FÉDÉRATION OVINE DE LA DRÔME
Regards braqués sur le prochain plan loup

Le 7 février, la fédération départementale ovine de la Drôme (FDO 26) a tenu son assemblée générale à Crest. La prédation a bien sûr été à l’ordre du jour. Les éleveurs s’inquiètent de ce que le prochain loup apporte enfin des solutions.

Regards braqués sur le prochain plan loup
Alain Baudouin, Bernard Magnon et Frédéric Gontard, respectivement vice-présidents et président de la FDO 26 et Agnès Jaubert, conseillère départementale déléguée aux politiques agricoles.

Sans surprise, la recherche de solutions face à la prédation a une nouvelle fois accaparé l’énergie de la fédération ovine de la Drôme en 2022. Des records en nombre d’attaques et de victimes ont été battus l’an dernier. Si le bilan définitif pour la Drôme n’est toujours pas connu, on sait que les services de l’État ont réalisé des constats sur plus de 1 000 animaux d’élevage potentiellement victimes du loup. Lors de son assemblée générale à Crest le 7 février, la FDO 26 a alerté : « Cette augmentation s’explique en partie par la propagation de la population de loups vers l’ouest du département (plaine de Valence et de Montélimar, basse vallée de la Drôme), où les éleveurs ne sont pas tous encore bien équipés en moyen de protection. L’ensemble des mesures étant ouvertes aux éleveurs après les premières attaques, elles ne permettent pas d’anticiper suffisamment le risque de prédation. Sans oublier que la pression ne baisse pas dans les zones historiques bien que les éleveurs activent le maximum de moyens de protection possible ».

« On manque d’agneaux »

Un constat accablant pour la filière alors que la demande en viande d’agneau est là et que les prix ont été bien orientés en 2022, autour de 8 €/ kg de carcasse sur une bonne partie de l’année (prix moyen pondéré des agneaux de boucherie, source FranceAgriMer). « L’agneau français est valorisé, mais on produit aujourd’hui à peine 50 % de ce qui est vendu sur notre territoire », a déploré Frédéric Gontard, président de la FDO 26. « Il nous faut de l’agneau, pas du loup », a-t-il martelé. Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture, a lui aussi insisté : « Aujourd’hui la filière marche et le loup est en train de la tuer. Chaque euro qui est versé aux éleveurs en indemnisation, c’est encore une grosse somme qui reste à votre charge. Même si on parle de financement à 80 %, les 20 % c’est bien les éleveurs qui les mettent. »

Peser sur le prochain plan loup

L’année 2023 est celle de la réécriture du plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage. L’actuel couvre la période 2018-2023 et avait pour ambition, comme l’indique le gouvernement, « d’élaborer une nouvelle méthode de gestion de l’espèce, fondée sur une meilleure connaissance de celle-ci et de ses modes de vies, pour mieux la protéger et permettre également la protection des troupeaux et des éleveurs. » Face au constat d’échec de ces méthodes de gestion et aux conséquences sur les troupeaux, la FDO 26 a déjà fait remonter de nombreuses propositions pour le prochain plan loup. Elle demande notamment une évolution du statut des chiens de protection et une amélioration de leur prise en charge par l’État (achat du chien, frais d’entretien). Elle souhaite aussi une simplification des démarches d’indemnisation des dommages aux troupeaux afin de garantir que la totalité des dégâts seront déclarés. L’indemnisation des brebis disparues fait partie des revendications, tout comme la prise en compte des pertes indirectes (indemnisation des avortements à la valeur d’un agneau par exemple).

Pour une gestion locale des prélèvements

La FDO 26 milite aussi pour une évolution en profondeur de la méthode de suivi des populations de loups, « notamment pour améliorer la connaissance des meutes et permettre aux éleveurs d’adapter leur protection à la pression réelle ». Sans oublier une refonte complète des règles de prélèvement, en « supprimant le plafond national pour une gestion locale de la population de loups » et en accordant un tir de défense renforcé dès la première attaque sur un troupeau.

