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SYSTÈMES DE PRODUCTION

Caprin : un solide réseau de références technico-économiques

Depuis 2007, la chambre d’agriculture de la Drôme participe au réseau national des fermes de références en production caprine. Explications avec Anne Eyme-Gundlach, conseillère spécialisée caprin.

Caprin : un solide réseau de références technico-économiques
« Grâce au suivi des fermes de référence caprines depuis 2007 en Drôme, nous bénéficions d’une banque de données extrêmement riche, que nous partageons avec les autres départements* engagés dans le réseau en Auvergne-Rhône-Alpes », indique Anne Eyme-Gundlach.

Produire des références technico-économiques sur les systèmes agricoles dans les différentes régions françaises, tel est l’objectif du dispositif « Inosys - Réseaux d’élevage » piloté par les chambres d’agriculture et l’institut de l’élevage (Idele). Depuis 2007, la chambre d’agriculture de la Drôme est associée à ce dispositif. Sur la filière caprine, elle assure la collecte et la synthèse des données auprès de huit fermes de références du département, qui font partie des 130 suivies au niveau national dans six régions (Nouvelle Aquitaine, Centre-Val de Loire, Occitanie, Paca, Pays de la Loire et Auvergne-Rhône-Alpes).

Huit fermes, cinq systèmes de production

Les systèmes étudiés sont définis par le réseau national des chambres d’agriculture et Idele, en fonction des données du recensement agricole (RA), l’idée étant de sélectionner des exploitations représentatives de leur territoire.

« En Drôme, les huit exploitations que nous suivons représentent cinq systèmes de production bien distincts : le système laitier avec pâturage, laitier avec zéro pâturage, fromager petit volume (c’est-à-dire moins de 40 000 litres transformés), fromager moyen volume (entre 40 et 80 000 litres) et fromager grand volume (supérieur à 80 000 litres) », détaille Anne Eyme-Gundlach, conseillère responsable des fermes de références caprines.

Chaque année, elle assure le recueil d’une multitude de données techniques et économiques auprès de ces exploitations : sur la structure (surfaces et parcellaire, bâtiments, équipements d’élevage, matériel), le cheptel, la gestion des surfaces (assolement, mode d’utilisation de l’herbe, conduite des fourrages, des cultures, rotations, pratiques culturales, récolte), la production laitière (volumes, critères de qualité), la transformation (technologies fromagères, commercialisation, circuits, nombre de kilomètres parcourus…), la reproduction, l’économie (prix du lait, aides, charges opérationnelles, de structure)… Le tout est compilé dans une base de données nationale baptisée Diapason.

Connaître précisément les coûts de production

À quoi servent ces données ? Elles sont d’abord indispensables aux démarches de conseil. « Les conseillers d’entreprise de la chambre d’agriculture s’appuient sur ces références technico-économiques pour accompagner les projets d’installation ou encore les exploitants qui souhaitent faire évoluer leur système », illustre Anne Eyme-Gundlach.

L’outil Diapason permet aussi une approche complète des coûts de production, qui prend en compte l’ensemble des ateliers de l’exploitation. Des données particulièrement précieuses en cette période où le prix des intrants explose et où la profession a besoin de références fiables pour négocier une meilleure valorisation de ses produits. Idele précise d’ailleurs que la méthode de calcul des coûts de production développée dans le cadre du dispositif « Inosys-Réseaux d’élevage » a été retenue par le Cniel et Interbev pour produire les indicateurs de référence qui sont désormais utilisés dans le cadre de la contractualisation, prévue par la loi Egalim 2.

Mesurer la performance des systèmes

Autre valorisation des données issues du dispositif à l’échelle nationale : l’analyse globale, par filière, pour appréhender les impacts des politiques publiques et de la réglementation, accompagner la transition agroécologique et climatique ou encore mesurer sur le long terme les performances des systèmes agricoles et leurs évolutions.

À une échelle plus locale, ces données ont par exemple permis à la chambre d’agriculture de la Drôme d’accompagner la filière Picodon dans le cadre de la révision du cahier des charges de l’appellation. « Nous avons pu, grâce au réseau des fermes de référence, bâtir un argumentaire pour garder l’ensemble du département en AOP Picodon », explique la conseillère. Enfin, ces données peuvent être valorisées dans le cadre de formations ou de journées collectives à destination des éleveurs.

