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Nicolas Revol, un président impliqué  à la tête de l’AOP Picodon

Depuis mai dernier, Nicolas Revol assure la présidence du syndicat de défense et promotion du Picodon AOP. Éleveur à Boffres (07), il entend poursuivre les efforts menés sur le développement de cette production traditionnelle.

Nicolas Revol, un président impliqué  à la tête de l’AOP Picodon
Au Salon de l’agriculture 2023, Nicolas Revol, entouré par Paule Ballet, grand maître de la confrérie du Picodon, et Simon Bouchet, animateur du syndicat. ©AAA_NRevol

Installé depuis 2020 et déjà à la tête du syndicat de défense et de promotion du Picodon ! Élu en mai 2023, Nicolas Revol a repris l’exploitation familiale d’une cinquantaine de chèvres après le départ à la retraite de ses parents. Son parcours professionnel l’a d’abord éloigné de l’Ardèche. Après avoir travaillé dans le BTP à Clermont-Ferrand, il se lance en 2017 dans une reconversion afin de perpétuer l’héritage familial. Nicolas et sa compagne, Claudine Colonna, sont installés au Gaec de Vidal, à Boffres, où ils transforment leur production « en Picodons à 80 % », précise l’Ardéchois.

Le syndicat, une histoire de famille

Si son ascension à la tête du syndicat de défense et de promotion du Picodon est fulgurante, Nicolas Revol a baigné dans la marmite du syndicalisme depuis tout jeune. « C’est une histoire de famille, mes parents font partie du syndicat depuis sa création, on a toujours discuté de son rôle chez nous. Pendant longtemps, mon père a participé au conseil d’administration, j’y suis entré en 2021. Je me suis présenté pour en devenir président cette année, suite à la volonté du syndicat de mettre en avant les jeunes installés. » Un vent de renouveau souffle donc sur cette institution. Le syndicat existe depuis quarante ans, sa présence a permis de structurer les fermes et de protéger tout un savoir-faire lié à un patrimoine, à cheval sur deux territoires : la Drôme et l’Ardèche. En son sein, trois méthodes de production sont représentées : le collège fermier avec 65 adhérents, le collège laitier qui compte 75 adhérents, et le collège affineur et industriel. « Moins nombreux mais ils brassent beaucoup de volume », relate Nicolas Revol.
Devenir président du syndicat est une responsabilité à endosser, conditionnée à une organisation du temps de travail à la ferme bien répartie. « J’ai décidé de m’investir car j’avais la possibilité de le faire. Je travaille avec ma compagne et nous avons également un salarié sur la ferme. Mon pic de production est en hiver, donc au printemps et l’été je peux être présent pour les événements liés au syndicat. »

Défendre l’appellation

Du temps dégagé pour l’activité syndicale, avant tout motivé par l’intérêt de « défendre l’appellation, la production traditionnelle et de protéger les méthodes extensives de production. L’enjeu est d’éviter l’industrialisation et la surproduction à moindre coût. Nous avons un cahier des charges strict », poursuit Nicolas Revol. Conscient des enjeux portés par la structure depuis tout jeune, il reconnaît que la mission est avant tout liée à la défense de l’AOP. « Nous incarnons un rôle de contrôle. Si on veut confectionner du Picodon, il y a l’obligation d’adhérer au syndicat et donc, au cahier des charges. Les contrôles sont réalisés en interne, mais aussi en externe grâce à la collaboration avec d’autres AOP. Nous surveillons la présence du Picodon en Drôme-Ardèche et au-delà, en réalisant des visites en magasins pour vérifier la présentation des produits, l’étiquette, le poids. Le but de ces contrôles est de disposer d’une visibilité en Auvergne-Rhône-Alpes pour repérer les axes de développement afin que les producteurs aient un meilleur recul sur le prix de vente. » La sécurisation des revenus est essentielle pour le picodonnier. « On fait attention à ce que le Picodon soit vendu au juste prix en suivant l’inflation. Avec pédagogie, on essaye de l’expliquer à nos clients », expose-t-il.

