TÉMOIGNAGE
« La méthanisation représente un élevage supplémentaire en temps de travail »
En Isère, l’unité de méthanisation Agrimetha du Pouloux a dépassé ses ambitions en termes de production. Mais au prix d’adaptations majeures et d’un temps de travail non négligeable.
Alors que la France s’est fixé pour objectif de couvrir 10 % de sa consommation en gaz par du biogaz en 2030, les projets de méthanisation se sont multipliés ces dernières années. En janvier 2023, l’Ademe comptait ainsi plus de 1 300 unités de méthanisation en France. Parmi elles, Agrimetha du Pouloux, unité mise en place par deux frères agriculteurs, Olivier et Raphaël Point, à Saint-Barthélémy en Isère. Un véritable « challenge » pour ce dernier, qui avait « envie d’apprendre de nouvelles choses ».
L’équivalent de la consommation en chauffage de 4 000 foyers
Les deux frères ont choisi le modèle d’injection. Ainsi, le biogaz produit par leur unité de méthanisation est directement injecté dans le réseau afin d’être utilisé pour des usages de chauffage. Alors que les travaux ont démarré en novembre 2020 et l’injection en mars 2022, l’unité produit aujourd’hui l’équivalent de la consommation en chauffage de 4 000 foyers.
Les deux frères sont éleveurs et possèdent un cheptel d’environ 400 veaux chacun, grâce auquel ils ont un gisement de 2 500 tonnes de fumier pour le méthaniseur. Raphaël possède 120 hectares de cultures (céréales, maïs, blé, colza...), son frère Olivier 200 hectares. « L’État français a bloqué la part de cultures principales dédiées à la méthanisation à 15 % du volume entrant. Mais nous avons fait le choix d’être à 0 % de cultures dédiées, explique Raphaël Point. Nous voulions que la méthanisation soit un plus. En revanche, nous avons mis en place des CIMS (cultures intermédiaires multiservices, NDLR), entre deux plantations de maïs principalement. » Si l’éleveur ne souhaite pas donner le chiffre d’affaires de l’unité de méthanisation, il est clair : « Le bilan économique est très bon. Deux ans et demi après, nous avons dépassé nos objectifs. Nous visions une production annuelle de 10 GWh. Nous allons bientôt atteindre 16 GWh. L’installation était légèrement surdimensionnée pour avoir une marge. Et on est monté en puissance avec des gisements de déchets agricoles qui se sont présentés, et notamment ceux d’une grosse usine de compote locale. Et on a la chance d’avoir une très bonne biologie, qui permet une très bonne fermentation. »
Un investissement non négligeable
Sur un budget d’investissement global de 5 millions d’euros, l’unité de méthanisation a reçu un peu plus de 800 000 € de subventions de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, du Département de l’Isère et de l’Ademe. La SAS Agrimetha du Pouloux a par ailleurs souscrit un prêt sur quinze ans, adossé à un contrat de vente au tarif d’achat soutenu par l’État qui garantit une rémunération fixe au producteur pour chaque MWh. « C’est un gros engagement. Quand on a mis un pied dans la méthanisation, il n’y a pas de marche arrière », lâche Raphaël Point, qui tient également à nuancer : « Les chiffres peuvent paraître flatteurs. Mais la rentabilité est très bonne quand les choses se passent bien. Pour être rentable, il faut que l’unité tourne 12 mois sur 12. S’il n’y a que 11 mois de production, on ne boucle pas le budget. S’il y a un gros problème, de biologie par exemple, qui empêche de produire durant deux mois, ce sera une année à perte. »
Par ailleurs, l’unité de méthanisation nécessite de nombreux aménagements dans la façon de travailler des agriculteurs. « Il y a beaucoup de contraintes. La méthanisation représente un élevage supplémentaire en temps de travail. Nous avons embauché un salarié dédié à l’unité. Nous avons choisi de faire la maintenance nous-même. Et nous avons organisé un planning d’astreintes car on peut être amenés à intervenir à n’importe quelle heure. Notre plus grosse difficulté se situe dans la gestion du temps de travail supplémentaire. Mais on a également dû changer de méthodes d’exploitation », explique Raphaël Point. Ainsi, les agriculteurs sont passés du 100 % labour à des méthodes sans travail du sol avec semis direct et cultures intermédiaires. Ce qui a nécessité de changer de matériel agricole. Et le facteur météo est primordial non seulement sur le plan cultural mais également biologique car le processus de méthanisation est très sensible à l’humidité. Mais il y a aussi des points positifs : « On achète beaucoup moins d’engrais car le digestat produit est un fertilisant beaucoup plus intéressant que le fumier, plus facilement assimilable par la plante, homogène, et donc plus facile à maîtriser que le fumier. »