Vigne
Vendanges : la confiance revient après une saison compliquée
Après la canicule, les pluies du week-end dernier ont redonné l'espoir de belles vendanges. Le point avec les présidents des principales appellations viticoles drômoises.
Dans les Baronnies
Sur l'aire d'appellation Vinsobres, les vendanges débuteront début de semaine prochaine. « Et pour les rouges, entre le 6 et le 10 septembre pour les syrah », prévoit Philippe Chaume-Arnaud, président de l’AOP Vinsobres. L'état sanitaire du vignoble est satisfaisant. « La canicule a été source d'inquiétude, quelques jeunes plants de vigne ont souffert mais ça reste anodin pour le cru Vinsobres, indique le président de l'appellation. La pluie est arrivée au bon moment. C'est de l'eau bénite. » En matière de rendement, « si globalement on arrive à 35 hectolitres par hectare en cru Vinbsobres, ce sera bien », prévient-il. Ces trois dernières années, il atteignait les 33 hl/ha. « Tout se joue sur les rendements jus », souligne-t-il. Des températures clémentes jusqu'aux vendanges assureraient une maturité lente en fin de saison, ce qui serait idéal pour obtenir plus de couleur et d’arômes, et des acidités qui ne chutent pas. « Aujourd'hui je suis confiant, assure Philippe Chaume-Arnaud. Il faut laisser mûrir pour atteindre les bonnes maturités phénoliques. »
Sur le plan commercial, si aucune « flambée » de la demande n'est enregistrée, l'AOP Vinsobres voit ses sorties de chais croître de 5 % de date à date. « Nous adaptons notre production en fonction des marchés et en veillant à la qualité de nos vins, stipule Philippe Chaume-Arnaud. Dans un marché du vin tendu, notre démarche de cru fonctionne. Les sorties de chais sont régulières et elles progressent d'année en année. »
Dans le Nyonsais
Les vendanges débuteront la semaine prochaine pour les blancs et les rosés du Nyonsais. « En rouge, ce ne sera pas avant la mi-septembre », prévoit Pierre-Michel More, président du syndicat des vignerons du Nyonsais. Avec l'humidité en mai et juin, « ça a été compliqué de maintenir l'état sanitaire en bio comme en conventionnel. Mais, globalement, on ne s'en sort pas trop mal car le beau temps a cassé la maladie, fait-il remarquer. Seul un petit pourcentage de vignes est affecté par le mildiou, principalement sur des parcelles situées en bas-fond. L'état sanitaire des grappes est bon. » Toutefois, le feuillage reste sensible et les viticulteurs comptent désormais sur le beau temps et le mistral jusqu'aux vendanges.
« Avec une météo passant d'un extrême à l'autre, on est sur un millésime assez atypique, constate Pierre-Michel More. Avant le mois de mai, c'était la sécheresse ; puis en mai et juin, l'excès de pluie suivi de gros coups de chaud. Les pluies bénéfiques du week-end dernier (30 à 40 mm dans le Nyonsais) ont cassé la sécheresse. S'il fait beau jusqu'aux vendanges, on aura une belle récolte. » Seul bémol, la baisse de 20 % du rendement en Côtes-du-Rhône générique, fixé à 41 hl/ha cette année. « Avec l'augmentation des charges et la baisse des cours, j'ai peur que des exploitations cessent leur activité », s'inquiète Pierre-Michel More.
