FONCIER
Projets routiers : nouveaux critères d’indemnisation pour les exploitants évincés

La chambre d’agriculture de la Drôme et le conseil départemental ont signé mi-juillet un protocole d’accord relatif à l’indemnisation des préjudices subis par les exploitants agricoles et les propriétaires fonciers lors d’opérations foncières pour des réalisations d’ouvrages routiers.

Projets routiers : nouveaux critères d’indemnisation pour les exploitants évincés
Le nouveau protocole fixe les conditions d’indemnisation des préjudices subis par les exploitants agricoles et les propriétaires fonciers lors d’opérations foncières pour des réalisations d’ouvrages routiers en Drôme. ©Facebook La Drôme, le Département.

Le 12 juillet dernier, à Valence, Marie-Pierre Mouton, présidente du conseil départemental, et Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme, ont signé un protocole d’accord attendu de longue date par la profession agricole. Ce document fixe les modalités de calcul des indemnités pour réparation des préjudices causés aux propriétaires fonciers et aux exploitants agricoles lors d’acquisitions foncières nécessaires à la réalisation des ouvrages routiers du conseil départemental. Ce protocole s’applique dès à présent, notamment dans le cadre des projets de déviations de Suze-la-Rousse et Tulette. Il concerne exclusivement les biens non-bâtis à usage agricole.

Jusqu’alors, ces indemnisations étaient calculées sur la base de l’accord cadre interdépartemental* signé en 1995 pour accompagner la construction de la ligne de train à grande vitesse (TGV) Méditerranée. Presque trente ans plus tard, cet accord nécessitait un toilettage auquel se sont attelés les services de la chambre d’agriculture de la Drôme en lien avec ceux du conseil départemental.

Les modalités définies dans ce protocole, désormais 100 % drômois, permettront au conseil départemental de « s’appuyer sur des références économiques locales construites avec l’expertise de la chambre d’agriculture de la Drôme et vouées à être actualisées au fil de l’exécution du protocole » (lire ci-dessous).

Indemnité d’éviction : le préjudice calculé sur six ans 

« La grande avancée de ce protocole porte sur l’indemnité d’éviction. Celle-ci est destinée à compenser la perte de revenus subie par l’exploitant agricole pendant le temps moyen estimé nécessaire pour retrouver une situation économique comparable à celle qu’il avait avant son éviction », explique Simon Salvador, juriste à la chambre d’agriculture. En résumé, le temps nécessaire pour retrouver du foncier.

Jusqu’à présent cette indemnité était calculée en multipliant les marges brutes des cultures concernées par la durée du préjudice - estimée à trois ans dans le protocole interdépartemental de 1995 - et par les surfaces concernées. Le nouveau protocole acte le doublement de cette durée de préjudice, le portant désormais à six ans. Autre nouveauté : l’introduction d’un article qui prévoit d’indemniser l’exploitant de toute perte d’aide liée à la politique agricole commune (Pac), notamment s’il se retrouve dans l’impossibilité d’activer ses droits à paiements de base (DPB) ou si la perte du foncier concerné a des conséquences sur le respect de la conditionnalité.

Le protocole prévoit également des indemnités propres aux parcelles plantées : perte de capital végétal (vigne, verger, PPAM…), réaménagement de tournières, non-respect du cahier des charges d’une production sous signe de qualité (par exemple taux d’encépagement de certaines appellations viticoles…). Enfin, il prévoit des modalités pour chiffrer d’éventuelles indemnités de fumures et arrières fumures, des pertes de contrat ou d’aides à caractère contractuel, pour évaluer les surcharges de frais d’exploitation liés à une nouvelle configuration gênante, à l’allongement des parcours ou à la rupture d’unité d’exploitation, entre autres.

La valeur vénale, socle de l’indemnité due au propriétaire

Concernant l’indemnité due au propriétaire foncier, qu’il s’agisse de l’exploitant ou de toute personne physique ou morale exerçant un droit de propriété sur le bien concerné, elle s’appuie sur la valeur vénale du bien, déterminée par référence des données du marché immobilier. Le propriétaire peut également bénéficier d’indemnités complémentaires liées, par exemple, à la rupture d’unité de propriété ou aux améliorations qu’il avait réalisées sur le fonds (haies brise-vent, aménagements hydrauliques, équipements pastoraux…).

Les modalités définies par ce protocole du 12 juillet 2023 constituent désormais « la nouvelle référence » sur laquelle peuvent être calculées, en Drôme, les indemnités de préjudices liés à des acquisitions de foncier agricole par des maîtres d’ouvrage publics ou privés. « Il peut également servir à calculer les indemnités dues à l’exploitant en cas de résiliation de bail », précise Simon Salvador. Et de conclure : « Ce type de protocole est avant tout destiné à faciliter les accords amiables. Il n’a pas de valeur réglementaire mais, en cas de contentieux devant le juge de l’expropriation, il devrait faire foi dans la plupart des cas. »

Sophie Sabot

* Cet accord concernait les départements des Bouches-du-Rhône, de la Drôme, du Gard, de l’Hérault et du Vaucluse. Il était cosigné notamment par les directeurs des services fiscaux de chacun de ces départements ainsi que par les représentants des syndicats agricoles FDSEA et JA.
Calcul de l’indemnité d’éviction

Des références actualisées

L’annexe n°1 du protocole d’accord entre le conseil départemental et la chambre d’agriculture de la Drôme prévoit pour l’instant des références de marge brute moyenne en polyculture, vignes IGP, AOC Côtes-du-Rhône (conventionnel ou bio), AOC Côtes-du-Rhône Villages (conventionnel ou bio) et truffiers. « Cela correspond dans l’immédiat aux productions concernées par les projets de déviations de Suze-la-Rousse et Tulette », précise Simon Salvador. Les données seront enrichies à partir des références fournies par la chambre d’agriculture au fur et à mesure des besoins liés à de nouveaux projets. Toutefois, l’exploitant peut choisir d’être indemnisé sur la base de ses propres chiffres s’il justifie d’un niveau de marge brute distinct de ceux définis dans l’annexe 1.