Prédation
Plan loup : « Nous allons mettre la pression à bloc tout l'été »

Après l'annonce d'une baisse du nombre de loups, FDSEA, JA, FDO, association des éleveurs et bergers du Vercors et fédération des producteurs laitiers de la Drôme ne décolèrent pas et annoncent vouloir mettre la pression d'ici la présentation du prochain plan national loup, début septembre.

Plan loup : « Nous allons mettre la pression à bloc tout l'été »
Yvan Jarnias, président de Jeunes agriculteurs de la Drôme, dénonce un « dysfonctionnement » dans le réseau Loup-lynx. À ses côtés, Alain Baudouin, président de l'association des éleveurs et bergers du Vercors, et Edmond Tardieu, chargé du dossier loup à la FDSEA. ©AD26-CL

La pilule ne passe vraiment pas tant elle est amère. Après l'annonce, le 3 juillet à Lyon par les services de l’État, d'une baisse du nombre de loups en France (906 loups à la sortie de l’hiver 2023, contre 921 en 2022 - lire notre précédente édition), les éleveurs ne décolèrent toujours pas. Le 6 juillet à La Laupie sur l'exploitation de Frédéric Gontard, président de la fédération départementale ovine (FDO), lui-même et plusieurs autres responsables agricoles drômois ont prévenu : « Nous allons mettre la pression à bloc tout l'été en vue du prochain plan loup qui sera présenté le 4 septembre ». Tout va en effet se jouer à la rentrée. Et d'ici là, la Première ministre devra arbitrer entre deux de ses ministres, Marc Fesneau pour l'Agriculture et Christophe Béchu pour la Transition écologique. Le premier souhaiterait « simplifier » le processus de tirs avec une « fusion des tirs de défense simple et renforcé ». Il l'a encore rappelé dernièrement lors d'un déplacement en Saône-et-Loire en marge du salon Euroforest (lire notre édition du 29 juin). Le second, Christophe Béchu, doit composer avec sa secrétaire d’État chargée de l’Écologie, Bérangère Couillard, laquelle s’est positionnée en protectrice des loups lors des questions au gouvernement le 20 juin dernier.

« Pas 906 mais 1 400 à 1 700 loups »

Dans ce contexte, l'annonce d'une estimation baissière du nombre de loups est vécue comme un « affront ». « On nous prend pour des pigeons, s'agace Alain Baudouin, président de l'association des éleveurs et bergers du Vercors. On est sacrifié sur l'autel des bulletins de vote écologistes. » Yvan Jarnias, président de Jeunes agriculteurs (JA) de la Drôme, dénonce un « dysfonctionnement » dans le réseau Loup-lynx chargé d'assurer la surveillance de la population de ces deux espèces. Un réseau composé de plusieurs milliers de personnes (agents de l'État, lieutenants de louveterie, chasseurs, éleveurs, naturalistes, particuliers…), animé et coordonné techniquement par l'office français de la biodiversité (OFB). « Le nombre d'indices collectés (traces de la présence des loups - ndlr) a baissé de plus de 20 % en 2022, soit mille de moins. Les écologistes n'ont volontairement pas fait remonter les informations, estime Yvan Jarnias. Car tant que le nombre de loups augmentait, on pouvait demander davantage de tirs de prélèvement du prédateur. Avec l'annonce d'une population de loups en baisse, on n'aura aucun droit supplémentaire de tirs. Les calculs doivent être revus. »

Un constat partagé par Sandrine Roussin, présidente de la FDSEA de la Drôme, et Edmond Tardieu, administrateur chargé du dossier loup. « Les remontées du terrain sur les indices de présence du loup sont aléatoires, estime Edmond Tardieu. En 2022, la Frapna avait annoncé une vingtaine de meutes en Drôme, soit 150 à 200 loups. Et pour 2023, l'OFB et la fédération des chasseurs de la Drôme ont acté l'identification de 31 meutes, soit 200 à 250 loups en Drôme. Si on fait une grossière extrapolation en multipliant par le nombre de départements les plus prédatés de l'arc alpin, on arrive à environ 1 400 à 1 700 loups. Sans compter la quarantaine d'autres départements où la présence du loup est avérée. »

Des moyens pour baisser la charge mentale

Le 6 juillet à La Laupie, Frédéric Gontard (président de la FDO), Sébastien Ageron (co-président de la fédération des producteurs laitiers de la Drôme), Jean-François Giguel (secrétaire général de la FDSEA) et Sandrine Roussin (présidente) ont dénoncé l'estimation baissière du nombre de loups. ©AD26-CL

