Convention annuelle
« L'irrigation n'est pas un non-sens environnemental »

La nouvelle convention entre le conseil départemental et la chambre d’agriculture de la Drôme a été signée le 7 juillet à Crest, à l'EARL Martin. À cette occasion, l'accent a particulièrement été mis sur l'irrigation.

« L'irrigation n'est pas un non-sens environnemental »
À Crest, Marie-Pierre Mouton et Jean-Pierre Royannez ont signé la convention entre le Département et la chambre d’agriculture pour 2023, en présence d'agriculteurs, de représentants de la chambre d'agriculture et d'élus locaux. ©AD26-CL

Afin d'accompagner la chambre d'agriculture de la Drôme dans le développement de l’agriculture biologique (documents techniques, rencontres dans les exploitations) et la restauration hors domicile (dans le cadre du Club drômois de l’alimentation) ainsi que pour mieux gérer l'eau (financement d'un conseiller en efficience de l'irrigation et économie d'eau), le conseil départemental lui a renouvelé son soutien par le biais d'une convention annuelle à hauteur de 246 500 euros pour 2023. Une somme identique aux trois précédentes années et qui s'ajoute à d'autres soutiens comme ceux destinés aux fermes expérimentales, au développement de filières ou encore au salon Tech&Bio organisé les 20 et 21 septembre à Bourg-lès-Valence. La signature de cette convention s'est faite le 7 juillet à Crest, à l'EARL Martin fruits et légumes, sur un secteur, Crest-Sud, où l'enjeu de l'irrigation est particulièrement prégnant.

Impacté par les coupures d'eau

« Nous avons réussi à nous développer grâce à l'eau », a confié Raymond Martin, co-exploitant avec son fils Rémy. ©AD26-CL

« En 2003, alors que nous étions producteurs de sapins, nous avons subi un arrêt de l'irrigation, ce qui a entraîné de grosses difficultés financières », a expliqué Raymond Martin, aujourd'hui co-exploitant avec son épouse Nathalie (conjointe d'exploitant) et leur fils, Rémy. L’exploitation a alors pris un tournant en se lançant, en 2005, dans la production de melons puis de tomates et d'autres fruits et légumes. Aujourd'hui, l'EARL s'étend sur six hectares, dont 3 000 m² de tunnels froids, et vend ses productions exclusivement aux particuliers (sur son magasin et sur le marché de Crest) et restaurateurs locaux. « Nous avons réussi à nous développer grâce à l'eau », a confié Raymond Martin. Ce qu'a confirmé son fils Rémy, installé depuis dix ans : « On a su s'adapter par des choix variétaux, en modifiant des dates de semis et de plantation… Mais en 2022, on a quand même payé les effets des coupures d'eau sur nos cultures implantées pendant l'été. »

Un groupe d'irrigants accompagné

Milancha Babity, conseiller chambre d'agriculture en efficience de l'irrigation et économie d'eau, accompagne un groupe de neuf irrigants supervisé par Ludwig Blanc, agriculteur à Chabrillan. ©AD26-CL

Dans un secteur où la diversité agricole est forte, « sécuriser les exploitations agricoles sur l'eau est essentiel, a souligné Ludwig Blanc, agriculteur à Chabrillan et référent d'un groupe informel d'irrigants créé en 2022 sur le secteur de Crest-Sud. L'irrigation, ce n'est pas un non-sens environnemental. » Neuf irrigants sont ainsi accompagnés par Milancha Babity, conseiller chambre d'agriculture en efficience de l'irrigation et économie d'eau. « Mon rôle est d'apporter des solutions techniques et technologiques pour optimiser l'irrigation, a-t-il expliqué. Des expérimentations sont menées sur quelques parcelles avec, dans un premier temps, deux outils très différents mais complémentaires : des sondes tensiométriques et des sondes capacitives. Un autre essai porte sur un modèle de bilan hydrique. « On peut faire de vraies économies d'eau avec ces outils, a ajouté Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture de la Drôme. Les résultats de cette expérimentation auront vocation à servir ensuite d'autres territoires, comme le Nord-Drôme. »

Sur le long terme, il n'en demeure pas moins que la sécurisation des exploitations agricoles passe par du stockage d'eau. « Nous serions fiers de voir aboutir sur Crest-Sud un projet tel que la réserve de Juanon (700 000 m³ - NDLR) construite sur Crest-Nord », a déclaré Bertrand Chareyron, responsable environnement et développement durable à la chambre d'agriculture.

Des freins au stockage de l'eau

« Sur le syndicat mixte de la rivière Drôme, on a réussi à trouver des solutions », a fait remarquer Daniel Gilles, conseiller départemental de Crest. « Beaucoup de projets n'ont pas vu le jour car certaines agences gouvernementales freinent sur le stockage de l'eau, regrette Serge Bon, agriculteur à Divajeu. Stocker un million de mètres cubes représente seulement deux heures et quart d'une journée de crue de la rivière Drôme. » Jean-Pierre Royannez dénonce les discours prônant « une seule agriculture vivrière. Si aujourd'hui nous avons une agriculture diversifiée, c'est bien grâce à l'eau. Cela a permis d'aller chercher de la valeur ajoutée sur des surfaces d'exploitation moyennes faibles. Aujourd'hui, cela donne les meilleurs taux d'installation. Et grâce à l'irrigation sous pression, et non gravitaire, des économies d'eau sont faites. Il faut arrêter de faire rêver : sans eau, il est impossible de cultiver. » Pour Marie-Pierre Mouton, présidente du conseil départemental de la Drôme, « la gestion de l'eau est un sujet au long cours à prendre à bras le corps ». Agnès Jaubert, conseillère départementale déléguée à la ruralité et aux politiques agricoles et alimentaires, s'est réjouie de voir « un groupe d'irrigants volontaires travailler efficacement ».

Christophe Ledoux