De l’utilité des robots en agriculture

« Un robot dans les champs est-ce vraiment utile ? ». Telle était la conférence organisée le 6 novembre au 100e Salon international du machinisme agricole (Sima). Entre transition agroécologique et pénurie de main-d’œuvre, le robot peut constituer une alternative crédible. Cependant, il ne s’affirme pas comme la panacée. 

De l’utilité des robots en agriculture
Illustration Robot dino Naïo-Technologies DR ACTUAGRI

Ministre de l’Agriculture jusqu’en mai 2022, Julien Denormandie avait déclaré que la troisième révolution agricole serait numérique, robotique et génétique. Aujourd’hui dans un marché mondial qui pèse environ 8 milliards d’euros (lire encadré), quelques opérateurs parviennent à tirer leur épingle du jeu. Selon le journaliste Benoit Egon, ce sont en France, une centaine de robots qui sont vendus chaque année, notamment dans l’élevage qui fait, depuis les années 1990 figure de pionnier. Aujourd’hui la moitié des salles de traite « se monte en robotique », a-t-il expliqué. Les robots commencent aussi à gagner le maraîchage, la viticulture et les grandes cultures.

Problème de main-d’œuvre

L’un des principaux arguments qui font franchir le pas aux agriculteurs est la compensation de la main-d’œuvre qu’ils peinent à trouver. « Les travaux sont souvent pénibles et répétitifs. Il y a peu de candidats », indique Alexandre Ferrand, agriculteur en céréales et herbes aromatiques. « Désherber 7 ha de ciboulette que l’on récolte tous les vingt jours est une tâche harassante ». D’où l’idée de se munir d’un robot OZ de Naio Technologies qui lui permet de traiter environ un hectare par jour. Le seul salarié de son entreprise évite ainsi de passer au minimum trois heures par jour pendant une semaine pour désherber et peut se consacrer à d’autres tâches. « En réalité, il ne passe plus qu’une demi-journée par semaine pour contrôler que le travail a été bien fait et entreprendre quelques finitions». C’est pour lui un investissement rentable malgré le coût initial de la machine (plus de 25 000 euros) et le forfait d’accompagnement par Naio (1 200 €/an). D’autant que la formation à l’utilisation du robot ne lui a pris que deux demi-journées. D’une manière générale, répondre au besoin d’une main-d’œuvre manquante et réduire la pénibilité des tâches revient toujours dans les échanges. « Avec mes salariés, j’ai constaté des problèmes de dos, de fatigue. Le salarié qui reste sur l’exploitation est jeune et s’adapte facilement. Mais s’il vient à partir, j’ai peur de ne retrouver personne d’autre », craint Alexandre Ferrand

« Besoin de voir et toucher »

Marie-Flore Doutreleau, chargée de mission agroéquipement et agroécologie de la FRCuma Occitanie, acquiesce, soulignant la nécessité pour l’agriculteur de s’approprier un nouvel outil et d’appréhender un nouvel environnement de travail. Il faut aussi bien mesurer la rentabilité du robot comme pour l’achat d’un matériel traditionnel. « A moins de 100 ha une machine à vendanger n’est pas rentable. Le robot doit lui aussi être adapté à la charge de travail », assure-t-elle. Il reste ensuite à écrire le cahier des charges pour se le partager entre les différents utilisateurs d’une cuma en se posant les bonnes questions : qui est responsable ? Comment le transfère-t-on d’une parcelle à une autre ? Comment s’organise-t-on pour l’utiliser, etc.

« Les agriculteurs ont besoin de voir et de toucher. Il faut sortir les robots des laboratoires et les mettre dans les champs », renchérit Benoit Egon, rejoint en cela par Alexandre Ferrand : « Sans essai préalable, je n’aurais jamais franchi le pas ». La démonstration est « indispensable » pour Marie-Flore Doutreleau qui relate une expérience conduite dans le Gers avec un robot permettant de semer des carottes. « Après un terrain plat, on a essayé sur une pente à 30 %. Le robot s’est arrêté. Il était midi. Je me suis dit que la démonstration allait se clore ici. Les équipes techniques ont appelé le constructeur au Danemark. A 15 h, le robot avait été reparamétré et il fonctionnait très bien. Les agriculteurs ont besoin de tests en conditions réelles », assure-t-elle. Aujourd’hui, tous les robots ne sont pas adaptables et interchangeables. Ainsi en viticulture, un robot qui pourrait fonctionner dans le Cognaçais devient « inopérant sur les galets de Châteauneuf-du-Pape », certifie Benoit Egon.

Verrou psychologique

Pour sa part, Alexandre Ferrand voit deux freins qui peuvent empêcher les agriculteurs de franchir le pas : le financement et la confiance dans le robot. Déléguer cette confiance à une machine totalement autonome, c’est compliqué. Il faut faire sauter le verrou psychologique comme « on l’avait autrefois pour le GPS sur les tracteurs ». Faire confiance nécessite aussi de revoir une réglementation un peu tatillonne qui « oblige d’avoir un opérateur (une personne physique ndlr) à moins de 300 mètres de l’engin », ajoute Marie-Flore Doutreleau. Un peu à la manière des premières voitures qui à la fin XIXe étaient précédées d'un piéton agitant un drapeau rouge. « Pour l’assurance nous avons trouvé une astuce avec l’assureur qui permet de faire passer le robot comme un tracteur », précise l’agriculteur. Sa plus grande crainte reste tout de même le vol. Le robot OZ de Naio ne pèse que 150 kg : « Avec deux personnes, on peut le prendre, le mettre dans le coffre d’une voiture et partir avec ». Ce qui serait plus difficile avec les robots de 6 à 9 tonnes comme ce tracteur porte-outils développé par la société Agxeed. Ce robot peut réaliser, à la vitesse de 10 km/h, un chantier de 50 ha en une journée. Côté constructeurs, d’autres modèles sont déjà en préparation comme des dessileuses automatisées. « Khün en a déjà commercialisées cinq ou six. La robotique, c’est une tendance qui va se généraliser », promet Benoit Egon.

Christophe Soulard

Robotique agricole : un marché mondial en essor 

Le marché mondial de la robotique agricole pèse près de 8 milliards d’euros. Il est détenu par une quinzaine de sociétés et le secteur agricole serait « le deuxième marché mondial de la robotique de service professionnelle ». Le secteur devrait presque tripler d’ici 2026 et atteindre plus de 20 milliards d’euros d’ici à 2026.

Fin 2020, La France comptait 14 000 robots agricoles en service, dont 80 % pour la traite des vaches. 7 500 exploitations laitières sont désormais équipées soit un élevage sur cinq. A travers son Plan d’investissement 2030 doté de 30 milliards d’euros, le gouvernement entend consacrer 2,8 milliards d’euros à l’innovation, dont la robotique.