Témoignages
Gaec : gérer les coups durs  et pérenniser l’installation

Trois associés au sein du Gaec Caetera à Vaunaveys-la-Rochette ont témoigné sur leurs expériences professionnelles et humaines en installation . Une table ronde était organisée par le collectif Inpact, Solidarité Paysans Drôme Ardèche et le réseau Amap Auvergne-Rhône-Alpes.

Gaec : gérer les coups durs  et pérenniser l’installation
La visite de l’exploitation, au centre Marie Rivoire, associée au Gaec Caetera. © PLB

De plus en plus de jeunes, parfois non issus du monde agricole, cherchent à accéder au foncier agricole. Souvent ils choisissent la forme collective pour s’installer et doivent apprendre à travailler en commun et faire face aux coups durs, aux aléas climatiques et aussi humains. C’est dans cet esprit que les organisateurs, Amélie Charveriat du réseau Amap Auvergne-Rhône-Alpes, Justine Arnaud, chargée des partenariats et de la communication à Solidarité Paysans Drôme Ardèche et Auvergne-Rhône-Alpes, et Marie, stagiaire au sein du réseau Amap Auvergne-Rhône-Alpes, ont réuni trois associés du Gaec Cætera de Vaunaveys-la-Rochette, cinq porteurs de projets et quatre agriculteurs en activité pour livrer leurs témoignages sur les thèmes : « s’installer et réagir en cas de coup dur » ; « comment s’entourer ? » ; « quelles ressources extérieures ? » ; « quels soutiens dans les Amaps ? »
Une vingtaine de personnes ont échangé leurs expériences sur l’exploitation de Marie Rivoire, Laurent Marseille et Ludovic Rollat, associés du Gaec Caetera. Les trois associés ont fait part de leurs expériences et des difficultés à surmonter. Le Gaec a été créé en 2016 après plusieurs années d’échanges d’idées. L’exploitation est spécialisée dans le maraîchage biologique avec des cultures de légumes diversifiées (200 variétés), depuis les tomates-cerises, courgettes, piments, carottes, haricots jusqu’aux herbes aromatiques, aneth, coriandre … 

Se retrouver sur les fondements et les valeurs 

L’exploitation est en fermage. Les associés louent 7 hectares dont 2,8 sont consacrés à la culture maraîchère bio plein champ. Le reste est constitué de bois et de prairies pour le parcours des animaux. Pourquoi le choix du Gaec ? « Il y a des avantages fiscaux indéniables. Chacun perçoit un crédit d’impôt bio. Cette formule juridique semblait la plus adaptée à notre groupe », explique Laurent Marseille. Les trois partenaires avaient auparavant travaillé comme salariés agricoles dans différentes fermes. Avant de se lancer dans cette aventure humaine et économique, les trois associés se sont rencontrés à plusieurs reprises. « Nous avons fait deux années d’essais et de tests avant de créer le Gaec. Il fallait travailler ensemble et dégager des revenus. Ludovic est venu nous rejoindre en 2017. Il avait une solide expérience en maraîchage. La première année, nous avons planté le décor et ajusté notre stratégie. Il fallait avoir des outils en commun. Nous avons emprunté 20 000 euros et acheté un camion frigorifique. Le challenge était d’abord humain », détaille Marie Rivoire qui a suivi plusieurs stages au Gaec de l’auberge à Crest et à AgribioDrôme. Marie Rivoire, lyonnaise, n’est pas issue du milieu paysan. Elle a dû se former à un nouveau métier exigeant en termes de compétences et de temps. Elle s’occupe de toute la partie administrative, gestion des salaires etc. « Gérer la vente directe, les Amaps, les marchés, c’est un rythme effréné. Je suis venue ici pour trouver un lieu et une communauté. On s’est tous retrouvés sur les fondements et les valeurs. » Ludovic Rollat reconnait qu’il y a beaucoup d’astreintes dans cette nouvelle activité mais qu’il a retrouvé le plaisir de travailler dans une micro société solidaire sur le plan humain. Pour Ludovic, c’est aussi un choix de vie : « J’étais parti pour travailler seul mais j’ai aimé ce groupe de personnes, les compétences de mes associés. J’ai beaucoup appris. Nous avons mis l’humain en priorité au cœur de notre activité, ce qui m’a séduit tout de suite. » 

Une réunion hebdomadaire pour la gestion humaine et technique

Les trois associés du Gaec reconnaissent que la gestion humaine et financière prend beaucoup de temps, notamment la comptabilité gérée en interne. Ils se sont donc imposés une réunion hebdomadaire pour aborder tous les problèmes techniques et humains. « Nous en profitons pour élaborer des règlements intérieurs et aborder la gestion technique et humaine notamment en hiver où nous avons un peu plus de temps. On parle du temps de partage du travail. Il y a trois rythmes différents avec une rotation des présences les week-ends. Chacun possède son propre rythme de travail. Chacun prend ses vacances en fonction de ses besoins », souligne Ludovic. Marie consacre 2 000 heures par an soit 40 heures par semaine au Gaec. Une charge de travail qu’elle assume. 
Marie, Ludovic et Laurent ont successivement répondu aux questions des producteurs, des organisateurs du réseau Amap et de Solidarité Paysans sur les solutions à envisager en cas de crise ou de coups durs. 
« Nous n’avons pas la prétention de trouver toutes les solutions mais on peut vous faciliter les tâches en cas de coups durs en proposant un accompagnement global, définir des priorités et vous apporter un soutien moral et concret », a également expliqué Justine Arnaud de Solidarité Paysans Drôme et Ardèche. 

Solliciter l’aide au répit en cas de coup dur

Les trois associés ont surmonté une année 2020 très difficile, « une crise multifactorielle » marquée par une baisse de rendement en pommes de terre et légumes avec un printemps et un automne froid, un cas de burn out, un arrêt maladie... « Nous avons dû employer des saisonniers en plus. Nous avions des craintes sur les rentrées d’argent. Nous avons demandé de l’aide financière à la famille d’un associé pour régler les problèmes de trésorerie. Il faut se faire accompagner en cas de burn out et se mettre en arrêt maladie. L’aide au répit a été très utile et permet d’avoir un remplaçant. En production, nous avons réduit nos surfaces d’un hectare. Nous avons moins de saisonniers. Nous sommes partis sur de nouvelles bases en prenant des mesures plus radicales en gestion et production », conclut Marie.
Pierre-Louis Berger