ÉCONOMIE CIRCULAIRE
Automobile : quand les casses assurent un recyclage à plus de 95 %
En moins de vingt ans, certaines casses automobiles sont devenues des entreprises à la pointe du recyclage et du réemploi de pièces et matériaux. Exemple à Livron, chez GPA, qui collecte, dépollue et recycle plus de 25 000 véhicules par an.
Et si les casses automobiles faisaient partie des précurseurs dans le domaine de l’économie circulaire appliquée aux produits industriels ? L’idée peut faire bondir les puristes de l’écologie tant l’automobile est montrée du doigt pour son impact sur l’environnement. Pourtant, la réalité est là. La récupération et le recyclage sur les véhicules hors d’usage (VHU) se pratiquent depuis très longtemps grâce aux casses. Certaines sont même à la pointe dans ce domaine, telle l’entreprise GPA, sigle de Géant Pièces Automobiles, à Livron dans la Drôme.
130 000 pièces vendues par an
Les plus anciens se souviennent de cette casse, fondée par Edward et Léone Renaud dans les années 1960. On venait y démonter soi-même les pièces sur des voitures accidentées. Mais cette image appartient au passé. Désormais, à partir de sa plaque d’immatriculation, on peut commander la pièce recherchée par téléphone ou internet et la récupérer au drive ou se la faire expédier partout en France. « Nous vendons autour de 130 000 pièces par an, 60 % auprès de professionnels, 40 % à des particuliers », commente Geoffrey Pedrajas, responsable du développement commercial chez GPA. Toutes proviennent d’une partie des 25 000 voitures collectées chaque année par GPA, qui seront soit revendues en l’état, soit dépolluées et démontées. « 99 % de ces approvisionnements viennent de contrats avec des compagnies d’assurance. Il s’agit de voitures accidentées mais aussi de sinistres d’inondation, d’incendie, de vol lorsque le véhicule est retrouvé alors que l’assuré a déjà été remboursé », énumère Geoffrey Pedrajas.
Depuis 2020, l’entreprise a choisi de fermer son magasin et de ne pratiquer que la vente à distance. 35 personnes sont dédiées au commerce au sein d’un call center (centre de relation client) ultra-moderne. « Sur notre dernier exercice, nous avons vendu pour 14 M€ de pièces de réemploi. En moyenne, ces pièces valent un quart de leur prix neuf. Nous faisons faire d’importantes économies à nos clients et nous contribuons à sauver des véhicules qui n’auraient pas pu l’être sans pièce d’occasion », argumente le responsable.
Démontage à la carte
Derrière ces chiffres, une stratégie commerciale implacable, gérée par des algorithmes propres à l’entreprise. « Dès qu’un véhicule arrive sur site, on sait à partir du rapport d’expertise s’il sera démonté dans notre usine ou remis en état pour être vendu comme véhicule d’occasion », signale Geoffrey Pedrajas. Les algorithmes vont permettre de déterminer les pièces à récupérer sur chaque véhicule destiné à être démonté. Un démontage à la carte en somme, en fonction de qui est récupérable sur le véhicule d’après le rapport d’expertise, mais aussi des pièces que GPA a déjà en stock et de celles que l’entreprise sait vendre. Par exemple, un moteur en état de marche ne sera pas forcément récupéré par GPA si l’entreprise en a déjà suffisamment en stock. « En 2021, sur 12 519 véhicules démontés, dont le poids moyen était de 1 100 kg, nous avons récupéré en moyenne 134 kg de pièces que nous avons vendues en direct. 316 kg ont constitué des lots pour l’export, pour la rénovation ou pour la matière et enfin 650 kg sont partis au broyage », précise l’opérateur responsable du suivi des performances de recyclage et valorisation chez GPA. Le broyage est réalisé sur le site de GPA par le groupe Derichebourg. Celui-ci assure ensuite, dans ses propres usines, le tri post-broyage et réintroduit les déchets (métaux ferreux, non ferreux, verres, plastiques…) dans des cycles de production comme matières premières secondaires.
« Sur une voiture qui pèse une tonne, nous arrivons à réinjecter 997 kg dans d’autres filières », affirme Geoffrey Pedrajas. Soit un taux de réutilisation et de valorisation de 99,7 %, là où la loi exige 95 %*. Ce qui fait dire au responsable GPA : « L’automobile est le bien de consommation le mieux recyclé en France ».
Sophie Sabot
*La directive européenne 2000/53/CE du 18 septembre 2000 fixe les règles de gestion des VHU, à savoir, depuis 2015, un taux minimum de réutilisation et de valorisation de 95 % en masse du VHU, soit moins de 5 % de déchets ultimes.
Le démontage chez GPA
Depuis 2019, GPA dispose d’une usine de 17 000 m² dédiée au démontage, stockage et à l’expédition des pièces d’occasion. Une fois le véhicule sur la ligne de démontage, il fait l’objet d’une dépollution complète. Huit postes se succèdent sur lesquels chaque opérateur dispose, via un écran de commande, d’instructions précises sur les pièces à récupérer. Le véhicule est d’abord mis sous tension pour un contrôle électrique et électronique. Les batteries (revendues par GPA si elles sont en état ou retraitées par un prestataire) et airbags (retraités exclusivement par des sociétés spécialisées) sont ensuite retirés. Puis sont démontés les roues et passages de roues, les pare-chocs. Le véhicule poursuit son parcours pour un démontage des serrures et neiman qui peuvent être revendus en lot avec clé. Vient ensuite la récupération des ouvrants : blocs portières et hayon arrière qui seront désassemblés si les algorithmes ont identifié un besoin de pièces spécifiques type lève-vitre par exemple. Puis le véhicule est dirigé vers le poste de récupération de l’huile, carburant, liquide de frein, gaz de climatisation… Il est alors placé sur un pont élévateur où les réservoirs sont percés par des opérateurs agréés. Les fluides sont collectés via des canalisations spécifiques et récupérés par des sociétés spécialisées dans leur recyclage, à l’exception de l’essence qui alimente une chaudière importée spécialement des Etats-Unis pour chauffer l’usine GPA.
Sont ensuite récupérées les petites pièces intérieures : volant, levier de vitesse, ceintures de sécurité, commandes de chauffage, pare-soleil… Enfin, le véhicule est retourné à 90° pour récupérer la ligne d’échappement, désassembler le train arrière, déboulonner le moteur. Avant un ultime contrôle et l’envoi de la carcasse au broyage.
À noter, dès son démontage, chaque pièce est identifiée par un QR code et enregistrée dans les stocks. Elle sera photographiée pour le site internet après avoir subi si nécessaire un lavage.
GPA projette de développer aussi le démontage de poids lourds voire de véhicules agricoles. Reste à trouver des circuits d’approvisionnement pour le matériel agricole hors d’usage.
S.Sabot
Une formation de démonteur automobile
GPA embauche 207 personnes, dont la moitié à la production (de la réception des voitures à l’expédition des pièces). Geoffrey Pedrajas reconnaît qu’il est parfois compliqué de recruter des démonteurs. « Les gens qualifiés pour ce travail sont des mécaniciens, indique-t-il. Or pour quelqu’un qui est formé à réparer des voitures, le démontage est un peu contre-nature. C’est pourquoi, sur nos lignes de production, nous avons essayé de créer les conditions de travail les plus ergonomiques possibles. Depuis l’année dernière nous avons également instauré avec le CFA de Livron un certificat de qualification professionnelle “démonteur automobile” accessible en alternance sur une durée de 6 mois. »