Aléas climatiques
Sécheresse  et gel :  les dégâts évalués

Sans le cadre du dispositif des calamités agricoles, la DDT a visité plusieurs exploitations des Baronnies et du Diois pour une mission d’enquête sur la sécheresse concernant les fourrages, mais aussi sur le gel pour les pertes de fonds lavandes et lavandins.

Sécheresse  et gel :  les dégâts évalués
À Saint-Nazaire-le-Désert, Jean-Luc Bertrand a expliqué qu’il allait devoir arracher trois hectares de lavandin. © EP

Sur les hauteurs de Saint-Nazaire-le-Désert, Jean-Luc Bertrand est lavandiculteur et producteur de lait de chèvre en appellation AOP Picocon. Sa SCEA les Hubacs est installée depuis plusieurs générations et compte aujourd’hui 110 chèvres laitières et 13 hectares (ha) de lavandes et lavandins. En cet après-midi caniculaire, l’agriculteur et son fils, qui va bientôt être associé de l’exploitation, attendent la visite de la direction départementale des territoires (DDT) pour constater les dégâts provoqués par le gel et la sécheresse de cette année sur ses parcelles. « On va devoir arracher environ trois hectares de lavandin », déplore-t-il.

Premières estimations sur les fourrages

Plusieurs agents de la DDT ainsi que Sandrine Roussin, vice-présidente de la chambre d’agriculture de la Drôme, et deux représentants des agriculteurs non touchés par le sinistre, ont sillonné les Baronnies et le Diois le 8 juillet pour écouter les agriculteurs qui ont subi des dégâts. « On fait des premières missions d’enquête pendant l’été parce qu’on nous demande dans le cadre de la procédure de faire le lien entre la sécheresse et l’état des prairies que l’on peut observer explique Manon Courias, cheffe du service agriculture à la DDT de la Drôme. Après toutes les coupes, on reviendra sur un certain nombre d’exploitations à l’automne et on fera alors des bilans fourragers. » Si la calamité liée à la sécheresse était reconnue, trente exploitations représentatives de la région seraient désignées pour ces bilans fourragers en vue d’une procédure d’indemnisation des agriculteurs. Pour que le régime de calamité agricole soit reconnu, « il faut qu’il y ait plus de 30 % de pertes sur les récoltes de toute l’année », précise Manon Courias.
L’exercice est difficile, les variations de températures permettent aux prairies de reverdir quelques jours, mais la météo annoncée ne laisse que peu d’espoir aux agriculteurs. « Si on coupe, il n’y aura rien, constate Jean-Luc Bertrand. L’an dernier on avait fait jusqu’à trois coupes, cela nous a permis d’avoir un peu de stock. Mais sur les prairies permanentes on a au moins 50 % de fourrage en moins. » À la DDT de la Drôme, il n’y avait pas eu de demande de reconnaissance de calamité agricole due à la sécheresse depuis 2018.

Manon Courias et Elisabeth Manzon (DDT) ainsi que Sandrine Roussin (vice-présidente de la chambre d’agriculture de la Drôme) et deux représentants des agriculteurs non touchés par le sinistre ont sillonné les Baronnies et le Diois le 8 juillet pour écouter les agriculteurs ayant subi des dégâts. © EP

Pertes de fonds sur lavandes et lavandins

L’autre mission du jour était de constater l’état des plantations de lavandes et lavandins suite aux différents épisodes de gel de 2021. Les producteurs doivent déposer un dossier de pertes de fonds pour être indemnisés. A savoir, il n’est pas possible de déposer un dossier perte de récolte et un dossier perte de fonds sur la même parcelle. Sur le territoire, les pertes sont très hétérogènes. « Globalement, pour les dégâts sur la lavande et le lavandin, on voit qu’il n’y a pas d’altitude définie à partir de laquelle ça aurait pu geler. Ça dépend vraiment de la variété et des secteurs », indique Manon Courias.
Les producteurs doivent avoir un minimum de perte de 1 000 euros et arracher les plants touchés. Il faut également prouver l’arrachage, c’est pourquoi la prise de photos est importante, insistent les agents de la DDT. Une facture concernant la replantation est également demandée, précise Elisabeth Manzon, cheffe du pôle conjonctures, structures et missions transversales à la DDT. Néanmoins, il n’est pas nécessaire de replanter tout de suite.

Elodie Potente

Dans les Baronnies, des dégâts majeurs

Dans la matinée, les services de la DDT se sont rendus sur trois exploitations dans les Baronnies à Lachau, au Col de Macuègne et à Saint-Auban-sur-l’Ouvèze. Au Gaec du Château, à Lachau, « sur la première coupe qu’ils ont faite, ils ont au moins 30 % de perte, explique Manon Courias. Même si cela avait reverdi avec les pluies de fin juin, ils savent qu’ils vont devoir reprendre dans les stocks pour passer l’année. » Elle précise que sur les terrains secs des Baronnies les agriculteurs n’attendent pas de repousses et que les bêtes sont déjà nourries avec la ration d’hiver alors que d’habitude cela arrive plutôt en août. « Il leur manque un bon mois de pâturage dans les parcs. »
Enfin, du côté des pertes de fond sur lavande, suite au gel de 2021, à Saint-Auban-sur-l’Ouvèze les premières coupes de fourrage ont été sauvées par les pluies, mais il manquera les deuxièmes coupes. au col de Macuègne, les parcelles de Fabien Morel ont subi d’énormes dégâts. « Sur une parcelle à 1 200 mètres d’altitude, nous avons vu qu’il ne restait absolument rien et qu’elle allait être arrachée prochainement », précise Manon Courias. 15 hectares de lavande fine sur 56 devraient être arrachés selon les premières estimations. 
E. P.

Nord-Drôme et Royans-Vercors : pertes fourragères de 40 à 60 %

Afin d’évaluer les pertes fourragères, une mission d’enquête sècheresse a également eu lieu dans le Nord-Drôme, le 28 juin. La délégation s’est rendue chez Francis Reynaud à Châteauneuf-de-Galaure, puis chez Gilles Baboin à Fay-le-Clos, au Gaec de Champagnier à Saint-Christophe-et-le-Laris, au Gaec des Jersiaises à Châteaudouble et pour finir chez Thierry Ageron à Oriol-en-Royans et Alexandra Poilbanc à La Chapelle-en-Vercors. « Nous sommes passés après les orages mais tout ne reverdira pas, notamment sur sols superficiels et landes », constate Manon Courias, chef du service agriculture à la DDT de la Drôme. Les éleveurs ont indiqué avoir encore des stocks de 2021. Mais avec un affouragement des bêtes commencé début juin au lieu de mi-août, l’inquiétude prédomine car rien ne garantit de pouvoir constituer des stocks pour l’année prochaine. Le bilan fourrager qui sera fait en novembre conditionnera la suite de la procédure de demande de reconnaissance des pertes au titre des calamités agricoles. D’ores et déjà, des éleveurs réfléchissent à des mesures d’adaptation comme la vente de plus d’animaux en maigre ou l’augmentation des taux de réforme.
Contacté par ailleurs le 8 juillet, Emmanuel Drogue, éleveur à Saint-Martin-en-Vercors estime subir une perte de rendement global de 40 % sur le foin en comparaison avec 2021. « L’épisode pluvieux de fin juin a limité la casse mais pas suffisamment, explique-t-il. Aurons-nous assez d’herbe cet été pour ne pas taper dans les stocks ? »

C. L.