Le vigneron Patrick Daniel et Sun’Agri ont inauguré une installation agrivoltaïque au Château de la Croix Chabrières, à Saint-Restitut.
En 2019, au détour d’un stand au salon Sitevi à Montpellier, Patrick Daniel, vigneron du domaine Château la Croix Chabriéres qui compte une soixantaine d’hectares de vignes sur Saint-Restitut (26) et Bollène (84), rencontre la société Sun’Agri et sa filiale Sun’R, toutes deux spécialisées dans l’agrivoltaïsme. Cette technologie permet, grâce à des panneaux solaires situés sur des parcelles agricoles, de produire de l’électricité tout en contribuant durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole.
Séduit par cette technique, Patrick Daniel lance rapidement avec Sun’Agri l’idée d’un projet sur une parcelle qu’il possède à Saint-Restitut, vierge de toute culture à l’époque. Alors que l’agrivoltaïsme ne possède pas encore de cadre légal, ce qui deviendra réalité avec le vote d’une loi en mars 2023*, il passe tous les échelons d’une longue mise en œuvre avec un dossier commencé en 2020 et finalisé au printemps 2024.
Plus de deux hectares couverts
Aujourd’hui, les persiennes photovoltaïques couvrent 2,3 hectares, avec une zone témoin de 0,5 hectare sans panneaux pour comparer les résultats. La parcelle accueille un cépage blanc résistant (floréal), avec une densité de 4 000 pieds par hectare. L’installation comprend différents équipements et capteurs installés au niveau de la parcelle, au sol et dans l’air. Ceux-ci dialoguent en temps réel avec un système de pilotage des panneaux pour optimiser leur production et laisser passer l’ensoleillement dont les vignes ont besoin. Le site compte également des stations météo pour mesurer la température, l’humidité de l’air et le rayonnement solaire. Des poteaux d’une hauteur de 4,5 mètres soutiennent les panneaux solaires orientables qui couvrent 40 % de la surface de la parcelle.
S ‘appuyant sur les installations agrivoltaïques déjà en place (17 en viticulture, 9 en arboriculture), Boris Marchal, responsable des relations institutionnelles de Sun’Agri, a énuméré les nombreux avantages agronomiques de l’agrivoltaïsme : protection contre le gel (gain de 2 °C) et les fortes chaleurs (jusqu’à 10 °C de moins), baisse des besoins d’irrigation (de 40 à 60 %), rendement de 5 à 40 % supérieur suivant les cépages, meilleur niveau qualitatif (plus d’acidité et de 0,5 à 1,5° en moins de titre alcoolique). Sans oublier, bien sûr, une puissance électrique pour ce projet de 1,7 MWc, soit la consommation annuelle de 350 foyers.
Le rôle de chacun
L’infrastructure agrivoltaïque est prise en charge par des investisseurs, de même que la vente de l’électricité. Sun’R propose l’ingénierie et assure le pilotage agronomique de l’installation. L’IFV et la chambre d’agriculture de la Drôme assurent la surveillance et le suivi de cette réalisation au niveau administratif et agronomique.
L’installation du Château de la Croix Chabrières s’est faite en constituant une société de projet. L’agriculteur fournit la terre (qui doit être plane) avec un bail emphytéotique de trente ans. Au bout des trente ans, il récupère l’installation et peut, soit demander son démantèlement, soit la conserver en totalité ou en partie.
Lors de l’inauguration de l’installation, le 13 juin, on notait la présence, entre autres, de Christine Forot (maire de Saint-Restitut), Thierry Mommée (chambre d’agriculture de la Drôme), Cécile Magherini (directrice de Sun’Agri), Delphine Vernasson (Enedis), Boris Marchal et Alexandre Chatrier (Sun’Agri) et de nombreux agriculteurs venus parfaire leurs connaissances.
M. O.
* Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Le point de vue du vigneron
Patrick Daniel, vigneron du domaine Château la Croix Chabriéres, ne voit que des avantages à cet équipement. Depuis 2019, il a pris conscience de l’urgence d’intervenir pour pallier le manque de ressource en eau, l’augmentation de l’ensoleillement et les effets du réchauffement climatique. Il a toujours été en recherche d’innovation et de respect de la nature. Le projet lui a semblé innovant et plein d’avantages. Outre le fait qu’il ne lui a pas demandé d’investissement financier - il ne compte pas bien sûr les centaines d’heures de recherches administratives et techniques que cela lui a demandé -, il apporte sa terre pour l’expérience et en échange cela permet la production d’électricité verte.
De plus, c’est pour lui l’opportunité de produire un vin à partir de raisins qui mûriront plus tard, devraient être plus productifs et demander moins d’apport en eau, et qui à la sortie donnerait un vin avec un titre d’alcool plus bas, ce qui correspond à la demande récurrente des consommateurs. De plus, Patrick Daniel y voit un axe de communication innovant, lui qui depuis des dizaines d’années a inventé de nombreux moyens pour rendre son domaine et ses vins plus attractifs (bouteilles de couleur, étiquettes et cuvées originales). Il a d’ailleurs déjà créé la cuvée « Les Ombrières » pour le vin qui sera issu de cette parcelle avec un cépage blanc peu connu encore le floréal, qui sera suivi par un cépage rouge le monarche. À l’heure de prendre sa retraite, il sait qu’il va laisser un domaine qui restera à la pointe de l’innovation, ce qui fait sa fierté.