Libre-échange
Mercosur : quels impacts sur l'agriculture française ? 

La FNSEA demande l’arrêt total des négociations avec le Mercosur. « Nous demandons au chef de l'État de mettre son véto », déclare Patrick Bénézit, vice-président de la FNSEA. 

Mercosur : quels impacts sur l'agriculture française ? 
©Pixabay

À la veille du G20, qui se tiendra les 18 et 19 novembre à Rio de Janeiro (Brésil), et durant lequel l'accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et les États membres du Mercosur (Argentine, Brésil, Bolivie, Paraguay et Uruguay) pourrait être signé, le syndicat agricole majoritaire (la FNSEA) réclame l’arrêt total des négociations. « Nous demandons au chef de l'État de mettre son véto », déclare Patrick Bénézit, vice-président de la FNSEA. En effet, pour que l'accord soit ratifié et entre pleinement en vigueur, il nécessite l'aval de tous les États membres. En pratique, un seul pays peut donc bloquer la ratification complète de l'accord. Une demande que le syndicat a illustré de comparaisons parlantes.

Impacts des importations

Ainsi, dans une campagne diffusée sur les réseaux sociaux, la FNSEA annonce que le contingent de 99 000 tonnes de viande bovine importées en Europe équivaudrait à 8 % des meilleurs morceaux consommés en Europe ; 45 000 tonnes de miel importées du Mercosur représenteraient 1,5 fois la production de la France ; 180 000 tonnes de sucre seraient équivalentes à 4,5 % de la production française et 8,2 Mhl de biocarburants représenteraient 50 % de la production de l'Hexagone. Au-delà de l'impact que l'importation de tels volumes aurait sur les productions et marchés européens, le syndicat agricole alerte sur le risque de non-respect des normes de production européennes : utilisation d'antibiotiques activateurs de croissance (viandes bovines), absence de traçabilité, usage de substances actives phytosanitaires – interdites en France depuis vingt ans pour certaines –, normes de travail non respectées…

Mutisme et incohérence

La FNSEA s'inquiète également du mutisme de la Commission européenne concernant la mise en œuvre de contrôles ou sanctions cohérents avec la promotion du développement durable et l'accord de Paris sur le climat. Enfin, la FNSEA dénonce des imprécisions concernant les demandes qui seraient imposées aux pays tiers (hors UE) dans le cadre du règlement relatif à la "déforestation importée".

Les positions de la FNSEA

Pour la FNSEA, ce projet d’accord « offre des concessions majeures en termes de volumes de contingents, alors même qu’aucune mesure de réciprocité concernant les conditions de production n’est incluse », et menace simultanément la « souveraineté alimentaire » et les « économies » européennes, ainsi que la « santé du consommateur ». Elle réclame la « négociation de clauses de sauvegarde plus efficaces » et la mise en place de « clauses miroirs effectives » ainsi que d'outils « pour les contrôler de manière stricte ». Le syndicat demande également que le volet commercial de l'accord ne fasse pas « l'objet d'une application provisoire » avant sa ratification par l'ensemble des États membres, et considère comme inacceptable le fait que la Commission européenne envisage la création d'un fonds d'indemnisation des agriculteurs, « pour vaincre les réticences de certains États membres ».

Léa Durif, d'après communiqué FNSEA

Comprendre le Mercosur

Les maires ruraux se positionnent contre

Dans un communiqué en date du 8 novembre, l’association des maires ruraux de France (AMRF) dit « Non à la fragilisation du monde rural et de ses éleveurs » et s’oppose au Mercosur. L’AMRF appelle ainsi « l’ensemble des parlementaires et des responsables politiques français, le Premier ministre et le président de la République, à ne pas ouvrir la brèche supplémentaire qui fragiliserait la vie de nos territoires ruraux ». L’association rappelle qu’au-delà d’avoir des conséquences sur la santé et l’alimentation dans les assiettes et plus particulièrement nos cantines : « cette concurrence déloyale vis-à-vis de nos éleveurs via des accords internationaux impacte directement le développement économique des territoires ruraux français ». « La colère du monde rural gronde à nouveau et les maires ruraux sont et seront solidaires de ces acteurs économiques clés de nos campagnes », notifie le communiqué de presse. 

Comment se positionnent les autres pays de l’UE ?

L’Allemagne, l’Espagne et l’Italie sont favorables à un accord. Dans une lettre adressée (en septembre) à la présidente Ursula von der Leyen, onze États membres – l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal, la Suède, le Danemark, la Finlande, la Croatie, l’Estonie, la Lettonie, le Luxembourg et la Tchéquie – ont appelé à la conclusion rapide d’un accord commercial avec le Mercosur. Différentes informations se font écho d’un isolement de la France dans son opposition (réitérée en marge du Conseil européen des 16-18 octobre 2024 et réaffirmée lors du Conseil des ministres de l’Agriculture des 21 et 22 octobre au projet d’accord). La France serait sur la même ligne que l’Autriche ou les Pays-Bas et l’Irlande. 
R.-M. Stern – V. Guerin