Viticulture
La flavescence dorée, un fléau qui s’étend

En 2022, la flavescence dorée poursuit sa propagation en région Auvergne-Rhône-Alpes. Dans la Drôme, la situation fluctue selon les secteurs.

La flavescence dorée, un fléau qui s’étend
La flavescence dorée fait l’objet d’une lutte obligatoire du fait de sa vitesse de propagation ainsi que de la gravité des dégâts qu’elle occasionne, à savoir le dépérissement des ceps. © Fredon

Maladie de la vigne due à un phytoplasme, la flavescence dorée touche les vignobles français depuis les années 1950. Elle fait l’objet d’une lutte obligatoire du fait de sa vitesse de propagation ainsi que de la gravité des dégâts qu’elle occasionne, à savoir le dépérissement des ceps.
Chaque année, la Fredon Auvergne-Rhône-Alpes réalise un bilan de l’année précédente, faisant écho de l’ampleur de la propagation. En 2022, « les conditions climatiques du millésime ont entraîné d’importantes disparités dans l’expression des symptômes de jaunisses (…). Néanmoins, la plupart des secteurs de la région (Ain, Ardèche, Drôme, Isère, Rhône et Savoie - ndlr) sont touchés par une hausse des contaminations. En 2022, plus de 7 700 prélèvements pour analyses ont été réalisés avec une augmentation de 35 % de la surface flavescente par rapport à 2021 », évoque le bilan. Au total, sept hectares de vignes ont dû être totalement arrachés en région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), la contamination par la flavescence dorée étant trop forte.
Dans la Drôme, les bassins viticoles du Diois et du Sud-Drôme présentent des caractéristiques bien différentes. Dans le secteur du Diois, par exemple, la surveillance conjointement réalisée entre la Fredon 26, le syndicat de la Clairette et les viticulteurs entre le 30 août et le 30 septembre 2022 a permis de détecter cinq communes contaminées par la flavescence dorée : Aurel, Barsac, Vercheny, Pontaix et Menglon. Sur une prospection de 1 105 ha, 1 563 ceps symptomatiques ont été observés. La flavescence dorée a impacté 102 ceps (45 parcelles), soit 27 % de plus qu’en 2021.

Des pratiques à améliorer

« Le bilan est semblable aux années précédentes, avec un taux de contamination assez faible malgré une petite augmentation. Cela s’explique notamment par le fait que les cépages cultivés dans ce secteur sont peu sensibles à la maladie. De plus, les viticulteurs sont très bien mobilisés et respectent les mesures de lutte », prévient Cosme Maubé, coordinateur technique vigne à la Fredon Aura.
La flavescence dorée est plus largement présente sur le secteur du Sud-Drôme. Durant la prospection du 1er août au 12 octobre 2022, 10 456 ceps symptomatiques ont été observés pour 6 696 ceps contaminés (sur 317 parcelles). Selon le bilan réalisé par la Fredon, trois communes indemnes de la maladie en 2021 sont désormais contaminées : Châteauneuf-du-Rhône, Saint-Paul-Trois-Châteaux et Montségur-sur-Lauzon. À contrario, Bouchet et Rochegude étaient contaminées en 2021 et sont indemnes en 2022. Dans ce secteur, la situation est plus contrastée. Historiquement, la maladie s’est étendue de l’est à l’ouest. « Désormais, nous constatons moins de présence de flavescence dorée dans les Baronnies et davantage dans le nord-ouest du secteur, proche vallée du Rhône », poursuit Cosme Maubé. Il ajoute : « Globalement, les mesures de lutte peuvent être améliorées sur les communes où l’on constate une augmentation des contaminations. La surveillance collective est bien assurée par les viticulteurs mais les résultats de contrôles d’arrachage et de population de cicadelles ne sont pas satisfaisants. Les pratiques sont à améliorer, notamment en termes de traitement insecticide afin de maîtriser le vecteur et d’arrachage des ceps contaminés. »

Les prospections réalisées notamment par les techniciens de la Fredon sont indispensables pour contrôler et limiter la propagation de la maladie. © Fredon

