EXPÉRIMENTATION
Drosophila suzukii : la Sefra poursuit ses essais pour protéger les cerises

Quelles solutions de nettoyage dans l’hypothèse d’un traitement des cerises à l’argile contre Drosophila suzukii ? C’était l’objet d’une rencontre technique organisée par la Sefra le 30 juin à Étoile-sur-Rhône.

Drosophila suzukii : la Sefra poursuit ses essais pour protéger les cerises
Selon le protocole de nettoyage utilisé, il peut rester des traces d’argile au niveau de la cuvette pédonculaire.©AD26-S.S.

De 2016 à 2020, la station d’expérimentation fruits Auvergne-Rhône-Alpes (Sefra) a mené des essais pour confirmer l’intérêt du kaolin - ou argile blanche anhydre - sur cerise contre Drosophila suzukii. « Les stratégies chimiques ont une efficacité variant entre 80 et 90 %. Celle des stratégies avec kaolin tourne autour de 70 % », résume Claire Gorski, chargée d’expérimentation à la Sefra. Alors que le retrait de l’Imidan est acté, l’argile fait partie des pistes sérieuses bien que ne bénéficiant pas pour l’instant d’homologation pour un usage Drosophila suzukii.

Son utilisation pose également une autre question : celle du nettoyage des fruits post-récolte. « Le problème majeur du kaolin est le marquage très persistant des fruits », rappelle Lucile Lecomte, également en charge des expérimentations à la Sefra. Différentes pistes ont donc été testées pour récupérer des cerises propres et brillantes avant commercialisation, du simple jet d’eau sur les caisses à des bains avec de l’acide citrique (non homologué pour cet usage) ou une solution de lavage post-récolte (produit de la société Decco, filiale d’UPL) homologuée sur fruits et déjà utilisée sur pomme.

Nettoyage : brasser les fruits

« L’eau seule ne suffit pas. Que les cerises soient douchées ou trempées plus ou moins longtemps ou même brassées dans la première cuve de la calibreuse n’y change rien. Les cerises restent marquées d’un film blanchâtre après séchage les rendant ternes, précisent les deux chargées d’expérimentation. L’abaissement du pH de l’eau de rinçage à l’aide d’acide citrique a montré des résultats intéressants. La brillance du fruit revient même après séchage. » Toutefois, les lots traités au kaolin puis nettoyés à pH4 comportent encore des traces persistantes au niveau de la cuvette pédonculaire. La Sefra a donc poursuivi ses essais pour vérifier si un brassage supplémentaire des fruits dans la cuve de trempage permettrait d’éliminer ces résidus. L’occasion également de mesurer l’efficacité de la solution de lavage post-récolte UPL.

Lors de la rencontre du 30 juin, Claire Gorski et Lucile Lecomte ont réalisé une démonstration de ce nettoyage avec la solution de lavage dosée à 3 %. La cuve de trempage utilisée pour l’expérimentation est un palox équipé d’un système de tuyaux multi-jets avec air compressé (conçu en interne à la Sefra avec des tuyaux PVC) qui permet de créer des remous pour brasser les fruits. Les cerises traitées à l’argile ont été placées dans un filet puis trempées durant une minute dans ce « bain bouillonnant » avant d’être rincées à l’eau. Ce processus donne des résultats intéressants, malgré quelques traces tenaces, visibles après séchage, au niveau du pédoncule.

Tester les méthodes alternatives à grande échelle

« Le produit UPL à 3 % semble toutefois permettre d’obtenir un meilleur résultat que l’acide citrique à pH4. Avec un dosage à 5 %, le produit serait même encore plus efficace : très peu de cerises présentent encore un dépôt au niveau de la cuvette pédonculaire », poursuit Claire Gorski.

Reste à confirmer si cette stratégie pourrait s’appliquer à grande échelle. C’est tout l’objet du nouveau projet Écophyto déposé par différents partenaires techniques (dont la Sefra). Objectif : tester l’efficacité de la combinaison de plusieurs méthodes alternatives (lire ci-dessous), dont l’argile, face à Drosophila suzukii et autres bioagresseurs. « Ce qui nécessiterait aussi de poursuivre nos essais sur le nettoyage et surtout de vérifier sa faisabilité chez les producteurs. Nous avons de bons espoirs de voir accepter ce projet, ce qui nous permettrait de lancer des essais pour 2023 », annonce Claire Gorski. Sans oublier d’examiner les coûts de ces stratégies. Car c’est avant tout la réalité économique qui dictera la possibilité ou non de les mettre en œuvre pour les producteurs.

Sophie Sabot

EN BREF

Traitement à l’argile, une piste confirmée

Les essais menés par la Sefra confirment l’intérêt d’un traitement au kaolin (ou argile blanche) contre Drosophila suzukii à positionner au blanchiment des cerises, juste avant qu’elles ne virent au rouge, puis d’un second traitement à sept jours avant récolte, à un dosage de 40 kg/ha par application. Le kaolin n’ayant pas confirmé son effet sur la mouche de la cerise, Rhagoletis cerasi, il reste nécessaire en verger conventionnel de positionner également un ou deux insecticides.

 

Claire Gorski a réalisé une démonstration de nettoyage des cerises avec la solution de lavage dosée à 3 % dans une cuve avec tuyaux multi-jets qui permet de créer des remous pour brasser les fruits. ©AD26-S.S.
PERSPECTIVES

Quelles stratégies post Imidan ?

Face au retrait du Diméthoate en 2016 puis de l’Imidan, depuis le 1er mai 2022, les organismes techniques poursuivent leurs travaux pour identifier les pistes les plus efficaces dans la gestion des bioagresseurs des cerises. Le 30 juin à la Sefra, Claire Gorski en a dressé la liste, précisant que ces solutions ne peuvent avoir une efficacité suffisante pour le producteur que si elles sont utilisées en complémentarité. Parmi elles, les filets, sur le rang ou en périphérie du verger, mais qui présentent des coûts d’implantation élevés. Seconde piste : le piégeage massif avec des solutions comme Decis Trap DS qui, lors des essais en complément d’insecticide, avait montré un gain de 50 % d’efficacité. « Seul, le Decis Trap DS n’est pas suffisant, la question de son efficacité avec les produits encore disponibles sur cerise se pose également », précise la chargée d’expérimentation. Mêmes interrogations concernant Vio Trap, piège de la mouche de l’olive, dont l’efficacité sur les bioagresseurs de la cerise doit être approfondie. Idem pour Syneïs Appât, solution de biocontrôle dont l’intérêt sur cerise doit encore être confirmé.

D’autres solutions doivent aussi être explorées comme les plantes pièges de Drosophila suzukii, Pyracantha coccinae par exemple, les parasitoïdes ou encore l’insecte stérile sur lequel travaille activement l’Inrae.

Enfin, Claire Gorski insiste sur les bénéfices de la prophylaxie, qui consiste à ne pas laisser de cerises au verger après récolte, ou encore à aérer le verger avec une piste à l’étude autour de la taille en vert…

S.S.