VISITE
À la chèvrerie du Bard, les élèves découvrent l’élevage et la transformation
Début décembre à Saint-Martin-en-Vercors, les élèves de CP, CE1 et CE2 du regroupement pédagogique Saint-Julien-Saint-Martin ont fait connaissance avec Éléna Gaillard et Jonathan Jullien, éleveurs à la chèvrerie du Bard.
« Enfant, je n’ai jamais visité de ferme avec l’école, donc je ne m’étais jamais posé la question : est-ce que je veux faire un métier agricole ? », confie Jonathan Jullien, qui sera bientôt installé en Gaec avec sa compagne Éléna Gaillard. Difficile en effet d’éveiller des vocations si on ne va pas à la rencontre du métier. Une annonce en ce sens a d'ailleurs été faite le 15 décembre dernier par le ministre de l'Agriculture dans le cadre du pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture. À partir de la rentrée scolaire 2024, chaque enfant scolarisé dans une école élémentaire bénéficiera d’au moins une action de découverte de l’activité agricole.
« J’ai compris que je pouvais devenir éleveuse »
À Saint-Martin-en-Vercors en tout cas, on n’a pas attendu le pacte. La découverte de la chèvrerie du Bard a été initiée par les délégués cantonaux de la MSA. Objectif : faire découvrir aux enfants ce qui se cache derrière leur alimentation et plus particulièrement, lors de cette visite d’exploitation, ce qui se cache derrière un fromage de chèvre. C’est Éléna Gaillard qui a ouvert le bal des découvertes. La jeune femme a monté de toute pièce son élevage caprin il y a quatre ans après avoir racheté le bâtiment d’un couple d’éleveurs de brebis laitières qui changeait de région. « Je suis originaire du Vercors. Des deux côtés, mes grands-parents étaient agriculteurs. J’ai d’abord obtenu un bac STAV puis je me suis dirigée vers une classe préparatoire “biotechnologies” pour tenter le concours commun agro-véto. Mais finalement j’ai arrêté et j’ai fait du woofing dans une chèvrerie. C’est là que j’ai compris que je pouvais devenir éleveuse », explique la jeune femme. Après un BTS Acse* en alternance, elle travaille trois ans comme salariée sur une ferme avant de monter sa propre exploitation, conduite en agriculture biologique. Devant les élèves, particulièrement intéressés par cette visite, elle a pu expliquer l’alimentation des chèvres, ce qu’est la rumination, la durée de la lactation, à quoi servent les boucles aux oreilles ou les bagues au pied ou encore quel est le rôle de chaque chien sur la ferme, de la conduite à la protection du troupeau.
Des formations avec le syndicat caprin de la Drôme
Puis, les élèves ont pris la direction de la fromagerie, accueillis par Jonathan Jullien. Au programme : dégustation du lait de la traite du matin et découverte des secrets de fabrication du fromage. Jonathan est pour l’instant conjoint collaborateur sur l’exploitation. Son installation en Gaec avec Éléna est prévue pour 2024. Ingénieur en bureau d’étude, il a amorcé une reconversion agricole en obtenant son BPREA par validation des acquis et de l’expérience et en suivant plusieurs formations en transformation fromagère, notamment avec le syndicat caprin de la Drôme. Après un stage chez Pascal Huet, éleveur fromager à Solaure-en-Diois, Jonathan a rénové l’ancienne fromagerie du bâtiment racheté par Éléna et s'est lancé dans la fabrication en 2022. Sa gamme compte un petit chèvre rond lactique, une pâte pressée type tomme de Savoie, un fromage type camembert, un fromage type raclette en période hivernale sans oublier des yaourts, nature et vanille. La première année, il a transformé environ 20 000 litres de lait. Un volume équivalent a par ailleurs été collecté par Eurial. L’objectif à terme est de transformer la totalité des volumes produits.
Du temps et de la préparation
Le troupeau compte 83 chèvres mais la production est en légère baisse cette année. Une question d’alimentation. « Nous avons eu une récolte de fourrage** abondante et n’avons pas acheté de luzerne car la grange était déjà remplie de notre foin », commente Éléna. Moins de lait donc mais au final des dépenses alimentaires réduites et une production qui devrait être mieux valorisée par la transformation.
D’ici 2025, le couple d’éleveurs espère pouvoir construire un hangar pour stocker davantage de fourrage, la paille et le matériel. Et disposer d’un peu plus de place pour accueillir des groupes d’enfants. Jonathan Jullien reconnaît toutefois que ce type d’accueil nécessite du temps, de la préparation et que, sur une ferme comme la chèvrerie du Bard, il est difficile d’imaginer accueillir plus d’un à deux groupes par an. C’est donc toute la profession agricole qui devra mettre la main à la pâte dans les prochaines années pour proposer, comme voulu par le ministre, au moins une action de découverte de l’activité agricole aux plus de quatre millions d’élèves français scolarisés en élémentaire (du CP au CM2).