Prédation
“ C'est plutôt positif qu'il y ait enfin une prise de conscience ”
Claude Font, secrétaire général de la Fédération nationale ovine (FNO), réagit aux annonces faites par la présidente de la Commission européenne.
Le 5 septembre, Ursula Von der Leyen s'est dite prête à modifier le statut de protection du loup au sein de l'Union européenne. Que vous inspirent ces annonces ?
Claude Font : « Nous ne pouvons que nous réjouir de ce message fort de la part de la présidente de la Commission européenne. Que ce soient les professionnels agricoles comme les politiques des territoires concernés, nous avons alerté la Commission à plusieurs reprises et c'est plutôt positif qu'il y ait enfin une prise de conscience sur le développement de la population lupine et de la prédation croissante pour le pastoralisme. J'espère seulement qu'il n'y a pas de corrélation entre le poney d'Ursula, tué par des loups en fin d'été 2022, et les politiques européennes qu'elle met en place... J'émets un autre bémol en lien avec la Commission environnement de l'Europe qui se montre totalement fermée sur le sujet du loup. Alors que nous nous trouvons à la veille des élections européennes, j'espère que le dossier loup sera remis à l'ordre du jour de la Commission européenne et des interventions de nos élus européens. »
Selon Ursula Von der Leyen, le loup représente « un danger pour le bétail comme pour l'Homme ». Cela signifie-t-il que les revendications de la profession ont été entendues ?
C. F. : « Le loup est un danger pour le bétail, c'est une certitude et c'est de surcroît factuel. En ce qui concerne l'Homme, il faut rester prudent car nous ne sommes pas à l'abri d'une attaque ; lorsqu'une bête sauvage se sent piégée, sa réponse est toujours l'attaque... Ces jours-ci, nous avons appris de la part du préfet référent Loup que le chiffre provisoire 2023 s’élevait à 1 104 individus (Ndlr : 906 loups avaient été annoncés à la sortie de l'hiver 2023). Cette actualisation rapide des chiffres est le résultat des actions syndicales que nous avons menées et que nous continuons à mener dans nos départements. Ainsi le taux de prélèvement du loup (à hauteur de 19 %) s'appliquera sur ce chiffre de 1 104, ce qui permettra d'avoir des prélèvements à la hauteur de la pression de prédation. »
Quelles sont les prochaines échéances sur le dossier loup ?
C. F. : « Jeudi 14 septembre au matin, le futur plan loup doit faire l'objet d'une réunion interministérielle à Paris. Le 14 septembre après-midi, les organisations professionnelles agricoles rencontrent Fabienne Buccio, la préfète coordinatrice nationale du plan loup. Lundi 11 septembre, cette dernière devait rencontrer les organismes environnementaux. Quant au groupe national loup, il se tiendra lundi 18 septembre autour des récents arbitrages politiques. Concernant le plan loup, nos principales revendications concernent l'évolution du protocole de tir. Nous demandons la fusion du tir de défense simple et du tir de défense renforcé avec une intervention des louvetiers dès la première attaque. La profession reste mobilisée sur ce dossier. Tant que l'on ne connaît pas les arbitrages politiques sur le plan loup, le réseau du CAF Loup* poursuivra sa mobilisation syndicale sur le terrain au moyen d'un affichage en bordure de route et d'une communication auprès des parlementaires. Ce n'est pas le moment de baisser les bras. Je garde l'espoir que la profession soit entendue. »
Propos recueillis par Véronique Gruber
* Caf Loup : FNSEA, JA, Chambres d’agriculture et associations spécialisées d’éleveurs ovins (FNO), bovins (FNB) et équins (FNC).
“ La Commission monte enfin clairement au créneau ”
«Au plus haut niveau de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, sa présidente, a déclaré aujourd’hui [Le 5 septembre NDLR] que la prolifération du loup était ‘‘ un véritable danger pour le bétail ‘‘ et qu’il fallait sans plus attendre agir sur le sujet. Preuve, s’il en est, qu’à Bruxelles, tous ne sont pas complètement déconnectés des réalités de terrain, et ce certainement en partie grâce à l’action concertée des élus, de la profession agricole et des différents acteurs concernés, victimes de la prédation », a réagi l’eurodéputé, Jérémy Decerle (groupe politique Renew Europe). Dans sa déclaration, l’éleveur charolais de Saône-et-Loire a salué le fait que la Commission rappelait « avec force, aux États membres que la réglementation européenne permet déjà certaines possibilités d’actions contre le loup, lorsque la pression prédatrice est trop forte ».
Une position « historique » qui ne s’arrête pas là. « Elle [la Commission] va même plus loin en annonçant une future possible évolution de la réglementation sur le sujet, pouvant peut-être enfin changer le statut du loup. Arrêtons donc de louvoyer en remettant toujours la faute sur l’Europe. Bruxelles n’empêche pas toujours et au contraire, dans ce cas, permet des choses. Le Parlement européen n’est pas tout à fait étranger à cette réaction de la Commission. Nous sommes quand même quelques-uns dans cet hémicycle à ne pas sous-estimer la situation, la détresse des éleveurs et le danger pour nos territoires. Dans une résolution votée fin 2022 par l’ensemble de notre assemblée, nous avons défendu l’absolue nécessité d’agir collectivement, au niveau européen, car le loup ne connaît pas les frontières, et la protection des troupeaux, des hommes et de nos campagnes ne peut pas être qu’une option. »
M.-C. S.-B. sur communiqué
Les syndicats agricoles mettent la pression
Après l’annonce de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen sur la dangerosité du loup pour l’Homme et le bétail, la FNSEA, Jeunes agriculteurs et de nombreuses associations d’éleveurs, ont pris acte de ses déclarations. Elle est « en phase avec la profession agricole française », ont indiqué les organisations. Surtout, les agriculteurs français attendent des « actes ». « Ce ne sont plus les loups qui sont en voie de disparition, mais l’élevage pastoral et toute l’économie qui l’accompagne. Le temps est désormais venu de passer concrètement à l’action pour obtenir une gestion plus flexible de la population lupine en faisant évoluer le statut du loup dans la convention internationale de Berne et la directive Habitats. » Elles demandent aussi au gouvernement « de faire preuve de courage et de bon sens ».
Agra