Dans la mesure où le paiement du fermage est une des obligations principales du fermier, le défaut de paiement peut, sous certaines conditions, donner lieu à une procédure de résiliation judiciaire du bail.
Question : Éleveur de père en fils, mon exploitation rencontre de fortes difficultés financières liées à la crise. Ainsi, je n’ai pas pu payer tous mes fermages à temps. Si la plupart des bailleurs se montrent patients et compréhensifs, je crains qu’un propriétaire profite de la situation pour résilier notre bail. Pouvez-vous me dire si le fait de régler le fermage en retard donne le droit au bailleur de résilier ?
Réponse : Malheureusement, vous n’êtes pas le seul agriculteur qui rencontre des difficultés de trésorerie. Celles-ci sont généralement liées à des faits extérieurs à l’exploitation mais peuvent mettre en péril l’ensemble de l’entreprise.
Dans la mesure où le paiement du fermage est une des obligations principales du fermier, le défaut de paiement peut, sous certaines conditions, donner lieu à une procédure de résiliation judiciaire du bail. Le code rural prévoit dans son article L. 411-53 les différents motifs de résiliation du bail. Concernant le défaut de paiement, il est stipulé : « deux défauts de paiement de fermage () ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance () ». Si ces conditions sont réunies, le bailleur peut saisir le tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR) qui, après analyse des différents éléments, procédera ou non à la résiliation du bail.
Concrètement, on distingue deux situations :
1- le fermier n’a pas réglé une échéance (pour l’année 2022)
Le fermage 2022 doit être réglé au 1er novembre. N’ayant pas reçu son fermage, le bailleur s’impatiente et envoie, en janvier 2023, une première mise en demeure avec un délai de paiement pour avril 2023. En mai, il n’a toujours pas reçu son fermage : il décide d’envoyer une seconde mise en demeure. En août (au plus tôt), le bailleur peut alors saisir le TPBR.
2- le fermier n’a pas réglé deux échéances (pour 2021 et 2022)
La cour de cassation a jugé que si le paiement de deux termes est demandé, une seule mise en demeure est nécessaire. Donc, pour reprendre l’exemple ci-dessus, le bailleur qui aura envoyé une première mise en demeure en janvier 2023 en réclamant le paiement des deux échéances (2021 et 2022) pourra saisir le TPBR trois mois après la première mise en demeure, c’est-à-dire en avril 2023.
Sachez qu’un paiement partiel effectué par le fermier ne sera pas suffisant pour éviter la résiliation du bail. En revanche, le paiement tardif de l’ensemble des sommes dues peut éventuellement faire échec à la demande de résiliation judiciaire. En effet, les motifs de résiliation sont appréciés à la date de l’introduction de l’instance (c’est-à-dire le jour où le bailleur saisit le TPBR). Si le fermier règle ses fermages avant la saisine du tribunal, la demande de résiliation ne pourra être accueillie : le défaut de paiement doit exister au moment de la demande en justice. La cour de cassation a rendu plusieurs arrêts dans ce sens.
Toutefois, la prudence s’impose. Le non-paiement dans le délai de trois mois donne le droit au propriétaire de demander la résiliation.
Pour revenir à votre question qui lie le retard de paiement à la crise ; l’article L 411-53 prévoit que « les motifs mentionnés ne sauraient être retenus en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes. » Parmi ces causes, ont été jugées les situations suivantes : le montant excessif du fermage qui dépasse largement les valeurs autorisées par arrêté préfectoral, la perte des biens loués suite à un incendie, la non-exécution par le bailleur de ses obligations, le mauvais état de santé du preneur ou de sa femme, la perte de récolte consécutive à une inondation, l’inexactitude des comptes présentés dans la mise en demeure… Ces différentes situations n’exonèrent pas le fermier du paiement mais excusent seulement son retard.
Bref, comme dans la plupart des situations entre bailleurs et fermiers, une solution peut être trouvée dans le code rural. Mais une bonne communication entre agriculteurs fermiers et propriétaires fonciers peut souvent éviter le recours à ces règles de droit. Une explication détaillée de votre situation au bailleur ou même de la crise touchant votre secteur, évitera certainement un litige. n
Le service juridique
de la FDSEA 26
Nathalie Kotomski