STRATÉGIE
Gestion durable du foncier : la Drôme trace sa feuille de route

Plus de 150 personnes ont assisté aux Assises du foncier organisées à Upie à l’initiative de la chambre d’agriculture de la Drôme, des services de l’État et du Département.

Gestion durable du foncier : la Drôme trace sa feuille de route
En Drôme, entre 2009 et 2018, 4,4 hectares en moyenne d’espaces agricoles, naturels et forestiers ont été artificialisés chaque semaine. ©AD26

Entre 2009 et 2018, en Drôme, 4,4 hectares en moyenne d’espaces agricoles, naturels et forestiers ont été artificialisés chaque semaine. Un constat alarmant qui a conduit fin 2019 au lancement d’une opération collective, baptisée « Assises du foncier », associant la chambre d’agriculture de la Drôme, les services de l’État et le Département. Le 4 octobre, ces partenaires ont présenté la stratégie foncière drômoise élaborée collectivement à l’issue de plusieurs mois de travail. Elle constitue la feuille de route désormais applicable en Drôme « pour une gestion durable » du foncier.

Elus locaux, représentants des collectivités, du monde agricole mais aussi bailleurs sociaux, entrepreneurs du BTP... ont participé à cette restitution qui s’est déroulée à Upie.

Des actions, pas une doctrine

Concrètement, la stratégie foncière drômoise se décline sous quatre thématiques : l’urbanisme ; l’aménagement et l’environnement ; les énergies renouvelables ; l’installation et l’approvisionnement local. Une vingtaine d’orientations ont été fixées et chacune se traduit par un programme d’actions. « Il ne s’agissait pas d’écrire une doctrine », ont précisé Isabelle Nuti, directrice départementale des territoires, et Franck Soulignac, premier vice-président du Département, mais « une stratégie opérationnelle avec des actions que tous les acteurs puissent s’approprier », a insisté la directrice de la DDT. « Cette stratégie vise à couvrir toutes les utilisations possibles du foncier et, plus encore, à responsabiliser tous les acteurs concernés, l’agriculture au premier chef », a affirmé Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture, organisatrice de ces assises.

Vers un urbanisme sobre

Les orientations retenues ont été présentées lors de quatre tables rondes. En matière d’urbanisme, Pierre Combat, membre du bureau de la chambre d’agriculture, a rappelé que l’installation agricole est aujourd’hui menacée par le manque de foncier. « L’urbanisme a besoin d’entrer dans l’ère de la sobriété », a-t-il résumé. La stratégie foncière drômoise doit donc privilégier le renouvellement urbain et la requalification des espaces déjà urbanisés. La reconquête des friches industrielles, des logements vacants devient la priorité. La densité doit également être favorisée dans les zones d’habitats et les zones d’activités. Les documents d’urbanisme devront également prendre en compte les enjeux pour l’agriculture. Ainsi les choix d’urbanisation ne devront pas compromettre l’activité agricole déjà présente et son potentiel développement.

Second thème abordé le 4 octobre : l’aménagement et l’environnement. « Développement des infrastructures de réseaux, restauration d’espaces naturels, protection de la ressource en eau, recherche de sites pour la compensation environnementale... Les terres agricoles sont bien souvent le support de ces politiques, qu’il s’agisse d’implanter de nouveaux ouvrages ou, plus souvent, d’y substituer de nouveaux usages », constatent les partenaires. Pour y remédier, ils préconisent notamment de stopper la conversion de surfaces agricoles en surfaces de compensation écologique. Pour cela, ils incitent à substituer la logique du « coup par coup » des porteurs de projets par une politique de coordination et d’anticipation des mesures compensatoires environnementales. Il s’agit alors d’appliquer pleinement la démarche ERC (éviter, réduire, compenser) dans tous les projets d’aménagement, en privilégiant les possibilités d’éviter et de réduire les atteintes au foncier plutôt que de chercher à les compenser.