Communiquer pour développer l’AOP

En conséquence, la promotion de l’AOP est une partie très importante du syndicat. « Les fêtes ont un rôle à jouer. » Que ce soit lors du festival de Valence en Gastronomie, au Salon international de l’agriculture, aux Fêtes du Picodon de Saoû et Dieulefit, du chemin a été parcouru depuis les débuts. Ancré dans son époque, Nicolas Revol compte bien se servir de la plateforme de visibilité qu’offre internet : « Un clip vidéo pour honorer les 40 ans du Picodon cette année va sortir sur YouTube et nos réseaux sociaux », précise le président. Cependant, la défense de cette appellation se joue également sur le terrain : malgré un marché exponentiel, le nombre de producteurs, lui, ne décolle pas. « Nous sommes, en termes de nombre de chèvres et d’adhérents, stables ces dernières années. »
Si le nombre d’adhérents stagne, il est lié aux installations. La communication est donc un pivot central dans la gestion du syndicat, selon Nicolas Revol. « Notre animateur réalise des interventions dans les lycées pour toucher les futures générations d’agriculteurs, faire connaître le Picodon et ses méthodes de production. Nous suivons les départs à la retraite pour trouver des repreneurs. Une forte partie de la population installée est néorurale », observe le picodonnier. Un public sensible à la qualité de fabrication en AOP ou bio. « La dynamique est de leur côté donc il faut se faire connaître et faciliter leur installation. » Intarissable quand il s’agit de défendre l’AOP, nul doute que le jeune éleveur de chèvres saura continuer à faire rayonner ce fromage à l’identité bien marquée.

SYNDICAT

« Rééquilibrer l’organisation »

Le producteur de Boffres souhaite également arriver à modifier l’organisation interne : « On a tendance à avoir beaucoup de fermiers au niveau du conseil d’administration, j’aimerais retrouver une certaine cohésion entre les différents collèges fermiers et laitiers, afin de rééquilibrer l’organisation ». Pour cela, Nicolas Revol projette de mettre en place une journée d’intégration pour favoriser les échanges entre les membres du conseil d’administration et les nouveaux adhérents. « L’essentiel est de faire comprendre que tout le monde peut apporter sa pierre. » À partir de 2024, le syndicat organisera une journée technique « pour aborder un sujet commun à l’ensemble des filières, comme l’énergie, afin de trouver des solutions adaptées à l’AOP. Ce sera l’occasion d’échanger sur les différentes évolutions du matériel et des méthodes de travail. » 

Plaidoyer pour des cahiers des charges plus « agiles »
©Cnaol

Plaidoyer pour des cahiers des charges plus « agiles »

À l’occasion de son assemblée générale fin septembre, le conseil national des appellations d’origine laitières (Cnaol) a présenté cinq propositions à l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) « pour améliorer le cadre formel des appellations », en passant notamment par des cahiers des charges plus « agiles ». Ces pistes de réflexion visent notamment à s’adapter au changement climatique. Exemple avec la première proposition : intégrer des « plages de valeurs cibles dans les cahiers des charges pour permettre l’ajustement des objectifs en fonction des conditions climatiques ». Cette mesure pourrait, entre autres, s’appliquer au nombre de jours de pâturage : au lieu d’un seuil minimal, la durée varierait entre deux bornes. « Cela pourrait permettre d’éviter d’avoir recours à des modifications temporaires de cahiers des charges », explique le président du Cnaol, Hubert Dubien. Le Cnaol veut également pouvoir tester des innovations, comme des fourrages plus résistants. Autre idée : intégrer des « mesures systémiques permettant de qualifier la durabilité ». Cette notion est en cours de définition dans le cadre de la réforme du règlement européen sur les indications géographiques. Le Cnaol plaide aussi pour une reconnaissance des « conventions-chartes » établies avec des tiers. Enfin, il demande à l’Inao de travailler sur « la fluidité et la dématérialisation des contrôles ».