (gasoil) liés au travail du sol...
La deuxième question est celle des paramètres environnementaux de la ferme : quelle est la structure de mes sols ? Quelles sont les conditions pédoclimatiques de la zone ? Comment s'organise ma rotation ? Y a-t-il des réglementations sur la couverture du sol ?
Des sols fortement érodés devront effectivement inciter à une réduction drastique du labour. A contrario, des sols argileux très lourds vont rendre difficiles la mise en place de TCS. Le climat jouera sur la panoplie des couverts disponibles, les modes d'implantation et de destruction. En cela, l'expérience irremplaçable des agriculteurs sera déterminante pour mettre en place des systèmes adaptés au contexte local et ne pas reproduire une technique hors-sol. Quant à la réglementation, elle peut apporter des contraintes supplémentaires qu'il faudra prendre en compte pour dessiner son plan d'action.
Enfin, dernière question : quels sont les moyens à ma disposition pour mettre en place des techniques innovantes ?
Il est question, ici, des moyens matériels (semoir, déchaumeur, rouleau crêpeur, trieur...) mais également de la disponibilité des semences de couverts végétaux, du temps de travail et sa répartition dans l'année, de la capacité de la ferme à absorber des diminutions de rendements, des débouchés pour les nouvelles cultures...
Il faut pouvoir identifier les modalités pratiques de mises en œuvre des TCS et des couverts végétaux pour se préparer tant sur le plan technique qu'organisationnel et commercial.
Consulter des exemples de pratiques innovantes
Un programme pour y voir plus clair
Parmi les personnes interrogées, 26 % ont réussi à supprimer le labour régulièrement ou intégralement. Mais beaucoup testent différentes pistes : implantation plus régulière de couverts végétaux, travail superficiel du sol, semis de printemps sous couverts, implantation de céréales d'hiver dans des couverts vivants... Peu de pratiques se révèlent tout à fait satisfaisantes mais les fermes continuent à les affiner.
Afin de répondre aux besoins variés des producteurs, il nous a paru opportun de regrouper les problématiques par système de culture biologique :
• rotations courtes de type maïs/soja/blé avec une forte valeur ajoutée : ce système se retrouve beaucoup sur des terres riches et profondes. Ces rotations courtes, où il faut maximiser les rendements, se confrontent à des problèmes d'enherbement, particulièrement sur les cultures de printemps. Les fermes pratiquant cette rotation vont donc chercher dans les couverts végétaux et les semis sous couverts la possibilité de mieux contrôler les adventices estivaux. Par ailleurs, certaines de ces fermes ne disposent pas d'effluents d'élevage et essayent donc de favoriser la fertilité des sols par les engrais verts annuels à base de légumineuses. Elles disposent généralement de moyens d'irrigation importants.
Pistes de travail : semis direct sous couvert de printemps roulé, labour superficiel...
• rotations basées essentiellement sur les cultures d'hiver avec valorisation à la ferme : cette rotation concerne les paysans qui sont aussi boulangers, pastiers, brasseurs... Ils valorisent des terres moins riches et moins profondes souvent situées sur des piémonts ou zones un peu plus vallonnées. Ces fermes disposent de peu ou de pas de système d'irrigation et ont souvent moins de temps pour bien gérer les cultures en raison de l'activité de transformation. Elles sont confrontées à la difficulté de maintenir les couverts lors de sécheresses estivales. En revanche, elles sont moins affectées par des rendements plus faibles en raison de la bonne valorisation de la céréale sur la ferme.
Pistes de travail : essai comparatif de couverts végétaux de type tropical, implantation de céréales d'hiver dans des couverts vivants (luzerne, trèfle...).
• rotations longues associées à de l'élevage : les motivations des producteurs à introduire de nouvelles pratiques sont diverses : réduction du temps dédié au travail du sol, amélioration de l'autonomie alimentaire de la ferme, amélioration de la fertilité des sols...
La difficulté de ce système se situe dans la nécessité de prioriser l'élevage par rapport aux cultures et donc de ne pas pouvoir toujours optimiser les fenêtres d'intervention par rapport aux conditions climatiques. En revanche, l'élevage apporte de la flexibilité : prairie qui allonge la rotation et diminue l'enherbement avec les fauches successives, possibilité de faire pâturer un couvert pour le détruire, choix entre récolter une culture qui a bien fonctionné ou la faire pâturer si elle a échoué...
Pistes de travail : essai comparatif sur différents mélanges.
Article rédigé par Samuel L'Orphelin, Agribiodrôme (Frab)