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Récoltes de soja : pourquoi  les parcelles restent vertes ?

Depuis plusieurs jours, les récoltes de soja mettent en évidence différents phénomènes. Si certains, en lien avec les fortes pressions de ravageurs, étaient à craindre, d’autres plus surprenants sont la conséquence du scénario climatique. L’effet cumulatif de ces différents phénomènes rend par conséquent difficile l’estimation de la part de chacun.

Récoltes de soja : pourquoi  les parcelles restent vertes ?
Malgré le raccourcissement de la durée du jour, le maintien de températures élevées a pour conséquence la poursuite de l’activité photosynthétique. Les organes tels que les feuilles et les tiges se maintiennent verts. ©Terres Inovia

Avant toute chose, il s’agit de rappeler que les variétés de soja cultivées en France sont des plantes au développement indéterminé. Cela signifie qu’en l’absence de modification climatique, telle que la baisse des températures, les plantes maintiennent une activité photosynthétique et n’entrent pas en sénescence. Elles peuvent même aller jusqu’à continuer de fleurir. C’est le phénomène actuellement rencontré dans les parcelles de sojas, et observable au-delà, puisque les couleurs de l’automne se font attendre. En effet, malgré le raccourcissement de la durée du jour, le maintien de températures élevées a pour conséquence la poursuite de l’activité photosynthétique. Les organes tels que les feuilles et les tiges se maintiennent verts. Une baisse des températures permettra alors la décoloration puis la chute des feuilles, (via la synthèse d’acide abscissique). Néanmoins, bien souvent sur ces parcelles encore vertes, les graines sont à maturité, avec des humidités régulièrement inférieures à 14 %. Par conséquent, il est essentiel de ne pas tenir compte de l’effet visuel et d’engager la récolte. De plus, le retour des pluies fin août après un épisode caniculaire et le maintien des températures autour de 30 °C ont pu permettre au soja de poursuivre son développement avec la formation de nouvelles gousses, expliquant la présence de graines immatures sur les derniers étages. Ces températures élevées cumulées à des conditions sèches en août ont alors pu entraîner un arrêt précoce du remplissage. Les symptômes visuels se traduisent alors par des petits grains et/ou surtout grains flétris (voir photo ci-dessous). Dans les conditions de l’année, ce type de symptômes est alors confondant avec ceux causés par les ravageurs, en particulier la punaise. Fait moins fréquent, une entrée en germination de certains grains immatures est constatée. Bien qu’immatures, ces graines ont tout de même atteint un stade suffisant pour leur permettre de germer (phase de division cellulaire terminée, soit environ 18 jours après la fécondation pour le soja). À ce stade, les graines possèdent la capacité de germer, mais cette germination ne s’exprime normalement pas car elles rentrent dans un phénomène de dormance. Sur ces parcelles, le déclenchement de la récolte doit être le résultat d’un compromis entre assurer l’essentiel de la récolte des grains matures et secs, et le risque d’avoir de la perte sur les grains immatures. La poursuite des conditions sèches permet cependant d’attendre, or il ne faudra pas prendre le risque de récolter après la prochaine pluie.

Recrudescence de punaises

Nombreuses sont les parcelles présentant une proportion importante de grains ridés. C’est la conséquence d’attaques particulièrement fortes de punaises. En 2023, les attaques de punaises se caractérisent par des arrivées précoces, parfois dès la fin juin, et des pullulations inédites. Tandis qu’habituellement, les arrivées tardives, au-delà de la mi-août n’entraînent guère de dégât autre qu’une légère dégradation de la qualité visuelle, problématique en alimentation humaine, cette année les arrivées précoces ont impacté le remplissage. Dans de nombreuses de situations, des interventions dès début août, voire en juillet pour les plus précoces, se justifiaient par l’atteinte du seuil de nuisibilité. Les références historiques en matière de protection insecticides font état de bonnes efficacités de la lambda-cyhalothrine. Pourtant, plusieurs retours cette année, indiquent une efficacité aléatoire, jusqu’à même une absence d’efficacité. Il est à noter que dans un certain nombre de ces situations, les interventions ont eu lieu tardivement, sur des pressions déjà très importantes (plusieurs punaises par plantes sur au moins 80 % des plantes).

Quelle nuisibilité pour la punaise ?

La réponse à cette question fréquemment posée en cette fin de campagne est assez incertaine. Elle dépend fortement de la concordance entre la date d’arrivée des insectes et le stade de la culture. On note d’ailleurs, dans un même secteur, une moindre sévérité d’attaque sur les variétés les plus précoces. Néanmoins, les travaux passés semblent définir un niveau de perte de 10 % de rendement à partir de 3-4 individus/m linéaire entre les stades R6 et R7. Or, cette année, avec une pression autrement plus importante, des pertes supérieures à 20 % semblent avoir été atteintes. Par ailleurs, l’accumulation des facteurs (punaises et arrêt prématuré du remplissage), amplifie le phénomène et ne permet pas de dissocier l’impact de chacun des facteurs.

Arnaud Micheneau, Terres Inovia [email protected] 

Votre contact régional : Laura Cipolla [email protected]