Marketing
«C’est qui le patron ?!» : une démarche remplie d’espoir et de sens

Quatre ans après la création de « C’est qui le patron ?! », son fondateur, Nicolas Chabanne, revient sur l’évolution de la marque du consommateur en France et son développement à l’international. 

«C’est qui le patron ?!» : une démarche remplie d’espoir et de sens
Nicolas Chabanne, fondateur de la marque « C’est qui le patron ?! » en France. ©C’est qui le patron?!

Comment se poursuit le développement de la marque « C’est qui le patron ?! » en France ?
Nicolas Chabanne : « Depuis la création de la marque en France, ce qu’il se passe est assez inédit. Les bonnes nouvelles s’enchaînent, il y a encore deux mois, nous tenions le record des ventes de lait en grande distribution. Aujourd’hui, nous en sommes à 175,9 millions de litres distribués. Ce qui est encore plus incroyable, c’est que tout ce que nous faisons depuis le début, c’est simplement répondre à la demande des consommateurs. Une démarche unique qui fait la force de “C’est qui le patron ?! ”. Nous faisons “zéro” campagne de pub, avons “zéro” commercial, encore moins d’actionnaires et de dividendes redistribués et ça marche ! On a fait naturellement ce qui nous semblait bon et, aujourd’hui encore, nous sommes spectateurs du dynamisme de la marque à laquelle plus de 16 millions d’acheteurs adhèrent.  Dans le même état d’esprit que toutes nos références, notre première application est issue de la co-construction.  Elle a vocation à évoluer au fil du temps et à filtrer les produits selon les valeurs de chaque consommateur, tout en donnant des indications précieuses sur la politique RSE* des fabricants. L’acheteur a donc toutes les informations nécessaires pour mieux comprendre les conséquences de son acte d’achat. »

Comment ces quatre premières années se sont-elles passées ? Quels défis avez-vous relevés ?
N.C. : « On a beaucoup travaillé, rien ne s’est fait tout seul. Il y a tout de suite eu une bonne étoile au-dessus de nous. Cette vague positive, qui nous a rapidement envahis, dure normalement quelques mois pour n’importe quel projet ambitieux. Chez nous, elle continue son ascension. Nous n’avons que des appels entrants, des personnes qui nous tendent la main. Cela peut paraître bizarre mais nous n’avons pas dû faire face à des difficultés particulières. C’est assez extraordinaire ! Ce qui est important de comprendre, c’est que cette marque n’est pas portée par des dirigeants d’entreprise mais par des consommateurs en demande de transparence. A chaque fois qu’un produit voit le jour, il y a toujours cette force motrice qui se met en marche. C’est une démarche remplie d’espoir et de sens. Lorsque nous nous rendons compte que ce que nous faisons a une incidence directe, parfois même sur un seul producteur, c’est une réelle victoire ! Aller voir les producteurs, leur parler, comprendre les améliorations possibles, c’est tout le sens de notre démarche. Chaque point de faiblesse nous permet d’avancer. C’est ce rendez-vous-là qui a créé le socle de toute l’histoire de “C’est qui le patron ?!”. »

La marque existe désormais dans neuf pays à l’international. Quel lien avez-vous instauré avec eux ?
N.C. : « Au départ nous n’avions aucune stratégie de développement à l’international. Les sollicitations sont rapidement arrivées, nous n’avons fait que répondre à la demande très simplement. Aujourd’hui, “ C’est qui le Patron ?!”  est présent dans neuf pays : Belgique, Allemagne, Espagne, Italie, Grèce, Grande Bretagne, Maroc et bientôt aux Etats-Unis et Pays-Bas. Le lait est un produit assez universel sur lequel beaucoup de consommateurs internationaux ont souhaité travailler. La Grèce et le Maroc ont choisi l’huile d’olive, l’Espagne commercialise déjà son lait et ses œufs, la Belgique sa farine et son lait… Nous-mêmes avons été surpris de l’ampleur qu’a pris cette marque à l’étranger. Benjamin Chartoire, qui fait partie de notre équipe, suit au quotidien tous les pays et les accompagne sur le plan technique dans la phase initiale de développement de chaque produit. Quoi qu’il arrive, le choix revient toujours aux consommateurs du pays, c’est une règle de base à partir du moment où la transparence et l’initiative collective priment. »

Comment avez-vous la certitude que le cahier des charges français de « C’est qui le patron ?! » soit bien respecté dans chaque pays où se développe la marque ?
N.C. : « Pour garantir le respect des valeurs de la marque, nous avons mis en place des contrats de licence entre nous et les pays. Ils nous permettent de garantir les règles de base souhaitées par « C’est qui le patron ?! » :  un produit transparent, créé par une communauté de consommateurs dans le respect absolu de la production collective. Dans ce cadre universel, chacun raconte et écrit sa propre histoire. C’est intéressant d’observer à quel point les résultats sont différents sur un même produit selon les pays. Les choix des consommateurs sont parfois très différents. Ce que nous constatons aussi, c’est que la démarche marche bien de partout malgré que ce soit toujours ce même “no model” qui porte la marque. On n’est pas des start-up mais une famille de consommateurs. Cette dimension de la décision collective est inarrêtable. Grâce à cette nouvelle aventure, je me suis rendu compte à quel point le partage de la valeur est l’avenir de l’économie. » 
Propos recueillis par Alison Pelotier
* RSE : responsabilité sociétale des entreprises.

