Droit rural
Quels droits d’eau ?

Quand l’eau vient à manquer, chacun se met à rechercher quels droits il possède sur une source, un puits, un lac, un ruisseau…car le droit d’usage de l’eau peut varier sensiblement d’une situation à l’autre.

Quels droits d’eau ?
©Archives AD

Prenons l’exemple du riverain d’un cours d’eau non domanial, c’est à dire d’un cours d’eau n’appartenant pas au domaine public, dont les riverains sont propriétaires de la moitié du lit. Dans le but d’irriguer ses terres, ce propriétaire a fait réaliser sur la rivière qui borde sa propriété, d’abord un canal puis un étang, ce qui a provoqué la colère des autres riverains victimes d’une diminution du débit gênant l’irrigation normale de leurs propres terrains.
L’article 644 du code civil permet à celui dont la propriété borde une eau courante de s’en servir à son passage pour l’irrigation de ses biens et quand l’eau traverse la propriété, il lui est permis d’en user à charge de la rendre à la sortie de son fonds. Mais à cela la jurisprudence ajoute une exigence : il faut que cet usage reste raisonnable.
La Cour de cassation estime qu’il ne faut pas que l’importance des installations de dérivation et de prélèvement soit une entrave à l’usage de l’eau par les autres riverains. L’usage de l’eau ne doit pas être discrétionnaire, sinon il peut être sanctionné s’il provoque un dommage pour les propriétés voisines (Cass. 3e civ. 21 fev. 2001- Loiseau c/Roux). Bref : il ne faut pas abuser de son droit même dans le prélèvement d’eau d’une rivière.

Autre exemple, celui d’une source : elle appartient au propriétaire du terrain sur lequel elle se trouve, ce propriétaire pouvant user de l’eau à sa volonté dans les limites et pour les besoins de son bien. Toutefois le code civil prévoit aussi qu’il ne peut en user de manière à enlever aux habitants d’une commune, village ou hameau « l’eau qui leur est nécessaire. » (Art.642 al.3 C civ.).

S’appuyant sur ce texte, une commune avait effectué sur un terrain privé des travaux de captage et de dérivation au profit de ses habitants, provoquant le tarissement des sources. Malgré un arrêté préfectoral tardif d’utilité publique, les juges ont condamné la commune à indemniser le propriétaire pour défaut d’autorisation et de titre juridique. Ils ont estimé que la « nécessité » exigée par le code civil n’était pas démontrée et donc en l’absence de titre, les travaux étaient une « voie de fait » condamnable (Cass. civ. 21 fev. 2001.RD rur. 2001, p.202).

Dans le même esprit, une autre décision juge irrégulière la captation d’une eau de source par un seul voisin, au motif qu’il ne s’agit pas d’un « hameau », et rappelle qu’une source appartient privativement aux propriétaires du fonds sur lequel elle jaillit. (Cass. 3e civ. 19 janv. 2000. JCP-G-8 mars 2000). Ces décisions sont conformes à une jurisprudence ancienne et permanente, qui exige qu’il s’agisse bien d’une communauté (4 déc. 1895), d’une eau de source ou courante (14 fév.1872) et enfin que l’eau soit nécessaire et pas seulement utile (Cass. civ. 2 juin 1958, JCP 1958 IV 106). En dehors de ces conditions, le droit de prélever les eaux d’une source ne peut exister qu’avec l’autorisation expresse du propriétaire du fonds.

Servitudes de puisage, d’aqueduc, d’appui ou d’écoulement, toutes sortes de possibilité sont offertes aux propriétaires et voisins pour organiser entre eux l’usage de l’eau. Encore faut-il que ces droits soient connus et correctement établis, puis utilisés car parallèlement grandit l’exigence de la qualité de l’eau.

Le Service juridique rural de la FDSEA 26 Nathalie Kotomski