La chèvre anglo-nubienne laitière trace sa route depuis la Drôme
L’association française de la chèvre anglo-nubienne laitière (Afcal) a vu le jour fin février. Son siège est à Brette, en Drôme, mais elle réunit des éleveurs de toute la France. Rencontre avec sa présidente, Céline Brès.

Longues oreilles tombantes et nez busqué, la chèvre de race anglo-nubienne ne passe pas inaperçue, d’autant qu’elle est souvent de grand format et d’un caractère plutôt sociable. Céline Brès, éleveuse à Brette, entre Diois et Baronnies provençales, a découvert la race il y a plus de vingt ans. Depuis, la chèvre anglo-nubienne s’est imposée au sein de son troupeau. Celui-ci compte désormais 125 laitières dont une vingtaine en race pure anglo-nubienne issues de croisements d’absorption, une quarantaine de croisées, le reste en race alpine et saanen. L’exploitation élève également, pour la viande, 25 chèvres Boer.
Avec cinq autres éleveurs, Céline Brès vient de créer l’association française de la chèvre anglo-nubienne laitière (Afcal) dont elle est présidente. Ses collègues sont installés en Ardèche, Aveyron, dans le Var et les Alpes-Maritimes. « Nous nous sommes rencontrés notamment via les réseaux sociaux. Nous étions tous confrontés à la même difficulté : trouver des reproducteurs issus de lignées laitières », explique l’éleveuse.
Retrouver des lignées laitières
L’anglo-nubienne est née en Grande-Bretagne au XIXe siècle d’un croisement entre chèvres britanniques et chèvres à grandes oreilles importées des colonies. Présente aux États-Unis, Canada, Brésil ou Australie, la race est restée confidentielle en France où elle a davantage été sélectionnée sur des critères de robe pour en faire une chèvre d’ornement. « Il s’agit théoriquement d’une bonne laitière, de surcroît avec un lait très riche. Mais beaucoup de lignées ont perdu en lactation au fil des sélections sur la couleur », confie Céline Brès.
Il y a cinq ans, un noyau d’éleveurs s’est donc constitué pour rechercher collectivement ces lignées laitières. « Il en existe de très bonnes au Royaume-Uni mais le Brexit, suivi aussitôt de la crise du Covid, a compliqué l’importation d’animaux. Nous n’avons tout simplement pas eu le temps d’aller chercher des reproducteurs là-bas », résume l’éleveuse. La création de l’Afcal vise à fédérer les énergies pour faire avancer le développement de la race en France. « Nous avons sollicité Capgènes [organisme de sélection, ndlr] pour nous aider à faire inscrire l’anglo-nubienne sur la liste des races caprines reconnues au niveau national. Nous attendons leur réponse, indique la présidente. Cette reconnaissance nous permettrait de disposer d’un code spécifique à la race et donc d’avoir un vrai suivi de ses performances laitières, ce qui faciliterait la sélection des lignées. »
À noter, pour adhérer à l’Afcal, deux conditions doivent être réunies : cotiser à la MSA (exploitant à titre principal ou cotisant de solidarité) et adhérer au contrôle laitier, « au moins simplifié avec au minimum trois pesées par an, précise Céline Brès, ou s’engager à y adhérer dans l’année ».
Trouver de la semence pour les IA
La nouvelle association a également échangé avec Capgènes sur la possibilité de se fournir en semence pour les IA. « Sur le principe, ce serait possible s’il y a suffisamment d’éleveurs intéressés. Le seul bémol sera le prix si elle vient de l’étranger », avertit la présidente. L’Afcal a d’ailleurs lancé un recensement pour identifier les besoins. Sur la quarantaine d’élevages recensés pour l’instant, plus de la moitié souhaite obtenir des semences pour réaliser environ 250 IA. « Nous allons aussi essayer de nous regrouper au sein de l’association pour mutualiser les coûts d’un rapatriement de boucs et de chevrettes », poursuit-elle. Le travail ne fait que commencer et Céline Brès ne manque pas d’arguments (lire ci-dessous) pour voir se développer la race.
Sophie Sabot
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Pourquoi elle a choisi l’anglo-nubienne...

Quand, en 2000, elle achète sa première chevrette anglo-nubienne, via un éleveur que sa mère connaît au Syndicat caprin de la Drôme, Céline Brès a d’abord pour idée de « se faire plaisir ». Le physique de l’animal lui plaît et elle a eu vent de son caractère « plutôt cool ». Au fil des années et de l’achat de boucs partout en France et jusqu’en Belgique, l’anglo-nubienne va prendre une place conséquente dans son élevage. D’abord pour la richesse de son lait. Ensuite pour sa capacité à bien valoriser les ressources. « Elles mangent de tout, herbe ou broussaille, sans trier. Elles sont aussi capables de rester longtemps dressées sur leurs pattes arrières pour aller chercher à manger dans les arbres, décrit l’éleveuse. Enfin, nous avons constaté qu’elles craignent moins la chaleur que nos autres chèvres et pâturent même en période de canicule. » Céline Brès estime que les croisements avec l’alpine ou la saanen donnent « de super bêtes », qui gardent un bon niveau de production laitière avec des taux élevés. Et, cerise sur le gâteau, avec des chevreaux plus costauds et davantage de viande à valoriser.
S.S.
Les standards de la race
- Tête courte avec un nez romain (busqué, convexe) prononcé.
- Oreilles longues et pendantes, larges et ouvertes, plus longues que le nez ou largement plus longues que le nez chez les chevreaux, avec une tolérance à l'âge adulte si elles sont de la longueur du nez lorsqu’une fiche permet de tracer la généalogie.
- Absence de pampilles.
- Poil court, lisse et plat. Certains rameaux peuvent avoir une queue en panache avec un poil semi long à l'arrière du bassin ou un liseré de poils longs sur la colonne vertébrale. Possibilité de poils longs sur les pattes arrière (pour les boucs principalement).
- Couleur du pelage monochrome, bi-colore, tricolore ou polychrome.
- Corps long. Les hanches peuvent être plus hautes que le garrot sans qu'il y ait de courbure de la colonne vertébrale.
Source : Afcal
L’exploitation de Céline Brès en quelques chiffres
- Gaec de Brette Vieille, trois associés (Céline, sa mère Eliane et son frère Julien).
- 125 chèvres laitières (70 000 litres de lait livrés chez Agrial, 20 000 litres transformés).
- 25 chèvres allaitantes.
- 60 ha de surfaces fourragères et achat de céréales.
- 35 ha de lavandes (Eliane Brès est présidente du groupement de producteurs France Lavande).
- 5 ha de noyers.
- Vente à la ferme de fromages, charcuterie, huile de noix et savons au lait de chèvre (élaborés par la Savonnerie de la Drôme), en épiceries, livraisons à domicile, marchés estivaux...