EXPÉRIENCE
Pâturage et robot font la paire !

Le Gaec de la Chagne (Saône-et-Loire) a réussi à concilier robot de traite, pâturage et autonomie protéique pour ses cent vingt vaches laitières et quarante allaitantes. Les vaches sont désormais nourries avec 50 % d’ensilage d’herbe et 50 % d’ensilage de maïs. Une autonomie protéique qui réduit les achats extérieurs de protéines, mais qui n’est pas de tout repos.

Pâturage et robot font la paire !
Le bâtiment du Gaec de la Chagne est semi-ouvert avec des ventilateurs et des filets brise-vent si besoin.

Le soleil vient de se lever, encore une belle journée, il est l’heure d’aller pâturer… Si ce n’est pas de la chicorée que les vaches du Gaec de la Chagne vont pâturer chaque jour au Miroir (Saône-et-Loire), un vent de liberté souffle sur la plaine de la Bresse, au pied du Revermont voisin. Le nouveau bâtiment de l’exploitation est semi-ouvert à l’ouest et à l’est, avec des parois ouvrables (filets brise-vent) sur les longs-pans. En cette fraîche journée d’hiver, les vaches ne semblent pas du tout souffrir du zéro degré extérieur. Et en été, la chaleur est plus supportable avec le passage de l’air, brassée si besoin par des ventilateurs. Au sud, le bâtiment s’ouvre sur une aire extérieure bétonnée donnant accès à un des vingt paddocks d’un hectare de prairie en contrebas. Les vaches peuvent alors aller pâturer quand bon leur semble, sauf si elles doivent se présenter au robot de traite. Un exemple concret d’adaptation réussie au changement climatique et la preuve que pâturage et robot de traite peuvent fonctionner tout au long de l’année, si l’on s’assure de la bonne portance du sol et de la pousse de l’herbe pour ne pas dégrader les prairies. Benoît Rodot ne cache pas que « la mise en route du bâtiment et du robot a été un peu compliquée en 2021 ». Une année particulièrement pluvieuse, avec des sols détrempés en juin et juillet n’offrant pas la portance nécessaire avant août. « L’année 2022 s’est mieux passée », se félicite l’éleveur, même s’il reconnaît avoir « encore des choses à apprendre » pour marier à la perfection robot et pâturage.

La terrasse bétonnée donne sur les paddocks.

S’habituer à de la bonne herbe fraîche

Le Gaec de la Chagne exploite 371 ha de prairies et céréales avec un cheptel de cent vingt vaches laitières et quarante allaitantes. Pour augmenter l’autonomie protéique de l’exploitation, les éleveurs ont diversifié les sources de fourrages de qualité : pâturage tournant dynamique, prairies temporaires de trèfle et luzerne pour la constitution de stocks d’herbe pour l’été, semis de méteils… Les vaches laitières sont désormais nourries avec 50 % d’ensilage d’herbe ou d’herbe pâturée (600 t/an) et 50 % d’ensilage de maïs (600 t/an). Une autonomie protéique qui réduit les achats extérieurs de protéines dont les prix peuvent fluctuer fortement. S’ils ne croient pas possible de « couper l’alimentation à l’auge totalement », Benoît et son frère Romain envisagent plus sereinement l’avenir grâce aux vingt hectares d’herbe alentour pour un total de cinquante vaches traites par robot. Pour habituer les montbéliardes à sortir pâturer chaque jour, ils ouvrent un paddock (1 ha) « pour que les vaches apprennent que lorsqu’elles sortent, c’est de la nouvelle herbe. Mettre 50 % d’herbe dans la ration, on n’y aurait pas cru il y a dix ans. Tout comme robot et pâturage. Pourtant, ça marche », témoignent les deux frères. À condition de faire un peu moins de cultures pour faire plus d’herbe, de prairies temporaires et de stocks. Et de prévoir quelques aménagements complémentaires à l’intérieur du bâtiment, mais aussi dans les paddocks attenants. En cet hiver 2022-2023, les associés vont installer des abreuvoirs dans presque tous les paddocks, nécessaires pour maintenir la haute productivité des bêtes l’été, car « les vaches n’aiment pas faire la navette jusqu’au bâtiment ». À la question de savoir pourquoi associer robot et pâturage, la réponse est la même : « on aime nos animaux et on fera tout pour leur bien-être. Le robot est aussi là pour le bien-être de l’éleveur. Il apporte de la souplesse au travail pour faire de la qualité », insistent les deux frères même s’ils en conviennent : « Tout ceci ne fait pas forcément diminuer le temps de travail ». Les économies sont plus à rechercher sur le fourrage qui vient remplacer une partie des tourteaux achetés avant.

68 % d’autonomie protéique

Engagé dans l’AOP crème et beurre de Bresse depuis 2012, le Gaec de la Chagne livre aujourd’hui à la laiterie La Bressane 1,3 million de litres de lait par an. Le cahier des charges de l’AOP vise entre autres un maximum d’autonomie protéique de l’élevage laitier. Romain et Benoît cherchent donc à « maximiser » leur production d’herbe afin de « se sécuriser car il n’y a plus aucune année qui se ressemble ». Pour cela, ils jouent sur quatre tableaux : le pâturage tournant dynamique, le ray-grass italien en dérobé (25 ha), le méteil avec surtout des protéagineux (20 ha) et des prairies temporaires récentes (30 ha) de ray-grass anglais, trèfle, ray-grass hybride, luzerne. Ainsi, le Gaec de la Chagne a un taux d’autonomie protéique flirtant avec les 68 %, là où la moyenne départementale est plutôt autour de 48 % dans les élevages à plus de 9 000 kg/an en moyenne. Avec le robot, les vaches sont « complètement décalées, une majorité est traite le matin dès 6 heures, certaines commencent à midi et d’autres la nuit », avec en moyenne 2,8 traites (entre 2 et 4) par 24 heures.

Des pics d’activités à bien gérer

Tout n’est pas encore stabilisé. « Le souci, c’est qu’au printemps on a une pousse d’herbe très forte, même trop dans les parcelles pâturées. Cela nous oblige à en récolter une partie, et après, à partir du 15 juin jusqu’en septembre, on n’a plus rien dans le pâturage et il faut taper dans les stocks », explique Benoît. Les stocks doivent donc rester à des niveaux élevés par sécurité, pour faire du lait toute l’année. Deux pics d’activités se dégagent maintenant avec le réchauffement climatique : à partir de mi-mars, il faut se tenir prêts à récolter pour ensiler. En 2022, le pâturage et la pousse de l’herbe avaient débuté dès le 15 février. Le deuxième pic est à l’arrière-saison, avec un automne « très poussant » et « une nouvelle tournée d’ensilage au 15 octobre ». À cette période, toute la question est de savoir si cela vaut le coût d’enrubanner par rapport à la quantité récoltée et aux frais mécaniques. « Ce peu d’herbe qui a beaucoup d’azote, mais peu d’unités fourragères (UF), reste à gérer. Nous avons réussi à la faire manger en partie », explique Benoît. Une partie des fourrages est produite sur des dérobées ; 17 % après des céréales à paille et avant du maïs au printemps, sous forme de ray-grass et de méteil. Côté cultures (soja, colza, tournesol) : « on diversifie au maximum et il y a toujours une culture qui s’en sort mieux ». 

M. Labille