Autre problème mis en avant par les représentants professionnels, la multiplicité des attaques sur les troupeaux et la difficulté à gérer toujours plus de chiens de protection. Avec 81 attaques indemnisables et 206 animaux tués entre le 1er janvier et le 30 juin, « 2023 est la deuxième année avec le plus de prédation, malgré l'ampleur des mesures de protection mises en place par les éleveurs. Et cela après une année 2022 de tous les records, rappellent-ils avant d'ajouter : « De plus en plus d'éleveurs ne déclarent pas toutes les attaques subies, soit par disparition des victimes (absence de carcasse), soit par dépit, soit par lourdeur administrative ». De plus, l'élevage bovin subit une explosion des attaques. « Il nous faut des moyens spécifiques de surveillance des troupeaux, comme des colliers GPS, et la possibilité de défendre nos troupeaux », demande Yvan Jarnias, lui même éleveur de vaches aubrac dans les Baronnies. « Désormais, on rentre systématiquement nos vaches avant les vêlages, ajoute Sébastien Ageron, éleveur dans le Royans et co-président de la fédération des producteurs laitiers de la Drôme. Malgré cela, en 2022, lorsque des vêlages ont eu lieu avant le retour à l'étable, cinq de nos veaux ont été dévorés. »

Alors que 612 chiens de protection des troupeaux ont été financés en Drôme l'an dernier, les organisations agricoles demandent un statut spécifique pour ces animaux et davantage de soutien et de prise en charge en cas de litige avec des particuliers (randonneurs, voisins…). « En plus du coût, les chiens constituent une charge mentale de plus en plus difficile », confient les responsables agricoles.

D'autres demandes sont faites pour le prochain plan loup 2024-2029 (voir encadré). Toutefois, voyant la facture de l’État s'alourdir au fil des ans (plus de 60 millions d’euros en 2022 dont 27 M€ d'indemnisations, sans compter les sommes à la charge des éleveurs qui s’étonnent de devoir payer les pots cassés), « c’est au ministère de la Transition écologique de mettre la main à la poche et pas au ministère de l’Agriculture », estiment les représentants agricoles.

Christophe Ledoux

Prédation : des demandes pour la sauvegarde de l'élevage

Le 6 juillet à La Laupie, les cinq organisations ont demandé la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'élevage pour :

- garantir aux éleveurs le droit de se défendre avec une meilleure estimation du nombre de loups, la suppression du plafond national de prélèvements de loups pour aller vers une gestion locale en fonction de la pression de prédation, des louvetiers et brigades anti-loups plus nombreux et mieux financés, la reconduction du statut de non-protégeabilité des troupeaux bovins et leur accès aux tirs de défense ;

- indemniser correctement les mesures de protection et les conséquences de la prédation avec, entre autres, une augmentation des budgets alloués ainsi que des plafonds éligibles et des forfaits pris en compte, un classement de toute la Drôme en cercle 1, un élargissement des dépenses éligibles (clôtures, chiens…), une révision des barèmes d'indemnisation, une meilleure prise en compte des animaux blessés et des pertes indirectes… ;

- soulager les éleveurs face à la charge mentale de la prédation : statut spécifique du chien de protection, prise en charge par l’État de la responsabilité en cas d'incident, création d'une garantie d'assurance, campagne de communication auprès du grand public sur le rôle des chiens de protection et les comportements à adopter...

Pour les zones les plus prédatées : 1,5 M€ en plus en 2024

« Une enveloppe financière complémentaire de 1,5 million d’euros sera déployée dès 2024 pour accompagner les éleveurs dans de nouveaux besoins de protection », a annoncé le 3 juillet la préfecture de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui coordonne le plan national loup. Cette enveloppe financera des diagnostics de vulnérabilité dans « les territoires les plus prédatés », ainsi que « la mise en œuvre des mesures qui en sont issues », lit-on dans un communiqué diffusé à l’issue d’une réunion du Groupe national loup. Ces aides permettront, par exemple, « d’épauler les éleveurs dans le choix des clôtures et (...) leur déploiement » ou de « recenser et gérer les incidents impliquant des chiens de protection ». Cette enveloppe visera aussi à « expérimenter des moyens de protection ou d’effarouchement auprès d’élevages bovins » de plus en plus prédatés ces dernières années.