IRRIGATION
À Allex et Montoison, l’eau du Rhône pour soulager la rivière Drôme

Le 6 septembre, une centaine de personnes ont assisté à l’inauguration des travaux réalisés pour fournir le réseau d’irrigation « Allex-Montoison » en eau du Rhône. Un projet porté par le Syndicat d’irrigation drômois qui permet de substituer jusqu’à 2 millions de m³ et de soulager ainsi la rivière Drôme.

À Allex et Montoison, l’eau du Rhône pour soulager la rivière Drôme
L'inauguration en présence de la secrétaire générale de la préfecture de la Drôme, du directeur de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, du directeur territorial Rhône Isère de la CNR, du président du SID et des élus a eu lieu sur le site de la station de la Poulatte à Étoile-sur-Rhône. ©AD26-S.S

Le projet aura mis dix années à aboutir mais, depuis fin juin, les équipements sont opérationnels. Les agriculteurs raccordés au réseau d’irrigation Allex-Montoison, soit plus de 550 ha de cultures concernés, ont pu compter sur l’eau du Rhône cet été. Après quelques travaux qui auront lieu cet automne, 300 ha supplémentaires seront également raccordés à cette nouvelle ressource sur le réseau Crest-Nord.

Le 6 septembre, à Étoile-sur-Rhône, sur le site de la station de la Poulatte*, a eu lieu l’inauguration de ces installations. Bernard Vallon, président du Syndicat d’irrigation drômois (SID), a retracé l’histoire de ce projet « initié par le Sygred [Syndicat de gestion de la ressource en eau de la Drôme] en 2012 » et porté par le SID. Dès la naissance de ce projet l’enjeu était de réduire les prélèvements sur le bassin versant de la rivière Drôme, celle-ci souffrant d’étiages sévères en période estivale, en moyenne trois années sur quatre. Bernard Vallon a rappelé qu’il n’était « pas question d’augmenter les surfaces irriguées sur ce territoire mais bien de maintenir l’activité agricole en s’assurant que chaque mètre cube qui n’est plus prélevé dans la rivière Drôme soit substitué par un mètre cube du Rhône. » Au total 850 ha (réseau Allex-Montoison depuis 2022 et Crest-Nord en 2023) bénéficieront d’une sécurité quant à l’irrigation grâce à ces travaux. Pour les dirigeants du SID, cette eau non prélevée dans la rivière Drôme va également « éviter que d’autres utilisateurs, dans le Diois ou sur Loriol, aient à réduire drastiquement leurs prélèvements ».

« Vers des tensions de plus en plus fortes »

Mais cette inauguration revêtait aussi un caractère hautement symbolique après la sécheresse que le pays vient de traverser. Pour Laurent Roy, directeur de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, « nous allons vers des tensions de plus en plus fortes ». Il invite donc à combiner à l’échelle des territoires des solutions qui associent tous les usagers de l’eau. Cela passera par de la substitution, comme ici en Val de Drôme, mais aussi par des économies. La lutte contre les fuites dans les réseaux d’eau potable, la modification des comportements individuels, l’adaptation des pratiques agricoles ou des usages industriels, la bonne gestion des zones humides, la désimperméabilisation des sols, la recherche de ressources alternatives pour certains usages comme les eaux usées traitées sont autant de pistes qu’il a évoquées.

Christophe Dorée, directeur territorial Rhône Isère de la CNR, concessionnaire du Rhône pour la production d’hydroélectricité, le transport fluvial et l’irrigation, a quant à lui rappelé : « Lors des travaux d’aménagement du Rhône, nous avons créé plus de 40 stations d’irrigation dont 13 en Drôme et 6 en Ardèche » Avant d’alerter : « Attention, la ressource du Rhône n’est pas infinie. Que sera le Rhône dans 10 ans, 20 ans, 30 ans sans son glacier ? Il faut effectivement se poser les questions sur cette ressource en eau. Il faudra améliorer nos pratiques, être plus économes, se concerter davantage pour concilier encore plus les différents usages. »

Un appel à l’« État stratège »

De son côté, Hervé Soulignac, vice-président du Département de la Drôme, responsable entre autres des politiques agricoles et alimentaires, a appelé à s’engager rapidement dans la transition hydrique. « Après l’été que nous venons de vivre, force est de constater que notre société peine à trouver la ou les bonnes solutions. À la différence de la transition énergétique, qui a fait en une décennie son chemin, la transition hydrique tarde à prendre son envol, a-t-il regretté. (…) Il est temps de retrouver sur ce sujet un État stratège qui engage la reconfiguration hydrologique de nos territoires. »

Message entendu par Marie Argouarc'h, secrétaire générale de la préfecture de la Drôme. « L’eau sera une priorité absolue pour l’ensemble des services de l’État en Drôme dans les prochaines années (…) L’État stratège sera présent et ce sera une priorité mais l’État seul, sur un sujet comme celui-ci, ne pourra rien. Nous aurons besoin de l’ensemble des acteurs, usagers de l’eau, agriculteurs, monde industriel, particuliers, collectivités territoriales, élus… », a-t-elle affirmé. Marie Argouarc'h a par ailleurs avertit : « Chacun doit vraiment réduire sa consommation au strict nécessaire dans les prochaines années. » Avant d’annoncer : « Madame la préfète souhaite lancer dès cette rentrée d’importantes réunions par groupes de travail sur cette thématique [de la ressource en eau, ndlr], pour tirer les leçons de l’épisode de sécheresse et pour travailler en profondeur dans la durée sur des grands projets et rechercher toutes les solutions. »

Sophie Sabot

* La station de la Poulatte dispose d’une autorisation de prélèvement de 2 200 m³/ heure. L’eau du Rhône est amenée par siphon dans une cuve de 10 mètres de profondeur sous la station.  

En chiffres

Le syndicat d’irrigation drômois (SID) dessert environ 26 000 ha de terres agricoles sur 125 communes situées majoritairement dans le couloir rhodanien. Il alimente également plus de 9 000 habitations en eau d’arrosage.

Les travaux de remontée d’eau du Rhône vers le Val de Drôme (réseau Allex-Montoison et d’ici 2023 Crest Nord) vont permettre de substituer entre 1,5 et 2 millions de m³. Cela permettra de sécuriser au total 850 ha irrigués en rive droite de la rivière Drôme. Des solutions doivent à présent être trouvées pour la rive gauche et le réseau Crest Sud.

Financement 

Le montant total des travaux pour l’alimentation Allex-Montoison approche les 7 millions d’euros HT, financés à plus de 65 % par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, mais aussi par le conseil départemental de la Drôme, l’Europe via le Feader et la CNR. Le raccordement prochain du réseau Crest-Nord à celui d’Allex-Montoison devrait coûter 1,6 à 1,8 million d’euros HT.

Marie Argouarc'h, secrétaire générale de la préfecture de la Drôme, a salué un « projet exemplaire, extrêmement complexe » mais aussi « fortement accompagné par l’État, à hauteur de plus de 5 M€ d’euros, à travers les crédits de l’Agence de l’eau ».