Renouvellement des générations
Des jeunes agriculteurs appelés à témoigner dans une série
Réalisatrice et créatrice de contenus, Margaux Magis prépare une série documentaire sur la transmission des fermes et le futur de l'agriculture. Elle recherche des jeunes agriculteurs prêts à témoigner partout en France, et pourquoi pas en Drôme.
Quel est votre parcours ?
Margaux Magis : « Mon parcours est un peu atypique. Après des études en sciences politiques à Lille, je suis partie travailler sur des tournages, d'abord en tant qu'assistante caméra, puis comme chef opératrice. J'avais toujours été attirée par le cinéma et j'ai donc appris en autodidacte à filmer, à faire un documentaire. J'ai fini par quitter le monde du cinéma pour réaliser des vidéos plutôt à destination des réseaux sociaux. C'est une autre manière de raconter des histoires, dans des formats plus courts. Je travaille notamment comme créatrice de contenus pour différentes structures. »
Pourquoi avoir choisi le thème du renouvellement des générations en agriculture pour votre prochaine série documentaire ?
M. M. : « Pour moi, le thème de l'agriculture est central pour savoir un peu comment on construit le monde de demain. Lors de la mobilisation des agriculteurs, fin janvier, je suis allée discuter avec eux en me rendant sur des barrages, en Île-de-France et près de Nantes. Au cours de ces rencontres, des papas agriculteurs m'ont confié qu'ils n'avaient pas envie que leurs enfants reprennent l'exploitation, parce que le métier est trop dur. Cela m'a pas mal marqué car l'agriculture est souvent considérée comme un métier de transmission. Je me suis donc interrogée sur le sens de ces paroles : pourquoi ces agriculteurs n'ont plus envie de transmettre, qu'est-ce que cela raconte… En parallèle, j'avais en tête que la moitié des agriculteurs vont partir à la retraite d'ici 2030. Je me suis donc dit qu'il fallait en parler et s'interroger sur qui seront les agriculteurs de demain en racontant plusieurs histoires de transmission. »
Sur les barrages routiers, vous avez aussi questionné des jeunes ?
M. M. : « Oui. À côté de son père, l'un d'eux m'a dit : “Moi j'ai envie d'y aller, j'ai ça dans le sang, pour moi c'est hyper-important de faire ce métier”. La plupart des jeunes porteurs de projet que j'ai rencontrés, qu'ils soient avec des parents agriculteurs ou hors cadre familial, m'ont fait part de leur passion pour ce métier. J'ai donc envie de raconter ça. Tous les choix que vont faire ces jeunes vont dessiner l'agriculture de demain. »
Comment se prépare et se construit un tel projet ?
M. M. : « Mon projet a évolué depuis six mois. Désormais, il consiste à suivre cinq jeunes agriculteurs pendant un an, des jeunes qui ont choisi de mettre en œuvre une ou des solutions, sous un angle positif. À travers eux, je souhaite apporter de la nuance dans tout ce qui se dit autour de l'agriculture, présenter différentes réalités et manières d'envisager le travail, de résoudre les problématiques (eau, qualité des sols, revenu…). »
Cinq profils, est-ce suffisant pour décrire une réalité ?
M. M. : « Je suis consciente que choisir cinq profils ne peut pas représenter toute la diversité du monde agricole. Le plus dur est donc de chercher et trouver ces cinq personnes. Lors des mobilisations agricoles de janvier, j'ai posté une vidéo d'appel aux porteurs de projets sur les réseaux sociaux et une trentaine de personnes m'ont contactée spontanément. J'ai également pris beaucoup de contacts au Salon de l'agriculture, dans les points accueil installation (PAI) des chambres d'agriculture, chez les Jeunes agriculteurs ainsi que dans d'autres organismes (Eloi, Terres de liens…) qui accompagnent les personnes qui s'installent. »
Où en êtes-vous aujourd'hui ?
M. M. : « J'ai présélectionné une dizaine de profils. À distance, ils m'ont raconté leur histoire et seraient d'accord pour que je les suive. Cet été, je vais les voir afin de faire connaissance plus amplement et bien leur expliquer ce qu'implique la présence d'une caméra chez eux tous les deux ou trois mois sur environ une année. »
Parmi ces présélectionnés, y a-t-il un Drômois ou des Rhônalpins ?
M. M. : « Pas pour l'instant. Je dois voir une jeune dans les Hautes-Alpes, un autre dans le Vaucluse. Mais ma recherche de profils se poursuit et des Drômois peuvent me contacter. Je n'ai pas encore bloqué ma liste car il me manque un profil d'installation en collectif avec portage foncier. Mais je ne suis pas fermée à d'autres propositions, notamment sur des jeunes qui se tournent vers l'agriculture de précision. »
Avez-vous prévu de suivre des cédants ?
M. M. : « Pas directement. Mais à travers les portraits de jeunes, des cédants seront présents car leur expérience est aussi très intéressante. »
Quand pensez-vous démarrer les tournages ?
M. M. : « Tout va dépendre des profils. J'espère démarrer les premiers tournages en septembre et les derniers en décembre ou janvier prochains. L'ensemble des tournages se terminerait fin 2025, début 2026. Ce n'est qu'à partir de là que la série documentaire serait diffusée sur une plateforme web en plusieurs petits épisodes de 10 à 15 minutes. Toutefois, j'ai aussi prévu de raconter les coulisses du documentaire en publiant dès maintenant, sur le compte “Terres à terres” accessible sur Tiktok et Facebook, des petits bouts d'interviews au fur et à mesure de mes déplacements que j'effectue en train et vélo. »
Pourquoi faire le choix d'internet pour diffuser votre série ?
M. M. : « Mon projet étant une série, il n'a pas vocation à aller au cinéma. Mais c'est important pour moi que ce soit sur internet car c'est aussi là que l'on parle aux gens aujourd'hui, c'est là que les gens vont chercher des histoires qu'ils ont envie d'écouter. De plus, internet permet une accessibilité au contenu pendant une très longue durée. Enfin, comme je vais suivre des porteurs de projets qui sont plutôt des jeunes, internet est dans leur quotidien et j'espère que ma série suscitera des vocations. »
Propos recueillis par Christophe Ledoux
Pour contacter Margaux Magis : [email protected] et www.instagram.com/terres_a_terres/