Coopération internationale
Lait : quand échanges riment avec résilience
Lancé en janvier 2021, le projet européen Resilience4Dairy (R4D) animé par l’Institut de l’élevage a réuni, pendant trois ans, dix-huit organisations de seize pays européens. Objectif : renforcer les échanges entre les éleveurs laitiers, les chercheurs et les conseillers pour permettre au secteur laitier d’avoir davantage de résilience.
Le secteur laitier européen fait face à de nombreux défis. Aléas climatiques, politiques agricoles, réglementation, cours mondiaux, attentes des consommateurs de plus en plus fortes, structures grandissantes… Les éleveurs ainsi que toute la filière laitière européenne se doivent donc d’être davantage résilients. « Pour faire simple, explique Alice Berchoux de l’Institut de l’élevage, la résilience, c’est faire face à des aléas, réussir à s’adapter et finalement être plus fort ensemble. » C’est avec cet objectif de résilience qu’est né en janvier 2020 le projet R4D. Il a réuni, pendant trois ans, un réseau de 120 fermes pilotes dans seize pays européens, « de l’Espagne à la Finlande, en passant par l’Irlande. Nous avons à faire à des contextes sociaux et pédoclimatiques très différents, à une véritable diversité. L’objectif de ce projet est bien de trouver des leviers pour accroître la résilience du secteur laitier à l’échelle européenne. Les solutions, nous les avons, l’important est de les essayer », indique Alice Berchoux. Ainsi, chaque année, éleveurs, animateurs, chercheurs, conseillers… se sont retrouvés dans l’un des pays participants pour échanger sur des solutions concrètes, l’avancée de la recherche et du développement, « pour voir et comprendre ». Pour ce projet, la résilience a été observée par le biais de domaines d’expertise : économique et sociale, technique et environnement, bien-être animal, attentes du consommateur.
À la ferme des deux vallées
Parmi les 120 fermes pilotes, l’une d’entre elles se trouve dans le Rhône à Saint-Romain-de-Popey : la ferme des deux vallées. À quelques encablures de Lyon, l’exploitation est décrite comme « diversifiée et autonome en fourrage ». « Nous sommes sur un système très herbager, autonomes en céréales et paille », explique Simon Berthier, l’un des associés. L’exploitation compte, en effet, 161 ha de surface agricole utile (SAU) dont 137 ha en prairies permanentes et temporaires et 15 ha de céréales. Les exploitants cultivent encore 9 ha de maïs ensilage qui, aux dires d’Alexandre Berthollier, l’autre associé, va tendre à diminuer au profit de prairies. En effet, depuis 2020, la ferme est équipée d’un séchage en grange qui permet de nourrir les 160 chèvres alpines. « Nous espérons augmenter la part de l’alimentation issue de ce séchage car nous avons noté une réelle augmentation des taux protéique et butyreux depuis sa mise en route. Notre objectif est qu’à terme nous puissions mettre la première coupe en bottes, pour nourrir nos quelque 45 vaches laitières », a poursuivi l’éleveur. En hiver, grâce au séchage en grange, l’exploitation économise 250 g/jour/chèvre de concentré. Augmenter la surface herbagère, les associés y sont sensibles depuis longtemps, et des solutions sont apparues après leur voyage notamment en Irlande dans le cadre du programme R4D. Autre apport de ces échanges européens : opter pour un croisement trois voies en bovin lait (prim’holstein, montbéliarde et rouge scandinave) pour élever des vaches plus rustiques et économiques. « Nous avons d’ores et déjà acheté des génisses d’un an et demi », souligne Simon Berthier. Enfin, s’ils le peuvent, les deux associés espèrent passer en monotraite.
Marie-Cécile Seigle-Buyat
Ferme des deux vallées
Fiche d’identité
162 ha de SAU dont près de 140 ha de prairies.
1 ha de cerisiers.
45 vaches laitières avec 260 000 l de lait vendus à Sodiaal et 40 000 l transformés à la ferme.
160 chèvres alpines avec 80 000 l transformés à la ferme et 10 000 l livrés à Agrial.
250 poules pondeuses en plein air.
60 brebis charollaises pour valoriser les terrains non mécanisables et éloignés.
Une production largement vendue en direct sur quatre marchés de proximité (Tarare et Saint-Genis-Les-Ollières) et en magasins de producteurs.
Les besoins des éleveurs
Pour fournir des solutions innovantes et efficaces, faut-il encore connaître les besoins. Ainsi, 535 éleveurs et conseillers des seize pays participants ont répondu à un questionnaire sur leurs attentes. L’équilibre professionnel/vie privée (82 %), l’amélioration de la rémunération (80 %) et l’amélioration du bien-être des vaches (80 %) sortent en tête à l’échelle européenne. En France, si l’équilibre vie professionnelle/vie privée tient la corde, la flexibilité des conditions de travail arrive en deuxième position avant la question de la rémunération. A contrario, les éleveurs européens ne ressentent que très peu le besoin d’outils innovants d’identification ou de localisation des animaux (38 %).