Lavandiculture
A Solaure-en-Diois, la distillerie fonctionne à la paille de lavande
La distillerie de Solaure-en-Diois est historique dans le territoire. Malgré les avancées technologiques, les lavandiculteurs qui la gèrent via une Cuma ont choisi de continuer à utiliser de la paille de lavande pour leur chaudière. Un système devenu rare permettant des économies de combustible et du zéro déchet.
Pour s’arrêter à la distillerie de Solaure-en-Diois, il faut longer la D93 et tourner un peu après le village de Pont-de-Quart. Environ vingt-cinq lavandiculteurs sont regroupés au sein de la Cuma de Saulore et mutualisent l’utilisation de l’alambic. « Il y a eu sur la Drôme une douzaine d’alambics installés par la Sica de la lavande, basée à Montguers, pour permettre à tous les producteurs de pouvoir distiller, explique Philippe Chaffois, lavandiculteur à Recoubeau-Jansac et ancien président de la Cuma. Puis la Sica a fait faillite dans les années 1980 et les alambics sont restés sans statuts. Alors le conseil départemental de l’époque les a rachetés et nous a demandé de créer des Cuma locales. » Cela fait environ six ans que la Cuma est propriétaire de son alambic, son président est Grégory Armand, producteur à Montmaur-en-Diois.
Une chaudière pas comme les autres
De grands tas de paille de lavande sont disposés devant la chaudière de la distillerie. La paille est ensuite bourrée par un ouvrier embauché par la Cuma, dans l’impressionnant dispositif qui permet la distillation. Philippe Chaffois se souvient, qu’avec l’arrivée des chaudières à gaz ou à mazout, les producteurs de la distillerie de Solaure-en-Diois sont passés pour « les arriérés du coin ». Mais le collectif n’a pas trouvé nécessaire d’en changer. « Maintenant on est à la pointe des énergies renouvelables », s’amuse-t-il. Avec le prix du gaz et du mazout qui augmentent, ainsi que toutes les charges liées à la production d’huiles essentielles, le producteur voit une façon de faire une belle économie, en utilisant un combustible local.
La technique de l’utilisation de la paille est simple car les lavandiculteurs de la Cuma utilisent de la lavande préfanée. Lorsqu’ils la coupent, ils la laissent sécher, en vrac ou en bottes, de deux à quatre jours dans le champ, selon la météo. Puis les producteurs l’amènent à la distillerie où elle est placée dans des cuves de 6 000 litres pour distillation. Lorsque l’essence est extraite, la lavande est assez sèche pour être utilisée en combustible. Cette méthode ancestrale est finalement assez peu utilisée aujourd’hui et permet un circuit court de la distillation, mais aussi le zéro déchet.
Pour assurer un bon chiffre d'affaires, Philippe Chaffois produit 20 à 25 vases d’essence de lavande en bio, contre 60 lorsqu’il était en conventionnel. © EP
Des hauts et des bas
Philippe Chaffois s’active et descend le petit escalier de la distillerie. Il doit récupérer son essence de lavande fraîchement distillée. Il jette un œil au vase d’essence, l’huile essentielle, plus légère que l’eau, est bien remontée à la surface. Ce premier vase de la matinée lui aura pris une heure de distillation. La Cuma de Saulore offre avant tout une prestation de service aux producteurs souhaitant distiller, la gestion financière se fait à la facturation à l’heure. Ce matin-là, Philippe Chaffois fera trois vases.
Dans la Cuma, les adhérents sont tous différents mais travaillent sur des variétés à plus-value. La variation des prix et les conditions de production dans les zones de montagne ne leur laissent pas d’autre choix que de se démarquer. Ainsi, ils produisent des lavandes fines, des lavandes de population, clonales et quelques lavandins. « On ne peut pas lutter avec les lavandins de la vallée du Rhône », souligne l’ancien président de la coopérative d’utilisation de matériel agricole. Des hauts et des bas, l’exploitant de 58 ans en a connu, mais il a su rebondir et proposer des variétés adaptées à son terrain.
La lavande en bio apporte une plus-value aux territoires de montagne car les prix de vente sont plus élevés. Vingt ans auparavant, ils étaient deux producteurs en bio, aujourd’hui ils sont une quinzaine de membres de la coopérative à avoir le label. Si les volumes sont plus petits, les prix du marché permettent l’équilibre. Pour un bon chiffre d’affaires, Philippe Chaffois produit 20 à 25 vases d’essence de lavande en bio, contre 60 lorsqu’il était en conventionnel.
Les producteurs de la Cuma se retrouvent autour d’un café pendant que d’autres s’activent à aider pour bourrer la chaudière, ou déposer les pailles de lavande. Sur l’ensemble des adhérents de la coopérative, très peu font de la lavande en culture principale. La présence de l’alambic sur le territoire leur simplifie la vie pour distiller, même en petite quantité. En tout, 150 à 220 vases d’essence sont produits chaque année à la distillerie de Solaure-en-Diois. En circuit court, cette distillerie ancestrale deviendra, peut-être, un modèle d’utilisation d’énergies renouvelables dans le futur.