Dans le Tricastin
Sur l'aire d'appellation Grignan-les Adhémar, dans les secteurs les plus précoces, les vendanges ont démarré la semaine dernière pour les blancs. « Quelques zones ont été impactées par le mildiou mais les dégâts sont limités grâce au travail de fond des vignerons sur la gestion de l'enherbement, les cadences de traitement, la régulation de la production pour sortir des rendements adaptés », indique Matthieu Rozel, président de l'AOP Grignan-les Adhémar. Il précise que le coup de chaud du 21 au 25 août a impacté les ceps ayant peu de systèmes racinaires. Cependant, les pluies du 26 et 27 août vont permettre aux vignes de finir leur cycle de maturité, mais les raisins ne regonfleront pas, dit-il. « Si la météo de septembre est favorable, cela peut annoncer de très belles cuvées en fin d'année », estime Matthieu Rozel. En matière de rendement, certaines exploitations feront le plein, d'autres non avec des vignobles atteints par le mildiou. Globalement, nous devrions atteindre 35 à 38 hl/ha en rouge. »
Sur le plan commercial, le marché du vrac reste à la peine. Mais, selon le président de l'appellation, les ventes en bouteilles tirent leur épingle du jeu. « Je suis confiant dans le travail fait par les vignerons, le personnel des caves, les œnologues, souligne Matthieu Rozel. Après la réussite des ponts du mois de mai, nous avons eu une belle saison estivale, avec un vrai dynamisme dans les caves pour développer l'œnotourisme. »
Dans le Diois
« Nous avons eu une belle pluie le week-end dernier, de 50 à 80 mm selon les secteurs », se réjouit Fabien Lombard, président de l'AOP Clairette de Die et vins du Diois. Un épisode qui tombe à pic pour recharger les sols après la sécheresse estivale. Cependant, cette pluie est arrivée trop tard dans les secteurs les plus précoces d'Aouste-sur-Sye, de la vallée de la Gervanne jusqu'à Saillans. Globalement, sur l'ensemble du vignoble, « les baies sont de 10 à 15 % plus petites qu'en 2022, ce qui laisse présager un rendement assez faible malgré les récentes précipitations, constate Fabien Lombard. Il n'est donc pas certain que le rendement de référence fixé à 52 hl/ha soit atteint. À noter, début juillet, un épisode de grêle a fortement endommagé certaines parcelles sur un secteur situé entre Aouste-sur-Sye et Saillans.
Sur le plan sanitaire, avec un printemps humide, des poussées de mildiou ont été observées, heureusement sans conséquence majeure. « Sécheresse et canicule ont eu beaucoup plus d'impact sur le rendement, souligne Fabien Lombard. On pensait perdre en acidité dans les jus mais la récolte des premiers raisins la semaine dernière montre que ce n'est pas le cas. Et le pH est plutôt bas. » Une bonne nouvelle qui en appelle une autre. « En clairette de Die, nous observons un rebond de la commercialisation de 4 % au premier semestre de 2023 ». Voilà de quoi redonner du sourire aux vignerons du Diois.
Au nord de Valence
L'épisode de grêle de fin juillet a frappé 20 % du vignoble de Crozes-Hermitage entre Pont-de-l'Isère et Tain-l'Hermitage. « Au maximum, cela représente 15 % de perte en volume », souligne Pierre Combat, président de l'AOP Crozes-Hermitage. Quant à la canicule, « ça n'a rien à voir avec 2022. Elle a fait maigrir les raisins, lesquels ont regonflé après les 90 mm de pluie du week-end dernier », ajoute-t-il. Sur le plan sanitaire, « l'année n'a pas été facile, fait remarquer Pierre Combat. Il a fallu investir beaucoup de temps de main-d'œuvre dans le vignoble. Mais tout va bien. C'est une année de vignerons. »
Les vendanges devraient débuter vers le 10-15 septembre. À la marge, quelques parcelles seront vendangées dès la semaine prochaine. « Le volume de 2023 sera supérieur à celui de 2022, prévoit Pierre Combat. Mais la dernière ligne droite est toujours la plus compliquée », tempère-t-il.
Sur le plan commercial, « globalement, c'est zéro souci, dit-il. Nous avons seulement huit mois de stock alors qu'il en faudrait au moins douze pour un cru comme le nôtre. »
Christophe Ledoux
Vignobles français : un climat d’incertitude
Alors que le millésime 2023 se présentait plutôt bien, la canicule de la fin août fait craindre un impact important sur la qualité et les quantités. La situation est plus contrastée que jamais d’une région à l’autre. En Alsace, c’est l’optimisme qui prédomine avec des fruits de belle qualité, une situation sanitaire satisfaisante et la perspective d’un millésime relativement productif. Même situation en Champagne, où la vendange 2023 bat déjà le record du poids moyen des grappes de raisin. Dans le sud de la France, la canicule a douché les espoirs des vignerons dans de nombreuses appellations, relançant l’idée d’une malédiction pesant sur les millésimes en « 3 ». Une situation qui obligera probablement les vignerons à adapter leurs vinifications et leurs assemblages pour conserver la fraicheur des vins. Les températures très élevées pourraient également entraîner des conséquences néfastes sur les vignes de la Côte de Beaune et de la Côte de Nuits où l’échaudage menace le délicat pinot noir. Mais c'est dans le Bordelais que la vendange du millésime 2023 suscite le plus d’angoisse. Alors qu’ils ont donné les premiers coups de sécateurs à la mi-août pour la récolte des crémants, les vignerons de cette région mesurent les conséquences concrètes du développement exceptionnel du mildiou.