Encadrer les projets énergétiques

Sur le volet des énergies renouvelables (ENR), « la France a des ambitions claires et déterminées, avec l’objectif d’atteindre un seuil de 32 % d’ici 2030 et un bilan carbone neutre d’ici 2050, a rappelé Thierry Mommée, élu à la chambre d’agriculture. On imagine donc le développement attendu de ces ENR sur notre territoire et les conséquences possibles. » Des orientations fortes ont donc été affirmées par la chambre d’agriculture, la DDT et le Département. En premier lieu, préserver le foncier agricole et naturel vis-à-vis du développement du photovoltaïque au sol. Ce type de projet sera autorisé uniquement sur des surfaces déjà artificialisées ou dégradées : anciennes décharges, zones de dépôt, ombrières sur parkings, berges fluviales… Concernant les projets agrivoltaïques, destinés à protéger les cultures face au changement climatique, les partenaires préconisent pour l’instant un développement à titre expérimental, dans le cadre de protocoles suivis par la chambre d’agriculture ou un organisme de recherche agricole public. Le photovoltaïque devra par ailleurs être développé sur le bâti, agricole ou non. La réhabilitation d’anciens bâtiments agricoles dans ce cadre est encouragée. La méthanisation agricole devra par ailleurs être développée et encadrée, avec une volonté forte « de la concilier avec les productions alimentaires et la ressource en eau » (lire également L’Agriculture Drômoise du 7 octobre). Enfin tout projet éolien devra prendre en compte les enjeux agricoles, en particulier ceux relatifs à l’agritourisme. 

Militer pour le renouvellement des générations 

Pour clore ces assises, il a bien sûr été question de foncier et d’installation agricole, mais aussi d’approvisionnement local. Pour assurer le renouvellement des générations dans le département et préserver le potentiel de production, les partenaires s'engagent à : rencontrer les cédants, faciliter la transmission des exploitations pour installer ; accueillir sur les territoires des entrepreneurs de l’agriculture ; encourager, lorsque cela est nécessaire, le portage du foncier pour le rendre plus accessible. Enfin les partenaires souhaitent que, « sans attendre de nouveaux textes législatifs, la mobilisation soit forte, anticipée et concertée pour militer auprès des cédants et des propriétaires afin qu’ils privilégient des projets d’installation, de création, plutôt que de démanteler progressivement des exploitations au profit d’agrandissements non nécessaires. »

Sophie Sabot 

Jean-Pierre Royannez (à d.), président, et Pierre Combat (au micro), vice-président de la chambre d’agriculture, aux côtés de Franck Soulignac, premier vice-président du Département ont ouvert ces assises. ©AD26 - S.S.

Ils ont dit 

« Il était dans les mentalités que les terres agricoles soient le garde-manger dans lequel on pouvait piocher pour les documents d’urbanisme et le développement des activités, a dit Jean-Pierre Royannez en conclusion de cette rencontre. A la chambre d’agriculture, nous voulions changer ça. Notre volonté, c’était de ne plus être seul contre tous mais pouvoir aborder ces sujets comme on vient de le faire aujourd’hui avec l’ensemble des acteurs concernés par l’utilisation du foncier agricole. »


« Nous savons que la Drôme est un territoire attractif. Elle est donc particulièrement soumise à la pression foncière », a dit Marie-Pierre Mouton, présidente du Département. Elle a assuré que dans chacune des décisions que prend le Département, « une vision stratégique et cohérente du territoire départemental » est prônée, « en instaurant toujours plus de dialogue avec les territoires ».


Marie Argouarc'h, secrétaire générale de la préfecture de la Drôme, a rappelé qu’il fallait aujourd’hui aller « plus loin et plus vite » en matière de préservation des ressources. C’est le sens de la stratégie Eau-Air-Sol déployée à l’échelle régionale. En Drôme, elle vise à atteindre le zéro artificialisation nette en 2040 et réduire la consommation réelle de foncier d’au moins 50 % en 2027 par rapport à la période 2013-2017, soit au maximum 112 ha/an en 2027 à l’échelle du département.

Message de la ministre

En ouverture de cette rencontre, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, s’est adressée directement aux participants dans une courte vidéo. Elle a rappelé les objectifs inscrits dans la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 : diminuer de moitié l’artificialisation dans les dix prochaines années et parvenir à un arrêt de l’artificialisation nette d’ici 2050. « Ces objectifs ne seront atteints qu’avec une mobilisation des territoires et des acteurs qui y vivent et les font vivre », a souligné la ministre. Elle salue donc l’initiative drômoise qui offre les moyens de travailler en ce sens.

S.S.