RITES FUNÉRAIRES
Bousculer les mœurs pour mourir  de façon écolo !

Lorsque l’on perd un être cher, il est d’usage de lui rendre hommage par le biais d’un rite funéraire et de pratiques entérinées dans nos cultures. Mais dans un contexte où le changement climatique nous amène à repenser notre quotidien, ces habitudes et leur impact écologique sont peu à peu remis en question.

Bousculer les mœurs pour mourir  de façon écolo !
À gauche, des urnes en carton écoresponsable. © L'Autre Rive

144 allers-retours entre Paris et Marseille en TGV : c’est ce que représente le poids de l’empreinte carbone d’une inhumation ou d’une crémation traditionnelle en France, soit respectivement 620 et 649 kg d’équivalent CO2 rejetés lors de ces rites funéraires, selon les chiffres de la chambre syndicale nationale de l’art funéraire (CSNAF) dans un rapport publié en octobre 2024. Avec plus de 600 000 décès en France chaque année, repenser les rites funéraires s’impose donc, notamment par le biais d’innovations et d’ouverture sur un nouveau rapport à la mort.

Plus vert et moins lugubre

C’est donc avéré, la mort pollue. Brigitte Lardy est la directrice de l’Autre Rive, magasin de pompes funèbres situé à Lyon, dans le quartier de la Croix-Rousse. Elle est de celles qui ont décidé de bousculer les mœurs, au service de la planète. À commencer d’ailleurs par une image moins lugubre des symboles mortuaires : une vitrine bleu marine, un style épuré et lumineux, un accompagnement personnalisé du début à la fin. « Nous ne pouvons pas retirer la peine de ceux qui nous visitent. Mais nous pouvons offrir un instant de calme, comme une respiration dans la douleur. Le magasin n’entretient en aucune façon les codes funéraires, le style est doux, il y a de la lumière. C’est un peu comme à la maison », explique Brigitte Lardy. Et au-delà de cet aspect chaleureux, les solutions proposées sont innovantes et plus vertes. Exit les cercueils massifs en bois importé, le magasin propose des cercueils en bois écoresponsable pour les inhumations, en cartons personnalisables pour les crémations, exemptés de produits chimiques et fabriqués en France, des capitons en coton biologique, mais également des urnes en sable, en cellulose, en sel, conçues pour être enterrées ou jetées à la mer. « Nous avons à cœur de proposer des produits un peu plus originaux et esthétiques que ceux proposés sur le marché mortuaire. Il n’y a aucune raison d’associer la mort à la laideur », explique la directrice. Le prix est également adouci par ces solutions écologiques. « Le cercueil en carton est en moyenne de 200 euros moins cher qu’un cercueil classique », indique-t-elle. De plus, les soins mortuaires, eux aussi particulièrement polluants et onéreux, sont évités au maximum. « Nous ne pratiquons les soins au formol qu’en cas d’absolue nécessité, nous privilégions les toilettes, nettement moins invasives et non polluantes », détaille Brigitte Lardy.

Un retour à la nature

Les cimetières et autres lieux d’inhumation sont eux aussi concernés. Alors que la plupart des cimetières font la part belle au minéral, séparant brusquement le monde des morts et celui des vivants à l’aide de cercueils épais, de pierres tombales imposantes, de caveaux en béton et de fleurs artificielles, certaines communes invitent à inhumer les corps de façon plus naturelle. C’est le cas du cimetière naturel de Souché, ouvert depuis 2014 dans la ville de Niort (Deux-Sèvres). Amanda Clot en est la responsable depuis fin 2015. « C’est un espace où le végétal l’emporte, dans lequel la lutte contre la dégradation des corps n’est pas un problème. C’est un lieu que les familles des défunts qualifient souvent de beau, apaisant, dans lequel ils se sentent bien, moins morbide et froid que les cimetières traditionnels », explique-t-elle. Exit les caveaux, le corps est enterré dans un cercueil fin, en pleine terre. Les familles sont invitées à choisir des vêtements en fibres naturelles et à éviter les soins mortuaires. Les tombes sont recouvertes de plantations. « Le lieu ressemble à un sous-bois, les proches des défunts sont moins réfractaires à l’idée d’aller se recueillir dans un lieu végétalisé, avec toute la faune qui l’occupe », décrit la responsable. Une nouvelle manière d’aborder la mort, à travers une autre symbolique. « La végétalisation qui surplombe les sépultures peut faire naître l’idée d’une passerelle entre deux mondes, une continuité qui fait souvent du bien. » Une idée qui rejoint celle d’Élia Conte Douette, créatrice du concept de « forêts cinéraires » en France. Cette dernière avait à cœur de proposer une inhumation d’urnes crématoires au sein de forêts dédiées. Après une bataille sans relâche pour faire autoriser et accepter une telle démarche, la fondatrice finit par réaliser un projet unique, Cime’tree, qui permet de choisir un arbre, un emplacement de 15 mètres carrés en pleine forêt, pour y enterrer les cendres d’un être cher. Des solutions plus éthiques et plus vertes, qui permettent d’économiser jusqu’à 30 % du prix d’un enterrement classique, et de réduire considérablement son coût environnemental. 

Charlotte Bayon

Et si vous deveniez un arbre ?

Malgré une politique funéraire rigide, les entreprises redoublent d’efforts pour changer le cycle de la mort. Ces dernières proposent un retour du corps à la terre, en invitant les défunts à devenir arbres ! Lorsque des solutions autrement plus respectueuses de l’environnement, telles que le compostage humain (humusation), la lyophilisation (consiste à plonger la dépouille dans un bain d’azote liquide à - 196° C, ce qui la rendrait friable), l’aquamation (qui consiste à “brûler” par l’eau le défunt placé dans un cylindre métallique), éclosent en Australie, au Canada ou encore aux États-Unis, la loi française y reste pour l’instant réfractaire. Lorsque deux designers italiens ont eu l’idée d’une urne géante biodégradable, pour y placer le corps d’un défunt afin qu’il nourrisse la terre et fasse pousser un arbre, le projet se heurte à la législation. Il est néanmoins possible, après crémation, de réaliser son souhait de devenir arbre, grâce à la version miniature de ces capsules : composées de deux parties, la partie inférieure contient les cendres du défunt, tandis que la partie supérieure contient un disque en fibre de coco, destiné à accueillir la graine de l’arbre choisi, accompagné d’un mélange fertile pour soutenir la pousse et faciliter l’irrigation. L’urne est ainsi enterrée entre 3 et 5 cm de profondeur. 
C.B.