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Compagnons du devoir : c’est aussi pour les métiers du vivant

Très renommés dans les filières artisanales, les Compagnons du devoir concernent également les métiers du vivant comme jardinier paysagiste, vigneron, maréchal-ferrant et tonnelier. Explications avec Deven De Ruyter, responsable de l’Institut des métiers de la nature, du jardin et du paysage.
Compagnons du devoir :  c’est aussi pour les métiers du vivant

Au niveau des métiers du vivant, comment évoluent les effectifs des Compagnons du devoir par métier ?
Deven De Ruyter : « Malheureusement, les métiers de tonnelier et de maréchal-ferrant sont en tension avec des effectifs très faibles. Aujourd'hui, le métier de jardinier paysagiste est le plus « volumineux » en termes d'effectifs avec 115 jeunes et Compagnons. Il a été intégré au sein de l'association des Compagnons en 2003 avec la première session de formation. Les démarches avaient commencé en 2001, le temps de bien prendre connaissance de ce métier, de juger de la pertinence de l'intégrer au sein des Compagnons, de créer un parcours de formation. Le métier de jardinier paysagiste, en évolution permanente, sera autonome c'est-à-dire reconnu à part entière par l'association des Compagnons du devoir à partir d'avril 2017. Depuis les premières années, il est parrainé par le corps de métier des maçons ».

Qu'en est-il du métier de vigneron ?
D.R. : « C'est un jeune métier dans l'association des Compagnons du devoir puisqu'il est rentré sur le parcours Tour de France en 2012. Il est parrainé par les Compagnons boulangers pâtissiers pour faire le lien entre les métiers du vivant et du goût. Le métier de jardinier paysagiste accompagne les vignerons sur certaines compétences techniques en lien avec les connaissances du sol et du végétal, tandis que le métier de boulanger-pâtissier apporte un appui sur le reste. Dans le cadre du Tour de France, les jeunes en formation sont accueillis chez des vignerons sur le territoire français avec une possibilité à l'international. Un parcours de formation innovant « du cep au verre » est mis en place en partenariat avec Préférence Formation, pour le BTS viticulture et œnologie en itinérance sur trois ans dans cinq sites de formations. À travers les voyages et les rencontres, les Compagnons vont apprendre différentes manières de travailler la vigne et d'élaborer le vin. La formation est vaste pour un jeune en formation chez les Compagnons du devoir : il devra se spécialiser dans le domaine qui l'intéresse le plus. On veut qu'il ait des compétences en œnologie, mécanique agricole, connaissances du sol et des plantes, commercialisation des vins, etc. ».

Certes, les Compagnons du devoir sont assurés de trouver un emploi durable à la sortie de leur formation, mais quelle est votre principale difficulté aujourd'hui ?
D.R. : « La difficulté est de trouver des entreprises partenaires prêtes à former des jeunes en contrat de professionnalisation, que ce soit pour les métiers de maréchal-ferrant et surtout jardinier paysagiste. Or, nous avons une forte demande de jeunes souhaitant rentrer sur le Tour de France par son parcours innovant et, étant en manque d'entreprises partenaires, nous sommes dans l'incapacité de pouvoir tous les accueillir. Du côté des vignerons, nous avons les entreprises et nous recrutons des jeunes voulant intégrer le parcours Tour de France ».

Quel que soit le métier choisi, pouvez-vous rappeler les atouts majeurs de ce Tour de France ?
D.R. : « Notre vocation est la formation et la transmission des savoir-faire. Nos objectifs sont orientés vers l'accomplissement de chacun à travers son métier. Nos valeurs s'appuient sur le partage, le voyage, la rencontre. Sortis du Tour de France, les jeunes Compagnons ont une histoire, un parcours professionnel, une facilité d'adaptation du fait du changement de ville annuellement. Les Compagnons ont aussi une certaine ouverture d'esprit forgé par le voyage et les rencontres. Ils sont obligés de remettre en question leurs compétences, leur manière d'être et de faire pour pouvoir s'adapter à une nouvelle entreprise. Au terme de sept à huit années de Tour de France, ils ont la capacité d'assumer des responsabilités, d'être chef d'entreprise, conducteur de travaux. Ce Tour de France leur permet de mieux savoir quel poste ils aimeraient occuper et quelle région choisir. Comme nous avons un service dédié à l'accompagnement des jeunes vers l'international, nous avons à cœur de suivre n'importe quel projet d'un jeune Compagnon qui souhaite partir dans un pays étranger ».