Une lutte collective

Face à ce fléau dont la maîtrise s’avère difficile, Cosme Maubé encourage les initiatives de lutte collective. Pour limiter la diffusion de la maladie, il appelle les viticulteurs à être mobilisés lors des périodes de prospection encadrée afin de détecter au mieux la présence des foyers de contamination. Par ailleurs, il rappelle l’importance de la lutte insecticide pour éviter la propagation de la contamination des ceps, mais aussi des arrachages des ceps contaminés durant l’hiver (avant le 31 mars, ndlr). « J’encourage aussi les viticulteurs à se rapprocher de la Fredon 26 pour toute question relative à la lutte contre la flavescence dorée (demande d’informations, dates de traitement insecticide, dates d’arrachage, signalement de maladie...) », conclut Cosme Maubé.
Amandine Priolet

 

Les chiffres clés* en  Auvergne-Rhône-Alpes

Surface prospectée : 26 415 ha 
Nombre de ceps 
symptomatiques : 71 506 
Nombre de ceps 
contaminés : 48 721 
Nombre de parcelles contaminées : 3 265 
Surfaces contaminées : 2 071 ha 

*source : Fredon Aura

À l’origine, une cicadelle  venue d’Amérique du Nord
©ephytia.inra.fr

À l’origine, une cicadelle  venue d’Amérique du Nord

Pour comprendre l’étendue de la maladie de la flavescence dorée, retour dans les années 1950. Si le vecteur est une cicadelle importée d’Amérique du Nord à la période du phylloxera, le phytoplasme (bactérie) lui, est bien européen. « La bactérie se développe dans l’aulne et la clématite. Avant le XXe siècle, les cicadelles n’allaient pas vraiment sur les vignes, a expliqué Sylvie Malembic, ingénieure de recherche à l’Inrae Bordeaux, lors d’une conférence organisée le 15 mars au lycée Bel Air de Belleville-en-Beaujolais. Quand elle a été introduite, elle s’est avérée capable d’acquérir et de transmettre le phytoplasme. » Le petit insecte s’alimente et absorbe les bactéries. La cicadelle devient infectieuse au bout de quatre à cinq semaines et toute sa vie durant. L’introduction de la flavescence dorée vient donc de la cicadelle infestée qui transmet la maladie de vigne en vigne. Aujourd’hui, 44 % du vignoble français est contaminé. L’insecte se reproduit une fois par an. « Les œufs sont pondus sous l’écorce, l’éclosion des larves arrive en mai et quatre semaines après, elles sont infectieuses. La difficulté s’accentue car les pieds de vigne expriment les symptômes seulement l’année suivante, et en fin de saison le plus souvent », a expliqué l’ingénieure.
À l’échelle de la parcelle, plusieurs travaux étudient le déplacement de la cicadelle. Avec des pièges et traceurs, les distances sont évaluées. « La première année, elles se déplacent de 160 m dans les parcelles, la deuxième année de 230 m et les études montrent que la cicadelle peut aller jusqu’à 300 m », a alerté Sylvie Malembic. À plus grande distance, le phytoplasme se propage par les bois de vigne, d’où l’importance du traitement à l’eau chaude. Les courants aériens jouent également un rôle car « on constate un déplacement du sud de la Drôme au nord du Vaucluse », précise l’ingénieure de recherche. De plus, avec le matériel partagé, des larves peuvent être transportées, « il faut donc bien penser à éliminer les rameaux et les feuilles sur les engins », a prévenu Sylvie Malembic. 

En bio, un seul insecticide autorisé 

Référent viticulture biologique à l’IFV, Nicolas Constant a partagé les résultats d’expérimentations, lors d’une conférence organisée le 15 mars au lycée Bel Air de Belleville-en-Beaujolais. « En bio, un seul insecticide est autorisé, le Pyrévert. On constate une grande variabilité d’efficacité. » Au terme des expérimentations, plusieurs conclusions sont ressorties. Appliquer le Pyrévert le soir car étant photosensible son efficacité est limitée s’il est appliqué en pleine journée. Avec des résultats variables concernant l’efficacité de la pulvérisation, « il faut absolument bien régler son matériel », a prévenu le référent. De plus, l’épamprage est une étape essentielle, « on a entre 50 et 60 % de la population de larves sur les pampres, il est nécessaire de faire de l’épamprage quelques jours avant le traitement ». Dans le Languedoc-Roussillon, la flavescence dorée a installé ses premiers foyers dans les années 1990. « Pendant vingt ans, nous n’avions plus de flavescence mais elle a tendance à réapparaître dans les mêmes foyers », a observé Nicolas Constant. Il a insisté sur l’importance des traitements et la mobilisation des acteurs. « Avec trois traitements obligatoires en moyenne, on réduit le nombre selon l’impact de la cicadelle sur les communes », a-t-il conclu.