Évolution technologique
« L’intelligence artificielle est compatible avec l’agriculture familiale »
L’intelligence artificielle (IA) est compatible avec l’agriculture familiale et avec l’agroécologie, car adaptable à du matériel existant, évitant ainsi des achats coûteux en équipements. Elle est donc à la portée d’une exploitation à taille humaine. C’est ce qui ressort d’un débat organisé par l’Acta, la tête de réseau des instituts techniques agricoles.
«Je trouve navrant qu’on dise que l’intelligence artificielle (IA) n’est pas compatible avec l’agriculture familiale (exploitations de moins de 100 ha). Dans la vallée du Rhône, on voit des tracteurs de plus de quinze ans sur lesquels on installe des GPS », a déclaré la Drômoise Anne-Claire Vial, présidente l’Association de coordination des instituts techniques agricoles (Acta) à une conférence-débat organisée dernièrement sur le thème « connecter l’intelligence artificielle et l’agriculture ». Sur ces exploitations de taille moyenne, des tracteurs plantent des tomates et ce faisant, mémorisent le parcours des buttes plantées, et « au passage d’après on n’a pas besoin de toucher au volant ». Anne-Claire Vial a voulu montrer que l’intelligence artificielle (IA) permet des économies de machinisme grâce à son adaptation avec les outils existants. Elle a aussi cité à ce propos le projet Farmtopia* porté par Arvalis, dont l’objectif est de démocratiser l’agriculture numérique grâce à des solutions intelligentes adaptées aux petites exploitations. « Cela consiste, par exemple, à installer des outils de pulvérisation ciblée d’herbicides sur des matériels existants », a précisé Anne-Claire Vial.
Suivi individuel
L’IA rend possible une gestion fine des cultures et des élevages. L’Institut technique de l’aviculture (Itavi) développe le comptage des poules et la reconnaissance individuelle de chacune dans un poulailler, afin de suivre leur évolution, a témoigné Mehdi Siné, directeur scientifique, technique et numérique de l’Acta. L’Institut de l’élevage (Idele) met au point l’estimation du poids d’un bovin à partir d’une image. Le niveau de perfectionnement de l’IA permet la cueillette de fruits par des drones sur des branches élevées, en combinant l’IA avec la vision par ordinateur, la robotique avancée et l’ingénierie aéronautique. Déjà les instituts techniques agricoles se servent de l’IA dans plusieurs domaines pour diffuser des solutions aux agriculteurs, a indiqué Mehdi Siné. D’abord dans les aides à la décision, pour aider les exploitants à faire les bons choix techniques. Ensuite avec la vision par ordinateur, on utilise les capacités de l’IA à détecter, classifier et estimer la présence de parasites et de maladies. Une autre grande catégorie d’utilisation de l’IA est la robotique. « Celle-ci se développe énormément pour réduire la pénibilité et automatiser des tâches difficiles à exécuter ».
Productivité, synthèse
Enfin l’IA générative, forme d’intelligence artificielle apparue il y a deux ans, qui vise à créer des contenus originaux à partir de données d’apprentissage, réserve « plein d’utilisations pour augmenter la productivité et faire des synthèses ». Le directeur scientifique de l’Acta a cité une application en cours de l’IA générative à la formule des « jumeaux numériques » pour des fermes virtuelles. Celles-ci permettront de tester des scénarios de cultures ou d’élevages sans risques d’impacts sur les fermes expérimentales réelles. De même, l’Acta travaille sur le projet d’édition automatisée du Bulletin de santé du végétal, connu des exploitants et des conseillers agricoles, grâce à une IA spécifiquement entraînée pour cet usage-là. « On devrait passer ainsi d’une journée de travail à une heure pour le rédacteur du bulletin. »
La rédaction
Des gains de productivité qui restent à prouver
Tous les chercheurs ne s’accordent pas sur les gains de productivité que pourrait générer l’intelligence artificielle. « On voit dans les médias un florilège d’articles extatiques sur les promesses de l’IA pour la productivité globale. Des experts internationaux comme Goldmann Sachs et Mc Kinsey, disent n’importe quoi sur le sujet, en annonçant des taux d’augmentation de productivité de l’économie de 2 à 6 % par an », a lancé Gilles Babinet. Il a cité l’économiste turco-américain Daron Acemoglu, professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui chiffre l’incidence de l’IA sur la productivité globale à seulement 0,06 % par an. « On ne voit pas dans les statistiques de productivité d’effet de la loi de Moore sur l’économie », constate-t-il. Selon cette loi (du nom de Gordon Moore, cofondateur du groupe américain Intel dans les années 1960) les capacités des transistors dans les microprocesseurs doublent tous les 24 mois. Par comparaison, les capacités du moteur à explosion n’ont été multipliées « que » par quatre depuis le XIXe siècle.