Éleveuse de chèvres depuis 2004 à Mornans, Amandine Courbis transforme en moyenne chaque année 45 000 litres de lait en picodons AOP. Amoureuse de son terroir, elle défend bec et ongles son métier, malgré des contraintes bien trop importantes.
Vingt ans d’amour et de passion pour ses bêtes. À 46 ans, Amandine Courbis parle de son métier avec joie, même si le quotidien n’est pas toujours facile. Cinquième génération d’une famille d’agriculteurs, elle a pris la suite de ses parents sur l’élevage caprin. Titulaire d’un BEP agricole et d’un BTA élevage et cultures fourragères, elle n’a pourtant pas reçu les encouragements familiaux pour reprendre l’exploitation. « J’ai été aide familiale pendant plusieurs années mais mes parents ne voulaient pas que je reprenne la suite. Ils étaient tellement dégoutés et épuisés de leur métier… ils ne m’ont pas encouragée du tout mais c’était ma passion. J’aime cet endroit, j’aime la nature, j’aime les animaux », explique-t-elle. Pourtant, quelques doutes l’ont habitée : « Avant de m’installer, je suis partie travailler un an dans les fermes en Australie. Je voulais prendre du recul et être sûre de mes choix ».
« Mieux valoriser mes produits »
À son retour, Amandine Courbis s’engage durant trois ans avec le syndicat caprin de la Drôme, où elle exerce en tant que technicienne. « Ce poste m’a permis de découvrir de nombreux modèles d’exploitations, d’échanger avec des gens expérimentés, d’être au contact du métier ».
Ainsi, depuis le 1er janvier 2004, elle élève un troupeau d’une centaine de chèvres chamoisées, nubiennes et saanens. « Mes parents vendaient le lait à la coopérative. Je l’ai fait pendant deux mois avant de demander mon agrément sanitaire européen pour créer une fromagerie et ainsi mieux valoriser mes produits », dit-elle. Elle se tourne alors vers la transformation fromagère en AOP Picodon : « Pour moi, c’était une évidence. C’est un savoir-faire, une démarche de qualité, une alimentation locale. De plus, cela montre l’attachement au terroir, au territoire », se réjouit Amandine Courbis, qui regrette toutefois que le pâturage ne soit pas vraiment reconnu dans l’AOP.
90 000 fromages par an
La chevrière-fromagère produit en moyenne 90 000 picodons par an qu’elle commercialise dans sa boutique à la ferme, sur les marchés de Carpentras et de Bourdeaux, dans les magasins de producteurs et petites épiceries, ou encore auprès des restaurateurs de la région. Celle qui trait manuellement ses 90 chèvres à raison de deux fois par jour ne changerait sa vie pour rien au monde. « J’aime ce métier par-dessus tout, je suis née dedans. Je suis très attachée à mes bêtes et j’aime l’environnement dans lequel on est. Dès que les conditions météorologiques le permettent, mes chèvres vont à l’extérieur pour valoriser notamment les 75 hectares (ha) de parcours. Nous disposons en tout d’une centaine d’hectares dont une trentaine en propriété. Notre objectif est qu’elles trouvent le maximum de leurs besoins alimentaires en extérieur », explique Amandine Courbis, qui, en 2018, a créé le Gaec Chez Amandine avec son mari Benjamin. Le couple dispose également d’une trentaine d’hectares en cultures fourragères (sainfoin, trèfle, vesce, avoine...). « Nous avons longtemps été en autonomie alimentaire pour les bêtes. Mais depuis cinq ans, à cause des épisodes de sécheresse, nous sommes obligés d’acheter de la luzerne sur pied dans les communes alentours. Cela nous permet aussi d’avoir une marge de sécurité sur l’alimentation ».
La prédation, inquiétude phare
Un seul détail pourrait en revanche tout faire basculer : la prédation. « Nous sommes situés en lisière de la forêt de Saoû. Nous savons que le loup est présent, je l’ai déjà vu devant la porte de la bergerie. Les chèvres aussi le ressentent, puisqu’elles ne veulent plus rester seules dans la montagne, et ce malgré la présence de nos deux chiens de protection. Si je ne suis pas avec elles, elles ne montent plus à la cime de la montagne », prévient-elle alors qu’elle rentre son troupeau tous les soirs. « Une chose est sûre : le jour où elles ne pourront plus aller dehors, j’arrêterai ce métier », déclare-t-elle avec regret.
Pour l’éleveuse, le pâturage est aussi gage de qualité gustative du lait. Et c’est aussi ce qu’elle essaie de promouvoir auprès de ses clients sur les marchés, les foires, ou encore lors des visites à la ferme. « C’est important pour moi de parler de mon métier, de sensibiliser à l’environnement, au partage de la nature, à l’alimentation locale. Communiquer permet d’apporter au grand public un autre regard sur le monde agricole ».
Dans le futur, Amandine Courbis envisage d’ailleurs de créer un gîte à la ferme, « avec toujours cette volonté de partage et de communication ». Parmi les autres projets, celui de doter la toiture d’un hangar de 400 m² de panneaux photovoltaïques pour être autosuffisant et ainsi baisser ces charges qui, à force d’augmenter, pourraient mettre à mal la pérennité de l’exploitation agricole.
Amandine Priolet
