Colère agricole
FNSEA et JA à François Bayrou : « Passer aux actes »
Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, et Pierrick Horel, président de Jeunes Agriculteurs, ont été reçus, en deux temps, le 13 janvier à l’Hôtel de Matignon pour s’entretenir avec le Premier ministre, François Bayrou. Les deux leaders syndicaux ont affiché leur volonté d’avancer sur les dossiers aujourd’hui en suspens.
Sur le perron de l’Hôtel de Matignon, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, a clairement affiché la couleur, comme pour mieux faire comprendre au chef du Gouvernement qu’il est bien prévenu et qu’il doit agir : « Nous avons rappelé au Premier ministre, qui est bon connaisseur du sujet, que nous avons besoin qu’il s’engage (…) Il nous a fait savoir qu’il voulait franchir ce mur agricole et d’apporter les solutions que nous attendons ».
Notamment accompagné par Eric Thirouin, président de l’Association générale des producteurs de blé, et de Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine (FNB), Arnaud Rousseau a indiqué qu’avec Jeunes Agriculteurs, la FNSEA « n’entendait pas abandonner les choses très concrètes » que les deux syndicats ont présentées.
Parmi les nombreux dossiers évoqués au cours de cet entretien qui a commencé à 8h30 pour se terminer presque une heure et demie plus tard, figurent le calendrier pour les textes qui attendent depuis un an d’être examinés par la représentation nationale, au premier titre desquels le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, celui sur la simplification.
Dans une interview au Journal du Dimanche*, Arnaud Rousseau a noté la volonté de la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard « de reprendre à son compte les demandes que nous portons avec les Jeunes Agriculteurs (JA) et (…) de voir ces mesures mises en œuvre avant le Salon de l’agriculture (…) on s’en réjouit », a-t-il dit. Parmi les autres demandes, figurent celle du vote d’un budget agricole d’environ 400 à 450 millions d'euros incluant des mesures fiscales, et des mesures d'urgence (75 millions d’euros notamment) pour faire face aux crises sanitaires (FCO, MHE, etc.). Ces mesures prévoient la mise en place de prêts à taux bonifiés, garantis par l’État, pour soulager des trésoreries mises à mal par les intempéries ou les épizooties. Figure aussi tout le volet « simplification » sur la directive nitrate, le stockage de l’eau, les produits phytosanitaires…
« Course contre la montre »
Sans lancer d’ultimatum, sans doute pour ne pas ajouter de la tension à une situation politique et budgétaire déjà chaotique et parce que « les agriculteurs ont besoin de stabilité » comme tout autre secteur économique, la FNSEA et JA attendent le vote du budget prévu pour la mi-février. Pour la FNSEA, « la course contre la montre est engagée », a indiqué Arnaud Rousseau qui a dit que « ce n’était pas une prise de contact mais clairement un rendez-vous de travail, avec une exigence de résultat (…) Nous, on assume de demander des choses qui coûtent ». Depuis plus d’un an, les deux syndicats attendent que les promesses formulées au plus haut niveau de l’État soient enfin honorées. En effet, le 22 janvier 2024, la FNSEA et JA s’étaient retrouvés à évoquer les mêmes sujets devant un Gabriel Attal tout juste nommé à Matignon. Mais une dissolution et une motion de censure ont totalement rebattu les cartes politiques et économiques.
Les Jeunes Agriculteurs (JA), reçus à la suite de la FNSEA, ont trouvé « un Premier ministre à l'écoute ». « Maintenant place aux actes, nous reprenons rendez-vous au Salon de l'agriculture », a lancé son président Pierrick Horel à la sortie. « Il faudra qu’il vienne avec des résultats concrets », a pour sa part averti Arnaud Rousseau. Les deux présidents syndicaux se sont retrouvés quelques heures plus tard sur le plateau de La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale (LCP) pour un débat avec leurs concurrents de la Coordination rurale et de la Confédération paysanne dans le cadre des élections chambres d’agriculture.
(*) Journal du Dimanche – édition du 12 janvier 2025.
Christophe Soulard
https://x.com/i/status/1878795270575845646
L’international aussi en débat
Au cours de leur rencontre avec François Bayrou , FNSEA et JA ont évoqué les sujets internationaux, en particulier l’accord européen avec le Mercosur signé le 6 décembre dernier par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Les deux syndicats ont réitéré leur demande que la France ne ratifie pas cet accord de libre-échange, en l’état. L’aide à l’agriculture ukrainienne par l’absence de barrières douanières ainsi que les tensions avec la Chine sur les dossiers voitures électriques/spiritueux européens ont été abordés. « Il se pourrait aussi que demain, il faille ajouter les États-Unis », a indiqué Arnaud Rousseau qui se rappelle le sort réservé aux agriculteurs européens sous la première présidence Trump. L’investiture pour le second mandat de ce dernier a lieu le 20 janvier. « Il faut modifier cette vision d’une ‘‘Europe’’ passoire et faire en sorte que cette Europe nous protège », a-t-il conclu.