“ C’est qui le patron ?! ” s’exporte en Italie

Depuis le 25 juin, les consommateurs italiens peuvent acheter les pâtes « Chi è il padrone ? « La marca del consumatore », une marque largement inspirée de la version française « C’est qui le patron ?! ». Enzo di Rosa, fondateur de la marque « Chi è il padrone ? » en Italie, s’est inspiré de la marque française « C’est qui le patron ? » pour valoriser les produits de base italiens, à commencer par les pâtes. « La marque française a été lancée suite à la crise du lait. Ici, nous avons voulu répondre à la crise du blé », explique-t-il. Selon la réglementation européenne, un produit composé pour moitié de blé italien peut être estampillé « produit en Italie », le reste étant du blé importé. Face à l’importation, les produits italiens ont des difficultés à rester compétitifs, ce qui a pour résultat des conséquences économiques pour les agriculteurs. 

La garantie d’un blé 100 % italien

Pour répondre à ces enjeux, les 3 500 consommateurs qui ont répondu au questionnaire de la marque ont tranché : les pâtes « Chi è il padrone ? » seront composées de 100 % de blé italien issu d’une filière de qualité et contrôlée CSQA (certifications alimentaires, des normes pour l’hygiène et la sécurité, ndlr). Parmi les autres critères, 71,4 % des consommateurs ont voté pour un produit issu d’une agriculture soutenable contre 14,6 % pour une agriculture biologique et 14 % pour une agriculture conventionnelle. Outre la composition du produit, c’est aussi la rémunération du producteur, au « juste prix » qui est prise en compte : ce dernier sera rémunéré 400 € la tonne. C’est un prix minimum garanti pendant trois ans, « 25 % supérieur au prix du marché qui est entre 280 et 300 € la tonne », explique Enzo di Rosa. Concrètement, sur le produit final coûtant 1,07 €, 0,31 € est reversé au producteur, 0,65 € va à la transformation, la distribution et le transport et 0,05 € va à la marque « Chi è il padrone ? ! ». Pour arriver à un tel résultat, deux longues années de recherche ont servi. « La marque a été créée en 2018. Nous avons depuis rencontré 100 producteurs et 5 industriels ». L’heureux élu sur le plan industriel est l’entreprise Sgambaro, créée en 1947. Cette dernière est la première entreprise italienne à avoir produit un blé certifié CQSA, en 2003. Outre cette preuve de qualité, Sgambaro a plus d’un tour dans son sac (de blé) : « Cette entreprise a son propre moulin. En Italie, il y a beaucoup de moulins séparés des lieux de transformation. Ils reçoivent des blés de plusieurs destinations et cela nous posait des questions de traçabilité. De plus, cela aurait rajouté du transport au produit final », explique Enzo di Rosa. Le moulin annexé à l’usine de transformation a été plébiscité par 42 % des consommateurs qui ont participé au vote.

Moins de mycotoxine DON

Sgambaro a fini par l’emporter grâce à une usine alimentée à 100 % par une énergie verte et la plantation d’arbres pour compenser ses émissions de CO2. Moins de transport, une meilleure qualité… et une meilleure santé. Les pâtes « Chi è il padrone ? ! » ont une limite pour la mycotoxine DON (déoxynivalénol, ndlr) fixée à 1 000 ppb (microgrammes/kg, ndlr) alors que le seuil européen est de 1 750 ppb pour le blé. « Les enfants qui consomment des pâtes ont plus de difficultés à éliminer cette toxine. Nous voulions pour eux des pâtes consommables sans danger. Notre objectif pour la production est de réduire la limite de mycotoxines à 200 microgrammes/kg sur les pâtes pour qu’ils puissent en consommer sans danger », confirme le fondateur. Après ce long travail sur la qualité du produit, il ne restait qu’à penser à l’emballage : un carton recyclable de couleur bleue. Si la couleur rappelle étrangement celle de la marque française, c’est avant tout le vote des consommateurs italiens qui a tranché : 50 % d’entre eux souhaitaient un emballage bleu, 26 % jaune et 23 % rouge. Et il n’y a pas qu’un seul format de pâtes mais trois : spaghetti, penne et fusilli. Après un tel travail, il a fallu trouver un distributeur et c’est sur les rayonnages de tous les Carrefour italiens que ces nouvelles pâtes attendent la venue des consommateurs.

Un produit éthique et social

Après les pâtes italiennes, « la marca del consumatore » souhaite s’attaquer au coulis de tomates. La production de ce légume-fruit « fait aussi la une des médias pour ses scandales. Il y a beaucoup de travail au noir, d’emploi de personnes en situation irrégulière. Nous voulons donc un produit éthique sur le plan social qui assure une juste rémunération aux travailleurs », confirme le fondateur. 

Virginie Montmartin