Main-d’œuvre
Insertion professionnelle : une nouvelle façon de recruter

Face aux difficultés rencontrées par les agriculteurs pour trouver des salariés, l’insertion professionnelle par l’agriculture a le vent en poupe. Tour d’horizon des dispositifs existants en Drôme pour accompagner chômeurs de longue durée, personnes exilées, bénéficiaires du RSA, séniors ou jeunes de moins de 26 ans vers une activité dans l’agriculture.

Insertion professionnelle : une nouvelle façon de recruter
L’association Parenthèse permet à des personnes éloignées de l’emploi ou en situation professionnelle difficile de s’insérer par le maraîchage, voire de suivre une formation qualifiante en maraîchage sur deux ans grâce au programme Courte échelle. (crédit : Parenthèse)

Avec ses jardins de Cocagne, l’association Parenthèse permet à des personnes éloignées de l’emploi ou en situation professionnelle difficile de s’insérer par le maraîchage. « Nous avons environ 25 personnes par exploitation », explique Solen Bourgeat, directrice de l’association. Réfugiés, chômeurs de longue durée, mères aux foyers qui ont été éloignées de l’emploi, travailleurs handicapés, bénéficiaires du RSA, se côtoient sur deux exploitations à Saint-Marcel-lès-Valence et à Peyrins. « Plus nous avons de la diversité parmi nos salariés et mieux ça se passe », indique la directrice. Pour les bénéficaires, c’est aussi l’opportunité de reprendre le chemin de l’emploi grâce à un suivi approfondi par une conseillère en insertion. Ainsi, les salariés peuvent parallèlement à leur activité de maraîchage réfléchir à leur avenir, apprendre le français dans le cas des réfugiés, accéder au logement, etc. Les contrats, des CDDI (pour contrat à durée déterminée d’insertion), sont d’une durée maximale de deux ans au sein de Parenthèse. Un temps souvent nécessaire pour retourner vers l’emploi.

« Lever tous les freins à l’emploi »

À Valence, dans les locaux de la MSA Ardèche-Drôme-Loire (ADL), une chargée en insertion professionnelle tient une permanence le matin. Elle reçoit des personnes candidates pour rejoindre Laser emploi ADL, une association lancée en février 2023 par la MSA. « Nous sommes spécialisés en agriculture car de nombreuses structures s’occupent déjà de l’insertion dans d’autres secteurs professionnels », explique Franck Bonzom, directeur de l’offre et relation de services sur le territoire à la MSA. La vocation de l’association, basée uniquement dans la Drôme pour l’instant, est d’envoyer les salariés en insertion chez les agriculteurs qui cherchent de la main-d’œuvre et de « lever tous les freins à l’emploi » durant leur période de travail. Ils sont actuellement sept à avoir été recrutés dans le dispositif.
Nombreux sont les agriculteurs à ne plus trouver de salariés sur le long terme ou en saison. C’est le cas de Jean-Yves Borel, viticulteur à Montclar-sur-Gervanne. « Depuis la crise de la Covid 19, ça devient très difficile de recruter, explique-t-il. Je n’ai pratiquement que des retraités ou des connaissances qui viennent pour l’épamprage ou les vendanges. » C’est pour cette raison qu’il a décidé de devenir client de Laser emploi. Malgré quelques inquiétudes, il espère que recruter des personnes en insertion sera une solution et imagine que sur le long terme, « dans deux ou trois ans », il pourra effectuer un bilan. « Il y aura un accompagnement des employeurs à l’accueil de ces publics via une petite formation », rassure Franck Bonzom. L’association assurera également un suivi des salariés sur les exploitations pour veiller à ce que tout se passe bien.

Effacer les clichés

Effacer les clichés des deux côtés, sur l’agriculture ou sur les personnes en insertion professionnelle, est l’un des enjeux majeurs de Parenthèse ou de Laser emploi. Le but de ces dispositifs est de redonner de la dignité aux personnes par le travail et de contourner tous les obstacles économiques ou sociaux qui pourraient les empêcher de s’insérer dans une vie professionnelle stable. Ainsi, l’association Parenthèse compte environ 50 % de « sorties dynamiques » des personnes accompagnées, soit via l’accès à une formation qualifiante, soit via un emploi. « Quelques personnes travaillent par la suite dans l’agriculture, majoritairement sur des emplois saisonniers », souligne Solen Bourgeat. L’équipe collabore avec Agri Emploi 26, qui rapproche les agriculteurs et demandeurs d’emplois pour combler les offres sur le département. La directrice constate que les personnes qui sont passées par l’association et obtiennent des qualifications en agriculture arrivent de plus en plus à trouver des emplois agricoles tout au long de l’année. C’est aussi un constat fait par Véronique Brochier, chargée de relation entreprise au Pôle emploi de Crest qui organise chaque année un forum de recrutement de saisonniers agricoles. « Il y a des CDI à pourvoir dans cette branche professionnelle », rappelle-t-elle. Également en partenariat avec Agri Emploi 26, un travail de fond sur la qualification des saisonniers agricoles est effectué. 

Elodie Potente

Formation : insertion et qualification vont de paire
Un groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (Geiq) en partenariat avec la FDSEA et Agri Emploi 26 est en train de voir le jour dans le département. ©Archives AD

Formation : insertion et qualification vont de paire

Former est un enjeu essentiel à l’insertion. Un groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (Geiq) en partenariat avec la FDSEA et Agri Emploi 26 est en train de voir le jour dans le département. Les Geiq fleurissent un peu partout dans le milieu agricole. Ils permettent à différents exploitants de se regrouper et d’embaucher des salariés avec un statut d’alternant qui leur permettra de se former pour acquérir des compétences qualifiantes. Une nécessité pour les personnes qui souhaitent poursuivre leur parcours professionnel dans l’agriculture suite à leur temps d’insertion, mais aussi un moyen de rassurer les agriculteurs qui les emploient.
Depuis peu, l’association Parenthèse a elle aussi misé sur la formation qualifiante. « Nous avions plusieurs personnes qui sortaient de leur contrat d’insertion et qui regrettaient de ne pas avoir de diplôme agricole », explique Solen Bourgeat. Pour répondre à cette demande, le programme Courte échelle a été lancé en 2020. La formation propose, en collaboration avec le lycée agricole Terre d’Horizon, un parcours plus poussé que les Jardins de Cocagne pour permettre à des personnes en insertion d’obtenir un brevet professionnel de responsable de production horticole. William Molas, ancien sportif professionnel et entrepreneur, fait partie de la première promotion de cette formation pas comme les autres. « Je cherchais une formation rémunératrice, avec de la pratique », explique-t-il. Au printemps 2023, il s’installera à Marches, en production maraîchère, sur des terres en fermage. Après deux ans à découvrir le maraîchage à Granges-les-Beaumont, avec cinq autres salariés en insertion, il en connaît désormais tous les aspects, du travail du sol jusqu’à la commercialisation des produits. 
E. P.