« Nous avons fait remonter vos propositions, a assuré Corinne Quèbre, sous-préfète de Die, et à tout moment nous pouvons encore en faire remonter. » Que restera-t-il de ces propositions dans le futur plan ? « Comme si on était des perdreaux de l’année, on essaye de nous expliquer que tout va se régler par les mesures du nouveau plan national loup. Mais, nous savons très bien que le seul loup qui ne fera pas de dégâts, c’est un loup mort et ce qu’il faut faire c’est tomber la population à un niveau qui pourra être acceptable », a rappelé Jean-Pierre Royannez. D’autant que la pression de prédation en 2023 s’annonce tout aussi forte qu’en 2022 si l’on en croit les premiers chiffres des suspicions d’attaques recensées depuis début janvier par Maploup.

Sophie Sabot

Ils ont dit
De nombreuses personnalités sont venues soutenir les éleveurs.

Ils ont dit

Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme : «Aujourd’hui la filière ovine marche et le loup est en train de la tuer. Chaque euro qui est versé aux éleveurs en indemnisation, c’est encore une grosse somme qui reste à votre charge. Même si on parle de financement à 80 %, les 20 % c’est bien les éleveurs qui les mettent.»

Agnès Jaubert, conseillère départementale déléguée aux politiques agricoles : « Nous devons tout faire pour assurer la primauté de l’activité d’élevage pastoral sur la protection d’une espèce prédatrice qui peut en l’espace d’une nuit ravager tout un troupeau (...) Vous pouvez compter sur le Département pour vous défendre. »

Claude Aurias, conseiller régional et représentant du PNR des Baronnies provençales : « Notre mission, c’est de faire passer le bon message pour que la population, les élus aient conscience de ce que les éleveurs vivent. Face à ces contraintes [prédation, ndlr] qui pèsent sur vous, nous devons faire preuve de solidarité. »

Corinne Quèbre, sous préfète de Die : « Je sais les forces de caractère qui sont les vôtres, la fierté qui est la vôtre. Quand vous appelez à l’aide, c’est que vous avez vraiment besoin d’aide. Je serai toujours là, la sous-préfecture sera toujours là. Ça fait partie de l’accompagnement que l’on vous doit. »

Michel Sanjuan, vice-président de la fédération des chasseurs de la Drôme (FDC 26) : « Nous partageons la même problématique. En un an, la prédation en Drôme a été multipliée par deux. Quand on sait que la consommation du loup c’est un quart d’animaux domestiques et trois quarts de faune sauvage, notre guerre contre cet animal on doit la partager avec vous. » La FDC 26 prépare une motion sur le loup qu’elle présentera lors de son assemblée générale mi-avril. Michel Sanjuan compte sur la profession agricole pour défendre cette motion. « Nous avons besoin les uns des autres car le dossier est très politisé et échappe à toute logique. »

Engraissement des agneaux

Quelles pistes pour limiter les coûts ?

À l’heure où les charges s’envolent, à commencer par le prix des aliments concentrés, comment réduire les coûts d’engraissement des agneaux ? Pierre-Guillaume Grisot de l’Institut de l’élevage (Idele) a livré quelques pistes. Tout d’abord celle des mélanges fermiers. Les essais menés sur la ferme expérimentale de Carmejane (04) ont confirmé qu’utiliser des céréales produites sur l’exploitation « ne détériore pas les qualités de carcasse et permet de réaliser une économie de 4 à 8 € par agneau sur l’engraissement [sur la base de données 2021, ndlr]. Cette économie est à mettre en regard des équipements nécessaires (silo) et du travail supplémentaire que cette pratique peut requérir.» Autre piste évoquée, celle du sevrage tardif à 100 jours. L’expérimentation menée à Carmejane ne révèle pas d’avantage réel à cette pratique. Par rapport à un lot sevré à 70 jours, l’économie de concentré par agneau n’est pas suffisante comparée aux charges supplémentaires induites sur l’alimentation des brebis, sans oublier les conséquences sur la charge de travail. En revanche, sans changer l’âge de sevrage, « réussir sa lactation peut permettre d’économiser lors de la finition », a souligné Pierre-Guillaume Grisot. 

S.S.