À l’occasion des Jeux Olympiques qui se déroulent en France, nous avons voulu nous replonger dans l’agriculture des années 1920, en particulier de celle de l’année 1924, date des deuxièmes Jeux Olympiques qui se sont déroulés à Paris, après ceux de 1900. Tour d’horizon des sujets agricoles français et parfois internationaux qui ont animé l’actualité de l’époque.
En cette fin juillet-début août 1924, c’est le XIIe congrès de la Fédération de la Mutualité et de la Coopération agricoles (FMCA) qui retient l’attention des journaux de l’époque. Ce dernier a lieu dans la ville de Tours et accueille plus de 300 délégués. C’est l’ancien maire de la ville, devenu député et ministre de l’Intérieur, Camille Chautemps, qui souhaite la bienvenue à Albert Viger, président de la FMCA. Il a occupé lui-même plusieurs fois le poste de ministre de l’Agriculture entre 1893 et 1899. Les débats ont essentiellement tourné autour de quatre thèmes : le crédit agricole, l’artisanat rural, les sociétés d’intérêt collectif et l’assurance mutuelle-accidents.
Assurances
Au sortir de la guerre, l’Office national du crédit agricole est à la recherche de financements « pour assurer l’exécution des lois sur le crédit mutuel et la coopération agricoles », écrit le journaliste Eugène Rousset. Début juin, il ne restait plus 80 millions de francs disponibles. Les congressistes s’inquiètent de la disparition « de plus en plus générale dans les campagnes » d’une main-d’œuvre très spécialisée : charrons, maréchaux, maçons, couvreurs, bourreliers. L’apprentissage ne fait pas non plus recette et la FMCA propose notamment d’attirer les jeunes vocations en créant des bourses et des centres d’apprentissages et de permettre aux artisans « d’utiliser le crédit agricole sous toutes ses formes ».
C’est un docteur en droit, un certain M. Vast qui pointe les « insuffisances juridiques et défectueuses » d’un point de vue pratique des textes sur les sociétés coopératives* et les sociétés d’intérêt collectif **. Quant au thème des assurances, les congressistes jugent que l’application de la loi du 15 décembre 1922 est « sévère », qu’elle « contient des lacunes et des imprécisions », en particulier qu’il existe un vide juridique pour les coopératives agricoles qu’elles soient laitières sucrières, fromagères, viticoles….Cette même loi ne protège pas non plus les collaborateurs autres que les salariés prêtés qui pratiquent l’entraide mutuelle. Autant de doléances qui sont remontées au Gouvernement alors conduit par Edouard Herriot.
En clôture du congrès, Camille Chautemps insiste sur « l’urgence absolue (…) de favoriser le développement des petits bourgs en évitant ainsi l’exode vers les grandes villes des travailleurs des champs, dont la condition est ensuite bien plus misérable », indique le Figaro du 20 juillet.
« Maître silencieux »
L’Agriculture nouvelle dans son numéro du 26 juillet se réjouit du retour de l’Alsace à la France car elle donne au pays « des engrais potassiques à bon marché ». Le journaliste Lucien Brétignière, par ailleurs professeur à l'École nationale d'agriculture de Grignon, explique doctement qu’avant la guerre de 1914, quand l’Alsace était sous occupation allemande, la France ne consommait que 50 kg de potasse pure pour 100 ha quand elle atteignant 800 kg chez son voisin d’outre-Rhin. Le même journal relate le discours du Président du Conseil, Edouard Herriot, prononcé au banquet de la Société nationale d’encouragement à l’agriculture. (lire encadré). Dans un ton très aussi lyrique qu’amphigourique, le chef du Gouvernement loue les valeurs du paysan, « notre maître silencieux » et regrette, sous la plume du sénateur du Gers, Jean Philip, qu’on le « couvre de critiques malsonnantes ou de reproches amers et injustes ». Car au fond, « le paysan est le grand incompris. Pendant longtemps il fut méprisé (…) Il y a là une anomalie blessante et qui doit cesser. Plus que jamais la France a besoin du paysan ».
Christophe Soulard
(*) Qui s’occupent de production, transformation, conservation et ventes de produits agricoles venant exclusivement des associés.
(**) Qui fabriquent des matières, produits et instruments utiles à l’agriculture, construisent des abattoirs, entrepôts frigorifiques et réseaux électriques….
La SNEA
La Société nationale d'encouragement à l'agriculture (SNEA) a été créé en 1880 par le gouvernement de Léon Gambetta. Jules-François Mayjurou de Lagorsse devient le premier secrétaire général. La SNEA a pour but de soutenir les projets ministériels et de favoriser l'implantation des caisses de crédit mutuel et des coopératives. Elle cible en premier lieu les petits et moyens agriculteurs, quels que soient leurs modes d’exploitation. En cela elle se distingue de la Société des agriculteurs de France qui capte plus l’attention des propriétaires terriens tournés vers les grandes cultures. La SNAE édite une revue, La Semaine agricole, dont le dernier numéro paraîtra en 1934.