Pastoralisme
L’Adem développe des solutions pour stocker l’eau sur les alpages
L’association départementale d’économie montagnarde (Adem) de la Drôme a organisé le 27 septembre une journée sur le thème de l’eau. Face aux dérèglements climatiques, les techniciens de l’association imaginent des solutions avec les éleveurs.
Une pluviométrie plus rare en été, un tarissement plus rapide des sources mais aussi une sécheresse qui met à mal certaines zones de pâturage, le manque d’eau est une contrainte pour les éleveurs et bergers de la Drôme. L’Adem tente d’anticiper les changements climatiques qui s’annoncent en imaginant des solutions adaptées à chaque situation.
Depuis 1991, 45 impluviums ont été installés dans le département et quatre sont en construction. Présents sur 31 alpages et 15 zones de parcours, ces trous dans le sol tapissé d’une bâche imperméable sont des solutions pérennes au manque d’eau dans les estives, mais aussi dans les plaines. Le 27 septembre, lors d’une rencontre, l’Adem a dressé un bilan de ces installations. « Dans la Drôme, les impluviums représentent 25 000 m3 d’eau stockée, indique Sylvain Blanchon, salarié technicien de l’association. Leur cubage est en moyenne de 320 m3, la majorité fait moins de 500 m3 et le plus gros est à Ambel où 1 750 m3 d’eau sont stockés. » Aujourd’hui 17 500 ovins, 1 900 bovins et 170 équins profitent de cette eau stockée sur une durée moyenne de quatre mois. Leur construction est financée à 70 % dans le cadre du PPT (plan pastoral territorial), par le Département, la Région, l’Europe et 30 % sont financés par les collectivités territoriales ou les groupements et collectifs pastoraux.
Dominique Narboux, directrice de l’Adem, a mis l’accent sur l’équipement en impluviums de tous les alpages des hauts plateaux du Vercors. Même si les discussions ont été longues, car la réserve des hauts plateaux est réglementée, la présentation d’un projet global et la mise en avant de l’impact du pastoralisme sur la biodiversité ont convaincu l’État de la nécessité de ces installations. « Nous venons d’obtenir un avis favorable », a ajouté Alain Matheron, président de la communauté des communes du Diois concernant un futur impluvium sur le site de La Jarjatte qui se trouve en zone natura 2000. « Cela fait longtemps que les élus des territoires de montagne sont persuadés que le pastoralisme est une activité économique mais aussi patrimoniale et environnementale », a insisté l’élu.
L’évaporation, une problématique à endiguer
Sur l’alpage du Sapey, Benjamin Mroz fait paître ses vaches. Il fait partie d’un groupement pastoral avec deux autres éleveurs. Soixante mères y passent plusieurs mois, une partie descend en septembre, l’autre fin octobre. En moyenne, les vaches consomment six mètres cubes d’eau par jour. C’est pourquoi deux impluviums ont été construits sur ce terrain acheté par le Département de la Drôme en 1997. « Le terrain fait 333 hectares et la commune d’Aucelon est aussi propriétaire d’une centaine d’hectares », explique Benjamin Mroz.
Un filet a été ajouté aux impluviums pour éviter l’évaporation et repousser les vautours qui ont déjà fait des dégâts sur une des bâches recouvrant le fond. « En moyenne, on perd 40 % d’eau sans solution anti-évaporation », indiquent les techniciens de l’Adem. Sylvain Blanchon a présenté quelques produits qui permettent de réduire considérablement cette perte : filets, hexacovers - petits cylindres plats qui se déposent simplement sur l’eau - ou hexaballs - qui elles aussi se posent simplement sur l’eau - sont des outils conçus spécifiquement. Une équipe française a également développé une gamme en plastique recyclé de cylindres anti évaporation. « Grâce à ces équipements, on peut envisager passer de 40 à 7 % d’évaporation », souligne-t-il.
À quelques mètres du premier impluvium, trois abreuvoirs alimentés par des tuyaux permettent aux vaches de boire. De l’autre côté de l’estive, la deuxième installation est surélevée et se remplit moins mais permet aux animaux d’aller pâturer sur des parties de l’alpage qui ne l’avaient pas été jusqu’alors. « Un certain nombre de travaux a été réalisé sur cette estive, explique Sylvain Blanchon. Aujourd’hui c’est une montagne qui semble bien équipée. »
Des expérimentations pour s’adapter aux terrains
Pour s’adapter à chaque situation, les techniciens de l’Adem n’hésitent pas à innover. Fabien Candy, également salarié de l’association a présenté via une maquette l’expérimentation menée au Jocou, dans le Diois, entre Lus-la-Croix-Haute et Glandage. Le haut de l’alpage, situé à 2 000 mètres d’altitude, n’était pas raccordé à l’eau et aucune source n’y est présente. « C’est un groupement pastoral qui rassemble six éleveurs, explique le technicien. Le centre de l’alpage est organisé autour d’une cabane principale et à plus de 600 mètres d’altitude au-dessus il y en a une deuxième. »
En juin 2021, l’équipe a trouvé une solution en imperméabilisant un couloir devant cette deuxième cabane, où une congère se forme. Une expérimentation inédite où l’eau issue de la fonte de la neige est récupérée puis gardée dans un bassin de stockage de 40 m3 situé en aval. Des boules perméables ajoutées au bassin permettent un stockage enterré sans risque de dégradation par le vent. L’opération a nécessité l’acheminement de matériaux par hélicoptère et les deux installations ont été réalisées de façon à limiter leur impact sur le paysage. « Le coût total de l’opération est de 33 000 euros hors taxe, précise Fabien Candy. C’est une solution onéreuse par rapport aux mètres cubes stockés. Les conditions extrêmes avec l’acheminement par hélicoptère expliquent ce coût important. »
Philippe Cahn, président de l’Adem, estime que « dans le futur, la demande de construction d’impluviums sera de plus en plus grande » car ces installations facilitent le travail des éleveurs et bergers. « Elles pourraient être des solutions pour d’autres secteurs agricoles », questionne-t-il.
Elodie Potente
La qualité de l’eau, autre enjeu majeur
En lien avec le réseau pastoral alpin, l’Adem a mené un programme d’analyse de la qualité des eaux de stockage pastorales en 2021. En tout, ce sont 89 prélèvements qui ont été effectués à l’échelle alpine, dont 34 en Drôme dans des impluviums, des sources, des citernes et des abreuvoirs. Les analyses ont été effectuées selon sept paramètres : trois en bactériologie et quatre en physico-chimie. Les résultats montrent que l’eau stockée dans les impluviums est majoritairement bonne mais que sa qualité se dégrade dans les abreuvoirs. Les résultats ne sont pas encore définitifs mais les objectifs du réseau sont d’identifier les « facteurs d’amélioration ou de dégradation » du stockage de l’eau.