Propos recueillis par Colette Boucher

 

Pour obtenir le titre de Compagnon du devoir, les jeunes doivent accomplir un Tour de France, balisé par la réalisation de travaux et la transmission des savoirs professionnels. Témoignage de Nicolas Reynes qui se forme au métier de jardinier paysagiste au sein de Maisons de Compagnons durant plusieurs années.

“ Une aventure intéressante ”

Pour quelles raisons avez-vous choisi de vous former par les Compagnons du devoir ?
Nicolas Reyne : « Après un bac STAE (aujourd’hui STAV sciences et technologie de l’agronomie et du vivant), j’ai obtenu un BTS aménagement paysager en Corrèze. J’ai fait le choix de rentrer chez les Compagnons du devoir parce qu’il me manquait de l’expérience professionnelle sur le terrain pour compléter ma formation initiale. J’ai rencontré le responsable de la filière des métiers du vivant qui m’a expliqué le compagnonnage. J’ai visité une Maison de Compagnons à Rodez pour voir comment cela fonctionnait. Je me suis dit que cela pouvait être une aventure intéressante ».
Pouvez-vous retracer votre parcours dans le cadre de votre Tour de France ?
N. R : « En 2012, j’ai débuté mon Tour de France comme jardinier paysagiste à Toulouse dans une entreprise de travaux publics ayant une cinquantaine d’employés. Etre dans une grande entreprise sur des gros chantiers m’a permis de me former au travail en équipe, à la notion de rendement. J’ai effectué beaucoup de plantations. La deuxième année du Tour de France, j’étais en région Centre dans une petite entreprise familiale qui faisait essentiellement des créations sur mesure chez des particuliers. J’ai appris à réaliser des travaux de finition et cela m’intéressait d’avoir le contact avec la clientèle ».
La troisième année, vous avez choisi de partir à l’étranger, que retirez-vous de cette expérience ?
N. R : « J’ai bénéficié d’une bourse d’études afin de partir à Cardiff au Pays de Galles où j’ai travaillé pour un domaine dans un jardin historique. Outre l’apprentissage de l’anglais, j’ai appris comment gérer l’entretien d’un parc selon les saisons (différentes techniques de jardinage, gazon à l’anglaise, etc.) et comment bien s’organiser pour préparer la saison suivante ».
En 2015, vous avez réalisé un travail démontrant vos capacités professionnelles pour obtenir le titre de Compagnon. Pouvez-vous préciser ?
N. R : « Pour réaliser ce chef-d’œuvre, nous avons travaillé à deux sur l’aménagement de la cour intérieure de la nouvelle Maison de Compagnons à Pantin en région parisienne. Dans le cahier des charges, on devait utiliser des matériaux innovants pour le revêtement de sol. C’était un travail complet de la conception à la réalisation, avec la recherche de matériaux, le contact avec les fournisseurs ».
Comment se déroule actuellement votre quatrième année du Tour de France ?
N. R : « Depuis quelques mois, je suis basé à Lyon et je travaille dans une entreprise de maçonnerie près de Valence. Je dois gérer un chantier de réfection d’une piscine pour une cliente qui a aussi des travaux d’entretien à faire dans son jardin. J’en profite pour parfaire d’autres techniques avec des pierres, de l’enduit traditionnel. L’intérêt de changer d’entreprise tous les ans permet d’avoir une expérience professionnelle assez complète, de rencontrer des entreprises ayant des méthodes de travail différentes, n’utilisant pas forcément les mêmes matériaux. Cela donne une vision plus globale de notre métier. Sachant qu’il me reste deux années pour terminer ce Tour de France, j’aimerais trouver des entreprises qui m’offrent la possibilité d’assurer plus de responsabilités pour gérer des équipes ». 
Propos recueillis par C. B.