Volailles de chair
La consommation de poulet standard augmente
L’Influenza aviaire et l’inflation influencent les marchés et le consentement à payer des consommateurs. Et de ce fait, elles bousculent l’élevage français de volailles. La demande accrue en poulet standard profite aux importations provenant des pays tiers et de l’Est de l’Europe mettant en difficulté la production française. Les interventions lors de la journée volailles de chair de l’Itavi à Valence (Drôme) fin novembre ont permis de mieux appréhender ces évolutions.
Sur le plan conjoncturel, la filière volaille de chair présente de nombreux atouts, toutefois, aujourd’hui, des freins apparaissent. Mathieu Désolé, référent études socio-économiques à l’institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole (Itavi), a souligné divers points. Il a dans un premier temps présenté une détente sur les prix des matières premières après une terrible année 2022 [Par rapport à septembre 2023 : l’indice octobre matières premières de l’Itavi1 recule pour le poulet standard de 0,9 %. N.D.L.R.]. Autre fait marquant : l’inflation réduit la consommation alimentaire hormis pour les volailles de chair et les œufs alors que l’Influenza aviaire impacte encore la production avicole. En période d’inflation, les consommateurs achètent, en effet, davantage de poulet, deuxième source d’apport protéique la plus accessible après les œufs.
Évolutions de la consommation
En France en 2023, la part de la consommation en restauration hors domicile (RHD) s’accroît encore pour atteindre 35 % (33 % en 2022 et 32 % en 2019). Cette année, la part du poulet dans la consommation de volailles françaises continue à augmenter pour passer à 80,9 % sur les huit premiers mois (68,5 % en 2019). Au premier semestre, les achats de poulets par type se modifient : la part des découpes atteint 55,9 % contre 50 % en 2019 et on note un recul pour la première fois des élaborés et charcuterie (28,3 %), dû à l’inflation.
Premier consommateur de volailles
Ainsi, la France demeure le premier pays consommateur de volailles en Europe. Et signe positif la production semble se reprendre. La part du poulet importé dans la consommation française devrait ainsi passer à 49,8 % en 2023, contre 50,5 % en 2022. Toutefois, Mathieu Désolé a attiré l’attention sur le niveau global des importations, mais aussi sur le fait que les espèces dinde et canard vont passer en 2023 sous le seuil d’auto-approvisionnement.
Il faut également noter que sur les dix premiers mois de 2023 comparés à 2022, les mises en place de poulet bio en filières organisées ont encore diminué de 14 % (contre une chute de 25 % en 2022 comparé à 2021), quant à celles de Label rouge, elles ont baissé de 4 % (contre - 9 % l’année précédente).
L. G.
1. Les indices Itavi reflètent l’évolution mensuelle du coût des matières premières utilisées dans les différentes formules alimentaires des volailles et lapins. Les indices sont mis en ligne chaque début de mois sur le site
www.Itavi.asso.fr
La vaccination des canards
En France, 60 millions de canards doivent être vaccinés d’ici octobre 2024, en complément aux mesures de biosécurité pour lutter contre l’Influenza.
En Auvergne-Rhône-Alpes, en cinq semaines, 131 100 canards ont été vaccinés. Cette expérimentation française représente un défi technique et financier, dont le coût avoisinera les 105 M€, pris en charge à 85 % par l’État et 15 % par les professionnels. L’objectif est de réduire ces coûts pour les prochaines années en utilisant des vaccins combinés, comprimant les frais d’analyses de laboratoire et réduisant la pression de surveillance. À moyen terme, pour aider la filière avicole à gagner en résilience sanitaire, le ministère a proposé en février 2023 aux interprofessions de construire une vision partagée à l’horizon 2030. Pour « bâtir l’élevage de demain », il va s’agir notamment de préserver les sites stratégiques de génétique aviaire, conforter les stratégies vaccinales et développer la diplomatie sanitaire pour maintenir les marchés notamment dans le domaine génétique (la vaccination bloquant les échanges avec les USA, le Canada et le Japon).
L’interprofession veut préserver la souveraineté alimentaire
Dans un contexte géopolitique tendu, pour soutenir les éleveurs français, l’Anvol plaide pour une réduction des importations de poulet standard des pays tiers et l’instauration de clauses miroirs.
