Dans un contexte de décapitalisation, les temps sont incertains pour les races à viande. Ne s’interdisant rien, la charolaise parie sur les outils modernes pour simplifier l’accès à la génétique et maintenir une base de sélection conséquente.
L’organisme de sélection (OS) Charolais France s’est une nouvelle fois joint à l’association Institut Charolais pour une assemblée générale commune à Charolles (Saône-et-Loire). Tour à tour, les deux structures charolaises sont revenues sur le bilan du dernier exercice devant des acteurs et opérateurs de la race réunis. Structure collective présidant aux destinées de la race, l’OS Charolais France a passé en revue ses activités dont l’essentiel est lié au programme de sélection raciale. Ainsi l’OS détient-elle aujourd’hui « la pleine responsabilité de toutes les missions relatives à l’évaluation génétique de la tenue du livre (déléguée au HBC) jusqu’à l’indexation, et cela, en incluant les collectes de données du contrôle de performances et de la certification de parenté bovine, deux missions de la sélection génétique qu’elle délègue aux chambres d’agriculture et à Eliance (Bovins croissance) », indique le directeur Guy Cassagne. Conformément à la réforme du règlement zootechnique européen, « Charolais France prend en charge le suivi de ces missions auprès de ses délégataires ». Ce qui passe par la mise en place de « référentiels d’exigence », la vérification du statut de chaque délégataire, la clarification des règles de procédure, l’amélioration de la fiabilité des dispositifs… Opérations qui ont beaucoup mobilisé l’OS en 2022, explique le directeur.
Moins d’élevages…
Dans un contexte de décapitalisation bovine, la base de sélection n’échappe pas à l’érosion avec une baisse de 5 % du nombre d’élevages engagés dans le programme de sélection et une perte sur le nombre d’animaux contrôlés. « Tout l’enjeu est de conserver une base de sélection suffisamment conséquente », met en garde le directeur.
En chiffres, l’OS recense 4 480 participants à la certification de parenté bovine. Le nombre d’adhérents au Herd-Book Charolais baisse un peu à 1 542. En dépit d’un contexte peu porteur, la campagne a été « favorable » en termes d’inscription (stable dans les mâles et en hausse pour les femelles), explique Guy Cassagne. La tenue du livre généalogique et les qualifications connaissent, elles aussi, une dynamique positive.
Dans le domaine du contrôle de performances, une forte baisse du nombre d’élevages est observée sur l’ensemble des races à l’échelle nationale tandis que le nombre d’animaux contrôlés par élevage se stabilise. En race charolaise, le nombre d’élevages s’érode un peu à 3 165 en 2022. Tandis que le service classique (VA4) de contrôle de performances continue de perdre du terrain, la pesée éleveur progresse. La baisse assez marquée du service de base (VA0) interpelle également, indique Guy Cassagne qui conclut « qu’au final, 153 000 animaux charolais ont été indexés une première fois en 2022 par Geneval, l’outil collectif qui effectue le calcul d’index génétique pour l’OS et les autres acteurs raciaux ».
Partie intégrante du programme de sélection, les stations charolaises ont qualifié 364 taureaux pour un recrutement de départ de 485 mâles. Le taux de vente global des sept stations charolaises était de 91 % en 2022 pour un prix moyen de 4 013 € en hausse de 10 % par rapport à 2021.
Refonte du système d’information
Parmi les gros dossiers qui mobilisent l’OS, « la modernisation des systèmes d’information menée au plan national est un chantier conséquent », confiait Guy Cassagne. Et le fait que le financement de ces outils collectifs soit désormais assuré par les seuls utilisateurs soulève des inquiétudes économiques. « Parce que c’est le support de la tenue du livre généalogique, la modernisation du système d’information local implique de forts enjeux pour la race. OS et HBC se préparent donc à refondre complètement leur système d’information d’ici à deux ans ».
Typage des mâles de monte naturelle
Autre dossier d’importance pour l’OS, le projet de typage des mâles de monte naturelle lancé à l’échelle de Races de France. Ce programme ambitieux permettrait notamment de « gérer les anomalies génétiques », présentait le président, Hugues Pichard qui évoquait le chiffre de 80 millions d’euros que coûtent à la filière ces maladies génétiques.
L’œil constamment rivé sur l’avenir de la race, l’OS est impliqué dans plusieurs dossiers de recherche et développement. Parmi les thèmes de ces travaux, une nouvelle méthode d’indexation attendue pour 2024-2025, mais aussi des programmes de collecte de données et génotypages promettant de nouveaux critères de sélection… « Précobeef » pourrait permettre de « détecter des souches qui déposent le gras plus vite (persillé) », explique Hugues Pichard. L’OS est également investi dans « Méthane 2030 » destiné à repérer les animaux qui émettraient moins de gaz à effet de serre que les autres… Sans nier la réalité des émissions générées par les ruminants, l’OS entend y apporter une réponse à travers la sélection et l’alimentation, poursuivait le président.
« Les fils ne suivent pas leurs pères… »
Enfin, Charolais France poursuit sa mission de communication, tant auprès des professionnels que du grand public que ce soit au Salon de l’agriculture, au Sommet de l’Élevage ou au Festival du Bœuf… Face à la baisse d’effectif, il faut savoir évoluer car « les fils ne suivent pas leurs pères », concluait Hugues Pichard. D’où la volonté de « simplifier dans le recueil des données ». Le président redisait aussi sa volonté d’ouverture. Il rappelait le choix effectué il y a deux ans d’ouvrir le livre généalogique pour en faciliter l’accès. Ces évolutions permettent aux nouveaux adhérents d’accéder rapidement à des outils raciaux comme les concours et les stations, remémore-t-il, afin que « la charolaise retrouve son leadership », estime Hugues Pichard, qui regrette encore que « notre erreur ait été de se diviser ». Car seul le collectif permet « de porter tous ces projets ».
Marc Labille