BIOCONTROLE
Maïs : un diffuseur  de trichogrammes mécanique

Développé par Bioline Agrosciences, le T-Protect facilite l’usage de trichogrammes sur de grandes surfaces de maïs. Le dispositif, couplé à l’épandeur T-Protect Booster et à un quad enjambeur, permet de traiter 30 hectares par heure.

Maïs : un diffuseur  de trichogrammes mécanique
Chaque diffuseur T Protect contient un support de culture avec des œufs de trichogramme à différents stades de maturité, ce qui garantit une protection de la parcelle durant quatre semaines.

C’est une première en France : jusqu’ici uniquement utilisable manuellement, l’utilisation de trichogrammes dans la culture du maïs franchit un cap en devenant mécanique. A l’origine de cette innovation, on retrouve une équipe mixte composée de Bioline France, Bioline Agrosciences et Phyteurop, qui a créé conjointement le T Protect-Booster, un diffuseur de trichogramme mécanique. Ce dispositif est actuellement testé par la coopérative Oxyane chez une trentaine d’agriculteurs, sur une surface totale de 900 ha. Les trichogrammes, petites guêpes parasitoïdes, sont en effet connues pour leur efficacité contre la pyrale du maïs, ravageur pouvant entraîner des conséquences dramatiques sur les cultures. Feuilles perforées, tiges cassantes… Si 50 % des pieds d’un champ sont infestés par la pyrale – qui pond dans le maïs - la perte sur récolte peut aller jusqu’à 13 quintaux à l’hectare. En outre, la contamination du maïs par ce ravageur augmente la présence de mycotoxines sur les pieds de maïs, ce qui impacte la qualité du lait dans le cas d’une culture de maïs fourrager. La perte chiffrée à l’hectare est d’environ 220 € pour du maïs grain et de 416 € pour du fourrage. « On peut avoir des lots entièrement impropres à la consommation si la présence de mycotoxines est trop élevée », rappelle Franck Escales, directeur régional Sud de Bioline France. Pour lutter contre la pyrale, les agriculteurs ont le choix entre biocontrôleurs et produits phytosanitaires. La première option, plus coûteuse, était aussi beaucoup plus chronophage jusqu’ici. « On utilise les trichogrammes depuis plus de trente ans dans la culture du maïs, mais cette solution nécessite du temps : l’agriculteur doit parcourir à pied son champ et poser manuellement les diffuseurs, parfois même les attacher à un tuteur lorsque le maïs est encore jeune. En moyenne un agriculteur avance au rythme de 4 à 5 ha de l’heure en procédant de la sorte », résume Damien Ferrand, responsable du pôle développement de la coopérative Oxyane. Or, la ponte de la pyrale intervient dans un délai très court et sur une grande surface. Les trichogrammes sont efficaces sur le ravageur uniquement quand celui-ci est au stade d’œuf, la réactivité est donc capitale. Le diffuseur T Protect, qui contient des œufs de trichogramme à différents stades de maturité, peut être jeté directement sur le sol. La boîte contenant le support de culture, faite de déchets biodégradables, le protège des rayons du soleil et résiste aux intempéries. La présence de trichogrammes à différents stades de vie permet quatre semaines de protection. « Il y a eu un travail de sélection des souches de trichogrammes : certaines sont plus agressives que d’autres face à la pyrale », explique Florent Ehry, chef de projet chez Bioline France « Il faut des guêpes avec de la longévité, qui se déplacent et se reproduisent ». Le T Protect, couplé au système d’épandage T Protect Booster, permet d’avancer à un rythme de 30 ha par heure.

La mécanisation comme facilitateur d’utilisation

Ce rythme de traitement jusqu’à six fois plus élevé qu’une pose manuelle rend accessible l’utilisation de trichogrammes sur l’ensemble des parcelles. La surface par exploitation des cultures de maïs a été multipliée par deux en dix ans, tandis que les actifs agricoles, eux, ont été divisés par deux. « De fait, certains agriculteurs avec une grande surface d’exploitation traitent la pyrale avec des trichogrammes sur les bords de leurs exploitations et le reste avec des produits phytosanitaires », constate le responsable du pôle développement Oxyane Damien Ferrand. Le T Protect Booster réduit considérablement le temps de pose. Utilisable sur différents véhicules, il permet, lorsqu’il est entièrement chargé, de traiter 20 ha d’un coup. Le chargement s’effectue en cinq minutes, directement dans le champ. « Contrairement aux produits phytosanitaires qui nécessitent de retourner dans une zone de chargement dédiée, le remplissage du T Protect Booster se fait sur la parcelle : il suffit de sortir les diffuseurs contenants les trichogrammes de la glacière et de les insérer dans le dispositif », explique le chef de projet Bioline France Florent Ehry. Les trichogrammes commencent en effet leur développement au delà de 12 °C et doivent donc être conservés au frais avant utilisation. En addition au diffuseur et au système d’épandage, un véhicule dédié a été créé en partenariat avec le constructeur GRV. Basée à Péronne en Saône-et-Loire, l’entreprise spécialiste des machines viticoles a imaginé avec les équipes de Phyteurope et Bioline un quad enjambeur. Ce véhicule léger – environ une tonne – permet d’épandre rapidement les T Protect sur les parcelles, et ce, même sur des maïs dépassant 1,30 m de hauteur ou dans des conditions météo difficiles comme la pluie, le véhicule ne s’enfonçant pas dans la terre. Il est également possible d’épandre les T Protect par drone. « Mais l’épandage aérien n’est pas toujours possible : il dépend des conditions climatiques et aussi de certaines restrictions selon le lieu où l’on se situe. Pour nous, il était important de proposer une solution terrestre », explique Damien Ferrand d’Oxyane. C’est le cas sur la parcelle où le T Protect Booster a été présenté à la presse le 8 juin. D’une surface de neuf hectares, elle est entourée de deux bandes de jachère mellifère et située non loin de l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, ce qui interdit l’épandage aérien. Tous les 20 m, le quad enjambeur dépose les T Protect sur la parcelle avec facilité. Cette solution mécanique, disponible sous forme de prestation, coûte entre 45 et 50 € de l’heure, T Protect inclus. Un prix compétitif rendu possible grâce à l’efficacité du quad enjambeur. « Cette année, nous sommes dans une phase de test et de prototypage pour voir comment utiliser au mieux cette solution. L’année prochaine, elle pourra être proposée dans d’autres coopératives », conclut Franck Escales, directeur régional sud de Bioline France.
Zoé Besle