À noter, la chambre d’agriculture de la Drôme fait également partie du dispositif Inosys-Réseaux d’élevage pour deux autres filières : ovins viande et bovins viande. Pour chacune de ces filières, quatre fermes de références sont suivies par des conseillers spécialisés de la chambre d’agriculture.

L’ensemble des informations recueillies auprès des agriculteurs de ce réseau sont bien-sûr valorisées de façon anonyme.

Sophie Sabot 

* Les départements engagés dans le réseau régional : 07, 26, 38, 42, 63, 69 et le 71 raccroché au réseau Aura.

Où trouver les données des fermes de références ?

Sur son site internet, idele.fr et plus particulièrement sur idele.fr/observatoire-inosys, l’institut de l’élevage met régulièrement à jour les résultats du réseau des fermes de références.

TÉMOIGNAGE

« Un très bon outil pour se positionner sur le prix des fromages »

« Un très bon outil pour se positionner sur le prix des fromages »

Anaïs Robert s’est installée en 2018 en Gaec avec ses parents. Ensemble, ils élèvent 160 chèvres. Le lait est transformé en picodon et autres spécialités à pâte lactique, le tout vendu à la ferme, sur trois marchés (deux hebdomadaires et un mensuel), auprès de restaurants et via le distributeur automatique de la société Savajols à Saint-Rambert-d’Albon.

Depuis 2007, l’exploitation fait partie du réseau des fermes de références. « Chaque année, nous passons une demi-journée avec Anne Eyme-Gundlach de la chambre d’agriculture pour éplucher les résultats techniques et comptables », commente la jeune éleveuse. Tout y passe, depuis les quantités récoltées en fourrage, la part de céréales (70 ha en grandes cultures, 15 en prairies temporaires et 15 en permanentes sur l’exploitation) destinée à l’alimentation du troupeau, les frais vétérinaires jusqu’à la valorisation des fromages. Une synthèse est ensuite établie et contribue à enrichir la base de données nationale. « Ce qui est intéressant dans l’approche, c’est qu’elle permet d’aller jusqu’au coût de production pour 1 000 litres de lait, souligne Anaïs Robert. En système avec transformation, c’est un très bon outil pour se positionner sur le prix des fromages. »

« L’ensemble des territoires et des systèmes représentés »

Elle estime également que ces données de références sont indispensables pour accompagner les projets d’installation ou pour aider les éleveurs à identifier leurs marges de progrès. « Lorsque j’étais en BTS à La Côte-Saint-André puis en certificat de spécialisation caprin dans les Deux-Sèvres, nos professeurs utilisaient les données du réseau Inosys pour nous faire travailler sur les coûts de production. L’intérêt, c’est que l’ensemble des territoires et des systèmes de production sont représentés », explique la jeune femme. Elle s’interroge à présent sur ce que vont révéler les données de l’exercice 2022, qui ne seront pas disponibles avant 2023. « Vu la flambée actuelle du prix du GNR, des engrais, de l’aliment, des emballages… nous allons constater une véritable fracture dans nos systèmes. Une ligne rouge sera franchie », estime-t-elle. Ce sera très probablement la première fois depuis le début du suivi des fermes de références en Drôme en 2007. Les quinze années de données collectées permettront de l’illustrer précisément.

S.Sabot

Point de vue / Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture

« Les fermes de références sont essentielles pour obtenir des données et suivre l’évolution des systèmes d’exploitation. Ces références permettent ensuite de bâtir des projets d’installation, d’accompagner des modifications de système, d’intégrer un nouvel atelier…

Dans toutes les études que la chambre d’agriculture peut réaliser, que ce soit pour les agriculteurs, pour les territoires, pour la construction de filières, elle a besoin de ces données.

En Drôme, nous estimons également qu’il est important de faire partie du réseau des fermes de références car nous avons des particularités, par exemple nos systèmes d’élevage en zone de montagne sèche ou encore des systèmes mixtes, associant productions animales et arboriculture, que l’on ne retrouve pas forcément ailleurs en France.

Enfin, nous nous appuyons sur un réseau plus vaste, qui nous permet aussi de croiser les données avec celles d’autres départements et de disposer d’un panel de références technico-économiques complet sur de nombreuses filières. »