Près de trois cents personnes ont été réunies le 1er décembre pour le lancement des premières Assises de l'eau dans la Drôme. Objectif : créer les conditions d'une concertation durable sur les usages de la ressource.
Élus, services de l’État, chambres consulaires, entreprises, représentants du monde agricole, associations, offices de tourisme… Au total, près de 300 personnes ont participé, le 1er décembre à Upie, aux premières Assises de l’eau organisées par la préfecture, l’Agence de l’eau et le Département de la Drôme. « Les échanges doivent permettre de “labourer les idées” pour identifier des priorités partagées sur lesquelles nous devons nous mobiliser », a dit Marie-Pierre Mouton, présidente du conseil départemental, dans son mot d'accueil. Quels que soient les usages de l'eau, « toutes les pistes de réflexion doivent être abordées sans tabou », a-t-elle ajouté. En toile de fond de ces premières assises, les effets du changement climatique. « Les tensions croissantes sur la ressource en eau ne cesseront de s'aggraver si un équilibre entre les activités et les alertes environnementales n'est pas trouvé grâce à une gestion de l'eau qui soit à la fois opérationnelle, équilibrée, territorialisée, durable et intégrée », a-t-elle prévenu. De son côté, le préfet de la Drôme, Thierry Devimeux, a appelé à « ne pas aller à une guerre de l'eau : ce que nous souhaitons, c'est que l'ensemble des acteurs du territoire coopèrent et réfléchissent, dépassent les postures de concurrence et dessinent une gestion davantage partagée de l'eau ».
Trois ateliers
Pour initier un dialogue entre les différents usagers de l'eau et faire des propositions d'actions, les participants aux premières Assises de l'eau ont été répartis en trois ateliers. ©CL-AD26
Ce souhait constitue un véritable défi alors que, sur l'ensemble du département, huit bassins versants font déjà l’objet d’un classement en zone de répartition des eaux (ZRE). Tant qu’un meilleur équilibre n’aura pas été durablement restauré entre les ressources en eau et les usages, cela interdit tout nouveau prélèvement (sauf pour motif d’intérêt général). Dans ces conditions, comment imaginer l'avenir sachant que les épisodes de sécheresse devraient se répéter et s'amplifier ? « Nous misons sur l'intelligence collective pour décloisonner les idées et accompagner les projets et solutions durables », a indiqué Marie-Pierre Mouton.
Parmi les témoignages, Gaëtan Aubert (EARL le Pré neuf), agriculteur à Lens-Lestang, a expliqué sa conversion à la culture en semis direct sous couvert. ©CL-AD26
Pour ce faire, les trois cents participants à ces premières Assises de l'eau ont été répartis en trois ateliers : préserver la ressource en eau, accompagner l'économie du territoire face au manque d'eau, aménager les territoires en fonction de la ressource en eau. En préambule de chaque atelier, des témoignages ont mis en avant des initiatives en faveur de l'eau. Gaëtan Aubert (EARL le Pré neuf), agriculteur à Lens-Lestang, a expliqué sa conversion à la culture en semis direct sous couvert : « Depuis 2019, l'intégralité de mes parcelles est cultivée ainsi et j'ai constaté d'importants changements dans mes sols : davantage de matière organique, des racines qui vont plus profondément, une meilleure infiltration des eaux pour remplir les nappes ».
« Cultiver l'eau »
Autre témoignage, celui de Samuel Bonvoisin, du bureau d'étude et de conseil L'atelier des alvéoles situé à Cobonne, venu parler de l'hydrologie régénérative : « Les deux-tiers de l'eau qui tombent sur les continents, que l'on appelle de l'eau verte, n'arrivent pas des océans comme on a pu nous l'apprendre à l'école primaire, mais proviennent de l'évaporation des sols et de l'évapotranspiration des plantes. Nos paysages ont donc un impact sur la ressource en eau. » Et d'ajouter : « Le vivant cultive l'eau ». Dans la pratique, lors d'épisodes pluvieux intenses, il ne s'agit plus d'évacuer l'eau le plus rapidement possible mais de la ralentir par la mise en place de haies, de fossés et de bassins d'infiltration, par le « dédrainage » des terres agricoles, par la « débitumisation» des espaces urbains…
Les entreprises sont aussi appelées à faire des efforts. Chez Boiron Frères, société agroalimentaire de transformation de fruits en purées située à Châteauneuf-sur-Isère, un plan de sobriété hydrique (PSH) a été mis en œuvre après la sécheresse de 2022. Une « water team » a été créée pour réfléchir à toutes les solutions possibles pour réduire la consommation d'eau à court, moyen et long termes : arrêt des arrosages des pelouses, optimisation du nettoyage des lignes de production, remplacement des tours aéroréfrigérantes par un système d'adiabatiques. À horizon 2026, un projet permettra de récupérer et stocker l'eau de pluie pour la traiter et l'utiliser en fonction de ce que la réglementation sanitaire autorisera.
Gestion différenciée de l'eau
Des efforts de sobriété sont également attendus dans les communes. La ville de Valence et son agglomération ont initié un ambitieux projet faisant une large place au sol et au végétal : plan arbres, végétalisation du centre-ville et des cours d'écoles, déconnexion des eaux pluviales et leur infiltration à la parcelle, désimperméabilisation des sols lors d'opérations d'aménagement, déploiement de l'intelligence artificielle pour la recherche de fuites sur le réseau d'eau potable… Une gestion différenciée de l'eau est ainsi mise en place par type d'espaces. Selon la ville de Valence, des réductions de plus de 60 % de la consommation en eau en période de sécheresse ont ainsi été réalisées.
Après ces témoignages, les participants aux Assises de l'eau, post-it® en main (lire ci-xxxxxx) , ont écrit leurs propositions. Une synthèse sera présentée lors de quatre ateliers thématiques prévus début 2024. Puis une seconde session des assises sera organisée en avril afin de restituer le travail réalisé et partager les axes de travail définis. D'ici là, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts…
Christophe Ledoux
Des idées sur des Post-it®
Afin de recueillir leurs propositions, les participants, répartis par table de huit dans trois ateliers de 45 minutes chacun (lire ci-xxxxxx), ont été invités à écrire sur des Post-it®. Tous ont été classés dans des rubriques : réduire la dépendance à l'eau, protéger la qualité de l'eau, pérenniser les usages, préserver le cadre de vie...
Globalement, lors de ces premières Assises de l'eau dans la Drôme, ce qui ressort est assez consensuel : gérer pour ne pas subir, être dans l'anticipation, s'inscrire dans une logique de long terme, travailler collectivement, garantir tous les usages, réduire la dépendance à l'eau, protéger la qualité de l'eau, éviter le gaspillage, mieux connaître la ressource…
Ce travail de réflexion, qui se poursuivra en 2024, devrait impulser et accompagner des projets de territoires pour la gestion de l’eau (PTGE), lesquels visent un partage équilibré de la ressource entre tous les usagers, tout en respectant la bonne fonctionnalité des milieux naturels.