Face à une nouvelle hausse des importations de poulet, la défense de la souveraineté alimentaire française reste le cheval de bataille de l’Anvol1. Son directeur Yann Nédélec a expliqué à Valence (Drôme) le 23 novembre que ce combat passe notamment par l’instauration de clauses miroirs aux accords commerciaux en cours. « Les importations doivent être soumises aux mêmes obligations que les volailles françaises et non à leur simple équivalence, et proposer une qualité de produit similaire aux consommateurs. » Toutefois, le contexte géopolitique complique la situation, notamment dans le cas de l’Ukraine. Pour stopper une concurrence ukrainienne jugée déloyale mettant en difficulté la filière française, l’interprofession demande au ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire d’activer la clause de sauvegarde pour empêcher la poursuite des importations de viande de poulet, à droit nul et sans limite de volume, dans le cadre de l’accord commercial entre l’Union européenne et l’Ukraine, renouvelé le 6 juin pour un an. Une demande vaine jusqu’alors. L’interprofession met en avant que ces avantages accordés par l’Union européenne à l’Ukraine depuis le début de la guerre bénéficient essentiellement dans ce secteur de la volaille à la société agro-industrielle MHP2. « Une société qui représente 90 % des produits avicoles ukrainiens exportés et travaille avec des abattoirs dans des pays limitrophes de l’Union », ajoute Yann Nédélec. Il s’agit donc de mieux identifier les flux de volailles provenant de ce pays et transitant par la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne ou les Pays Bas.
Faire la promotion de l’élevage
Le directeur de l’Anvol a rappelé qu’un groupe élevage est en création à l’Assemblée nationale. « Il est urgent de construire un récit pour faire la promotion de l’élevage en général ». Toutefois, la conjoncture inflationniste ne facilite pas la mise au point d’un discours évident pour la volaille de chair. L’augmentation des prix fait apparaître le poulet standard comme un relais de croissance, mais comment soutenir son développement sans mettre plus en difficulté le poulet bio et le Label Rouge qui représentent 20 % de la production française ?
Les interrogations économiques, un durcissement annoncé de la réglementation européenne à venir sur le bien-être animal et les normes visant les installations classées ne facilitent pas le dialogue entre les éleveurs et les citoyens ou consommateurs. Dans ce contexte difficile, « le rôle des interprofessions régionales est de se battre pour aider les éleveurs à retrouver l’envie de bâtir ou rénover des bâtiments sans trop craindre les procédures administratives et les problèmes de voisinage ». En ce sens, l’Anvol mise sur l’appui apporté par le plan Reconquête de la souveraineté lancé par le ministre le 17 octobre dernier. Ce plan devrait également permettre de mieux valoriser l’origine France en restauration hors-foyer.
L. G.
1. L’Anvol, association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair, réunit 21 organisations représentant la production française (poulet, dinde, canards à rôtir, pintade, caille et pigeon), dont 20 % sous signe de qualité (Label rouge, Bio, CCP – Certification de Conformité Produit).
2. Myronivskyi Hliboprodukt, boulangerie industrielle de Mironivka (abrégé en MHP), est la plus importante entreprise agroalimentaire d’Ukraine (usines et 360 000 ha de terres à blé). MHP, cotée en bourse, est enregistrée à Chypre et dirigée par le milliardaire Yuriy Kosiuk. À son capital, des fonds d’investissement américain (Kopernik Global Investor), britanniques, norvégien (Norges Bank Investment Management) etc. Depuis le début de la guerre, la BERD a accordé un prêt de 90 millions d’euros à MHP alors que « la conformité des investissements précédents dans les projets du groupe restait en suspens », soulignait Ecoaction, le Centre d’initiatives environnementales ukrainien.
Le Pacte Ambition Anvol 2025
L’interprofession continue à travailler sur son Pacte Ambition dans l’esprit de la RSO (responsabilité sociétale des organisations) montrant sa volonté de contribuer aux enjeux du développement durable et de répondre aux demandes sociétales pour davantage de bien-être animal. Ce pacte comporte six engagements. Le directeur de l’Anvol note « la capacité d’une partie des élevages à satisfaire la norme ECC (European Chicken Commitment), mais dans la situation économique actuelle la conversion n’est pas opérée ». L’ECC est une initiative lancée en 2017 par une trentaine d’organisations non gouvernementales européennes de protection animale, exigeant des entreprises agroalimentaires de nouveaux standards d’élevage et d’abattage des poulets de chair.
La grande distribution a suivi et ces cahiers des charges adoptés par les distributeurs se développent aussi au Royaume-Uni et aux État-Unis. Une autre inquiétante question se pose : les grands pays exportateurs de volailles ont-ils la capacité de se convertir rapidement aux normes ECC ? Si tel était le cas, ces poulets arriveraient sur nos marchés à des prix compétitifs et les destabiliseraient.